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Billet de blog 20 décembre 2015

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DANS MON HLM, LA MÔME DU 8 ème....

Médiapart offre la projection d'un documentaire sur la rénovation de la Tour Bois Le Prêtre. Le chapô médiapartien qualifie l'oeuvre de "délicate"... Alors que le sujet de la rénovation, réhabilitation participative des logements est ancien, l'expérience est qualifiée de novatrice parce qu'elle offrirait une alternative à la démolition/reconstruction. Mais je reste sur ma faim...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
une mdp

Plutôt que de démolir les tours, rénovons-les. Ce changement de pied radical dans la politique de la ville a été largement salué lors de l'opération de la restructuration de la tour Bois-le-Prêtre, à Paris, en 2010. Mais le délicat documentaire de Guillaume Meigneux s'attache à l'autre aspect : comment dans cet immeuble de quelque cent appartements vit-on la transformation de son « chez-soi »

Comme professionnel de la réhalitation des immeubles bâtis, qui plus est spécialisé dans la remédiation des pathologies, je porte un regard cisconspect sur ce type de documentaire.

>> ce billet a été publié en commentaire du sujet lui même, le 20/12/2015.

En effet, la question du renouvellement urbain étant posée, il reste celle du bilan économique au sens le plus large.

Ce type d'immeuble de 16 niveaux présentant a priori (vu que la typologie des logements n'est pas évoquée) deux catégories d'appartement conçus selon un plan strictement asymétrique (entrée A, Entrée B?) avec au centre une travée décalée d'un demi niveau, comprend la moitié des logements organisés en 2 niveaux interieurs (dits "pairs" et "impairs"), reliés par un escalier d'une dizaine de marches.

> il eut été opportun d'expliquer que les niveaux "pairs" rassemblaient 8 logements de 2 ou 3 pièces et que les niveaux "impairs" étaient tous divisés en 4 logements de 6 pièces...

>> pour en savoir plus, voir le plan trouvé sur le site d'un des architectes:

Illustration 2
plan logements tour le pretre

Question 01: comment l'équipe de maitrise d'oeuvre a réglé l'accessibilité des logements?

Les personnes Utilisatrices de Fauteuil Roulant peuvent-elles choisir un des logements de 6 pièces? les salles de bains sont-elles conçues aux normes PMR? je ne vois aucune indication dane les divers articles trouvés sur le net (site des archis, moniteur, wikipédia...) On ne l'évoquera pas dans le film et a priori, cette opération n'est pas référencée sur le site internet de VULCANÉO, pourtant chargé de la mise en accessibilité...

Autre sujet: la performence énergétique.

Les engagements nationaux en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique, sujet hautement d'actualité, entrainent nombre de contributions sur les solutions simples et conceptuelles à l'occasion de la rénovation des vétures de ce type de bâtiment.

Question 02: De quelles études diposent le maitre d'ouvrage (Paris Habitat?) pour s'engager à respecter une amélioration de la performance énergétique?

Les "jardins d'hiver" seront-ils un dispositif d'apport énergétique en hiver ou une cocote minute en cas de canicule?

>> a priori une conception savante de divers "rideaux" intérieurs et stores extérieurs viennent tempérer les surfaces vitrées et selon les déclarations des archis et de Paris Habitat, la consommation énergétique aurait été réduite à plus de 50%.

Mais la perte de luminosité des pièces centrales a-t-elle été calculée, suite à l'extension des planchers opaques de 4m de profondeur?

Et le recours à des plaques de polycarbonate en paroi extérieures, soumises aux intempéries, ne nuit-il pas au confort visuel préexistant?

voir l'article du Moniteur du 03/04/2013

http://www.lemoniteur.fr/article/la-transformation-de-la-tour-bois-le-pretre-vue-par-anne-lacaton-20648282

Question n°03: Enfin, qu'en est il de la prise en compte des polluants du bâtiment et d'un chantier pour les occupants et les ouvriers?

A écouter Mr Colin, chef de projet Paris Habitat, 12000 tonnes de CO2 ont été économisées, ainsi que 11000 tones de déchets, en choissant de ne pas démolir l'immeuble, mais de le rénover.

Certes, c'est bien normal, puisque l'immeuble est conservé.

Mais a t il subit un curage complet?

On peut en douter, quand on constate que les travaux ont été entrepris en site occupé, en présence même parfois des occupants lors de la modification des chassis existants, de la pose des modules préfabriqués.

Si l'on note l'organisation de travaux de retrait de matériaux contenant de l'amiante au début du film par des opérateurs encagoulés et portaant appareil de protection respiratoire, on peut s'étonner de voir des habitants croiser des ouvriers perçant des maçonneries au parteau piqueur, dans un nuage de poussières...

Illustration 3
marteau piqueur

A noter que le chantier s'est déroulé entre 2009 et 2011, soit avant l'entrée en vigueur de la dérnière vague réglementaire durcissant les exigences en matière de prévention des risques amiante.

