Ce jour marque le 44e jour de révolte d’un peuple qui hurle sa colère face au mépris grandissant d’une classe dirigeante sous le contrôle de la finance qui les manœuvre avec leurs lobbyistes. Nos ministres et nos députés au pouvoir donnent la sensation de représenter des intérêts privés. Ils vendent depuis des années, à moindre coût, notre patrimoine national. Après le premier choc pétrolier d’octobre 1973, les conditions de vie de nos concitoyens n’ont pas cessé de se détériorer au profit d’un nombre de personnes de plus en plus restreint.
Au début, les gens se sont repliés sur eux-mêmes, quoi de plus normal. La nature humaine cherche toujours à préserver ses biens, sa famille et ses acquis propres sans parfois remarquer la misère qui grandit à côté d’elle. Cependant, la cupidité des plus fortunés commence à devenir insatiable au point que la pauvreté saute au visage dans tous les coins de rue. Les médias privés appartiennent à des milliardaires qui se servent d’eux comme d’une arme antisociale au profit d’une minorité confortée par des journalistes (ou plutôt des contradicteurs à ce stade). Ils assènent jour après jour leurs doctrines libérales utiles seulement à ceux qu’ils les soumettent.
Pendant ce temps, le peuple souffre dans un quotidien qui s’avère de plus en plus tendu ou nul ne croit plus à un lendemain qui peut à tout moment se retourner contre lui. La peur de la misère laisse la place à la réalité de l’assiette vide, de la facture impayée et de la douleur physique que l’on arrive plus à soigner. Cette vérité, nos dirigeants l’ont occultée ; ils ont refusé de la regarder en face sans vouloir écouter les hurlements qui devenaient assourdissants.
Les Gilets Jaunes sont descendus dans la rue, les langues se sont déliées et chacun a compris que derrière chaque porte de maison ou chaque mur les problèmes et la pauvreté ressemblaient à la sienne. À force d’espérer un peuple de mouton, le pouvoir en place a créé une meute de loups qui bouge vite, qui grandit et gardera toujours un coup d’avance. Elle reste imprévisible et la peur du lendemain change de camp, au fond qui perdra le plus ? Ceux qui possèdent ou les possédés ?
Alors quels choix se posent pour nos dirigeants ? En définitive, ils sont empêtrés dans le piège qu’ils ont tendu eux-mêmes, celui des gens qui les ont mis là. Xavier Niel, milliardaire détenteur du « Monde » et du « Nouvel Obs », est même sorti de sa réserve pour étaler tout le bien qu’il pensait d’un Macron en fin de course, réduit au charisme d’une bernique qui s’accroche encore à son rocher.
Certes, nous avons entendu l’intervention télévisée d’un Président qui a tenté de faire passer des vessies pour des lanternes. Il a présenté des mesures grotesques tout en disant au peuple qu’il devra se les payer. Comment celui-ci devait-il le prendre ? Comme la plupart des économistes des chaînes d’information qui offraient cela sur un plateau d’argent sans sentir l’odeur nauséabonde qui s’échapper de cette manne ? Non ! Les gens ont vu le subterfuge et la colère est montée d’un cran.
Il ne restait plus que la répression, l’arme ultime d’un gouvernement qui s’agrippe aux institutions d’une cinquième république en fin de course dont la population souveraine ne veut plus. Contrairement aux premières révolutions, ces fusils tuent très peu, mais ils mutilent, ils choquent, car ils brisent des vies. Elles cherchent à instiller la peur, mais au contraire elle monte la haine comme une mayonnaise qui prend trop bien. Tous les médias d’information en continu, jusqu’aux chaînes publiques, distillent des nouvelles tronquées qui minimisent le nombre de manifestants en poussant en avant les violences bien souvent du fait premier de policiers, bras vengeur du pouvoir en place.
Les images pleuvent pourtant sur les réseaux sociaux, des passages à tabac d’hommes et de femmes frappés par plusieurs CRS, d’yeux arrachés par des Flash-Balls munis de viseurs holographiques dont la précision peut laisser penser à des tirs délibérés dans la tête. Cette dérive montre toute sa dangerosité, car la colère se construit autour des blessés par l’incompréhension qu’elle suscite. Elle s’ajoute à la détresse de ceux que l’on n’entend pas. Ils finissent parfois dans des tribunaux condamnés à de véritables peines de prison alors que le scandale Benalla et l’ensemble des affaires politiques pourrissent dans les tiroirs de la justice.
Les événements sont allés trop loin, tout retour en arrière s’avère impossible. Les gilets jaunes ont trop donné d’eux-mêmes pour que cela s’arrête aussi paisiblement que cela à débuter. Chaque jour qui passe augmente la facture sociale qui sera présentée aux « élites » dont la suffisance et le dédain ont provoqué cette révolte populaire. L’hiver vient d’arriver, mais les jours vont rallonger et le printemps revenir. Si le gouvernement croit à un essoufflement, si les médias pensent que ce mouvement est fini, ils se trompent lourdement ; ils risquent d’ailleurs tous de le payer très cher. Personne ne compte sur la détermination d’un peuple meurtri et blessé ni sur sa volonté d’instaurer une véritable démocratie.
Je constate malheureusement que les appareils politiques n’ont jamais entendu des leçons de l’histoire. Le pouvoir n’autorise pas toutes les dérives et tous les excès. L’on ne peut permettre l’enrichissement d’une minorité sur le dos de ceux qu’ils exploitent. L’évasion fiscale est devenue un fléau, un vrai détournement de fonds dont l’impôt sur la fortune offrait un paravent sommaire. Taxer les carburants a montré l’arbre qui cachait la forêt et cette allumette a suffi à l’enflammer. Maintenant, les gilets jaunes existent, mais seuls le Président de la République et son gouvernement demeurent responsables de la Révolution des yeux crevés.