La télévision a initié le genre du brouillage de parole en installant le système par équipe : un "talent" jouant le rôle de distributeur de parole est entouré d'une petite cour de chroniqueurs qui chacun y va de son petit couplet, hors sujet, écrit pour rester dans les "best off" donc se voulant le plus drôle , cruel, original, fulgurant et savant. Ce couplet réussi ou pas permet à l'animateur de douter, de maugréer et de jouer le sage incarnant la bonne pensée . La radio publique est maintenant contaminée par ce dispositif spectaculaire.
 La chronique de Philippe Manière de ce mardi 16 septembre sur les Matins de France Culture à 7h 30 en est l'illustration. 
Au titre de l'originalité, son  papier du jour portait sur la supercherie des marchés populaires au profit des hypermarchés. Même si monsieur Manière nous fait crédit de le considérer de se situer  au deuxième degré (et en cela son ton péremptoire en fait largement douter et pas une brèche dans sa démonstration ne le laisserait penser) qu'il en soit ou non conscient, il  participe de ce relai idéologique qu'occupent certains journalistes apologistes du progrès à tout crin et de tout ce qui en "simplifiant " la vie  quotidienne, la prive  de tous ces aspects humains et conviviaux. La causticité déployée envers les maraîchers et autres commerçants lesquels le marché terminé se retrouve en "civil", comme n'importe quel citoyen,  nous ayant dit-il bien  trompé sur la marchandise en jouant les faux paysans est très méprisante, pour ces travailleurs qui nous apportent tant de moments magnifiques. C'est de plus montrer une profonde méconnaissance de ce monde dont les acteurs sont très souvents des paysans producteurs de leurs produits , il suffit de fermer les yeux et de respirer les produits pour les identifier... 
Monsieur Manière doit adorer les hamburgers de chez Mac Do, les ipad, iphone et se promène dans la rue avec un baladeur abandonnant aux mélomanes les autres les bruits de la rue, parfois si musicaux. Il pourrait prendre à revers n'importe quel aspect de notre vie encore chargé d'un peu d'humanité et qui disparait chaque jour - fort d'une "idée conceptuelle" il peut encore sévir longtemps et on peut lui envoyer des listes de sujets pour saper tout ce qui incarnerait encore une culture populaire et les lieux ou toutes classes confondues les hommes et les femmes se rencontrent et discutent, le marché est sans doute avec l'opéra (?) l'un de ces rares endroits. Regrettons que Marc Voinchet se soit si peu démarqué de cette chronique antipopulaire pour le moins déplacée (doux euphémisme) . Quel tristesse quand France Culture rejoint le niveaux de " On est pas si", "On est pas ça" ou "C cela" ou "C ceci".. voir à l'étage en dessous à tout ce qui ressemble à la télé poubelle ; quel dommage que l'on soit privé depuis la rentrée de l'écoute du génial Philippe Meyer.
Luc Bongrand 
cinéaste
 
                 
             
            