De même, que pensez de l'empoussièrement des meubles ou cartons de déménagement entassés sous un simple polyane non étanche, apparaissant derrière un confinement arraché...

Illustration 4
pose des chassis extérieurs
Illustration 5
pose chassis 2

Coté prévention des risques, le CSPS a t il mesuré les risques de coactivité entre les ouvriers intervenant sur les plateformes en construction, alors que les logements étaient habités? Comment expliquer ce geste de l'ouvrier qui demande à la petite fille de s'écarter de la baie vitrée alors qu'il achève la stabilisatiion de la plateforme au ... 8ème étage 😉?

Illustration 6
petite fille à la vitre

Pour conclure ce billet: Quel est le bilan en terme de qualité d'usage durant ce chantier de 3 ans?

on ne l'apprendra pas ici, car le réalisateur n'a même pas pensé à investiguer...

On apprendra en parcourant les divers documents trouvés sur le net, que la petite augmentation des loyers est compensée par la baisse des charges... et que selon le site de l'architecte en titre, que la surface ajoutée des jardins d'hiver ajoutée ne serait pas prise en compte dans l'assiette des loyers.

"Les révisions de loyers, consé- cutives à la réhabilitation, ont tenu compte des revenus des habitants, mais sont toujours restées inférieures aux écono- mies induites par les réductions de consommation d’énergie réalisées."

voir plaquette agence parisienne de climat : https://api-site.paris.fr/images/139550.pdf

Mais cela compense-t-il les pertes de jouissances, des mois de bruits, de circulation dans la poussière, les risques du chantier?

Il eut été opportun d'entendre l'amicale des locataires...

Car ce projet est présenté comme exemplaire, comme le raconte la plaquette dessant les actes de la soirée débat du 15 mars 2012, à l'Ecole Supérieure d'Architecture de Belleville:

La concertation avec les habitants, moteur du projet

Cette réalisation, comme le rappelait d’emblée Bruno Colin, responsable de service à la di- rection de la construction de Paris Habitat, a porté un accent fort sur la concertation avec les habitants afin que ceux-ci s’approprient le projet.

D’où la mise en place, pour y parvenir, d’une équipe étoffée : un chef de projet à 60% de son temps, un chargé de relation locataires à 100% en phase travaux, un chef de projet assurant la gestion et la mobilisation du gardien de l’immeuble. Cette concertation, qui s’est voulue exemplaire, a démarré très en amont. Ses ingrédients ? Pédagogie et démocratie, par le biais de réunions publiques qui ont débouché sur la mise en place d’ateliers thématiques mobilisant des groupes de locataires. Au menu, sécurité, qualité d’usage, parties communes... dont les conclusions ont enrichi le programme, dans l’optique du concours d’architecture.

Le maître d’ouvrage a souhaité pousser la démarche jusqu’au bout en associant, dans une certaine mesure, les représentants des locataires au jury de concours.

Dans la logique qui avait jusqu’ici prévalu, la désignation de l’équipe de maîtrise d’œuvre fut l’occasion d’engager une nouvelle phase de concertation participative et individualisée avec les locataires pour discuter de l’aménagement du logement et du choix des matériaux. Afin de rendre l’ensemble tangible, un logement témoin pourvu d’un jardin d’hiver a été réalisé.

En phase de travaux, des réunions hebdomadaires rassemblant l’amicale des locataires et l’équipe de maîtrise d’oeuvre, doublées d’une permanence sur le site, ont permis de fluidifier la gestion de l’opération, même si, comme le rappelait Paris Habitat, « nous avons sous- estimé la difficulté d’intervenir en site occupé ». Constat peu surprenant quand on sait qu’il a fallu organiser de manière simultanée le démontage de la façade, les travaux de restructura- tion intérieure et les déménagements dans des logements relais pour ceux qui le souhai- taient. Sachant que « la quasi-totalité des locataires occupant les T3 et les T6 faisaient le choix de déménager ».

téléchargez la plaquette PUCA

En avril 2006, à l'issue de la concertation menée par l'architecte Françoise-Helene JOURDA, la présidente de l'Amicale des locataires, Zina BOUAZZA déclarait au Parisien:

(...) Zina dont la cuisine sera également reconfigurée craint seulement que certains occupants aient du mal à supporter les hausses de loyer établies en fonction de l'indice du coût de la construction.

« Pour ma part je passe de 2,09 /m2 à 3,16 après travaux, ce qui équivaut à 25
% d'augmentation sur le loyer charges comprises de son six-pièces (750 au lieu de 600 ) », évalue-t-elle. Nous sommes en train de négocier un étalement de la hausse sur plus de cinq ans avec l'Opac. Mais pour certains, cela risque quand même de faire lourd. »

Peut espérer une enquête sur la situation actuelle, en terme de satisfaction des habitants?

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