C'est un tweet qui a rappelé comment, au nom de l'intérêt supérieur de l'ultralibéralisme, le no-think tank Ifrap trouvait qu'il pouvait être bon que l'éloge du tout-privé justifiait d'être financé par l'État via des déductions fiscales.

On relèvera au passage qu'Agnès Verdier-Molinié, ignorant sans doute tardivement le revirement de l'Académie française sur la féminisation des noms de métiers, grades, titres et fonctions, se fait appeler «directeur» (tant il est vrai qu'on ne saurait confondre madame LE directeur de l'Ifrap avec une vulgaire directrice de crèche, d'école, voire horresco referens une directrice d'administration centrale de ministère.
On relèvera surtout que les dons bénéficient de la réduction d'impôt majorée à 75 % car l'Ifrap a obtenu le bénéfice de la déclaration d'utilité publique (grâce au gouvernement Fillon). Et pourtant, cette officine idéologique est omniprésente sur les plateaux, alors même que ses «études» ne sont pas produites par des scientifiques dignes de ce nom (universitaires et chercheurs, titulaires d'un doctorat voire doctorants). D'ailleurs, bien que dénuée elle-même de doctorat, sa directrice y est une cliente régulière assénant ses vérités économiques... du haut de sa maitrise d'histoire contemporaine.
Haro sur la dette publique et donc sur les dépenses publiques : telle est la loi de la petite Ifrap ultralibérale et de sa prophétesse! Du moins quand il ne s'agit pas de réduire à rien ou presque les contributions fiscales ou sociales des entreprises... et donc de plomber le filet déjà troué de la protection collective dont l'épidemie de Covid-19 a démontré l'impérieuse nécessité. Quitte à accroître les déficits par assèchement des ressources publiques.

On ne manquera pas de signaler à cet égard l'excellent article de Jacques Littauer (Gilles Raveaud) dans Charlie Hebdo: «Agnès Verdier-Molinié : la prêtresse du marché qui prône la dette publique» (20/5/20).
Cette même Agnès Verdier-Molinié dénonçait en mars dernier une future «crise de la dette» dans une argumentation que démontait sévèrement Denis Clerc. Dans Alternatives économiques («Coronaliberalus», 2/04/20), il rappelait d'abord (puisque l'Ifrap affirmait qu'on n'avait pas tiré toutes les conséquences de la crise de 2008), qu'elle avait été provoquée par le «triomphe de la cupidité, pour reprendre le terme de Joseph Stiglitz» et qu'elle devait tout «au capitalisme financiarisé, la seule responsabilité de l’État ayant été d’avoir laissé faire» avant de colmater les brèches béantes dans l'économie réelle au prix d'un accroissement de l'endettement... public.
Et Denis Clerc de préciser :
«Notre donneuse de leçons n’a rien compris, elle en rajoute à propos du coronavirus : “Nous risquons une crise de la dette après la crise sanitaire.”» Sous-entendu : surtout que l’État ne dépense pas trop ! En réalité, c’est de cette dépense que dépend largement l’après-crise sanitaire. A défaut, le tissu économique risque fort de se dégrader considérablement. En période de crise, l’État permet de sauver les meubles.»

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Mais les contradictions et les contrevérités n'effraient pas l'Ifrap. J'avais relevé, pour une autre étude, cette affirmation de l'Ifrap reprise par Le Figaro magazine, magazine marxiste bien connu, dans lequel, évoquant les prétendus «avantages» des fonctionnaires, l'Ifrap comparaît la retraite des fonctionnaires (régime unique) au seul régime de base de la Sécurité sociale (Cnav) en omettant les retraites complémentaires (Arrco-Agirc) avec leurs règles bien différentes de celles de la Cnav, y compris sur la réversion aux veuves ou veufs. Pour information, on peut considérer que pour un salarié «moyen» la retraite complémentaire pèse plus ou moins un tiers dans le revenu de remplacement...et jusqu'aux trois quarts pour certains cadres supérieurs.
À défaut de nous attaquer, tâche titanesque, au démontage des propos idéologiques de l'Ifrap et de sa directrice, signalons simplement, sur le site même de Mediapart, les articles ou billets de blog qui sont consacrés à cette officine. Et nous conclurons en revenant à l'article de Jacques Littauer dans Charlie Hebdo (avec toujours une pensée attristée pour son prédécesseur Bernard Marris dit Onc'Bernard) dont nous partageons l'ultime propos:
«Si vous avez trop de pognon, à Charlie, on vous conseillerait bien d’aller voir du côté de l’Observatoire des inégalités, l’anti-IFRAP, qui a lui grand besoin d’argent pour rédiger son Rapport sur les riches, qui s’annonce délicieux. Parce que là aussi, les dons sont déductibles et l’Observatoire, lui, est vraiment, d’utilité publique.»
Luc Bentz

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