La campagne politique actuelle sur Montpellier se développe autour des problématiques urbaines.
Montpellier « la surdouée ? »
Georges Frêche avait, depuis trente ans, fait de sa politique d'urbanisme volontaire, une vitrine tendant à placer une ville moyenne, capitale régionale d'une région très pauvre, le Languedoc Roussillon, dans une compétition nationale et internationale qui lui paraissait l'unique voie pour participer au banquet mondialiste et capitaliste des Trés Importantes Villes.(cf les VIP)
Pour cela, avec son adjoint à l'urbanisme le géographe Raymond Dugrand, ils n'avaient pas hésité à se servir des médias, claironnant sur tous les tons l'exception montpelliéraine, la ville surdouée, dont on tant développé la vanité de tous les records et qui demeure après trente années de développement démographique important une ville de plus en plus pauvre(27 % de la population en dessous du seuil de pauvreté) avec un taux de chômage (14,3%) qui ne cesse de s'accroitre à un rythme plus que celui que subit notre pays (+ 9% en 2012) s.
La métropolisation qui était le discours et la pratique d'une conquête du territoire languedocien, dans un étalement urbain inconsidéré, et avec des outils dévoyés tel que la réalisation du seul SCOT de France qui ne soit pas réalisé sur une entité géographique homogène mais avec les communes proches de la ville centre, qui en étaient les vassales et constituaient l'agglomération où le Maire de Montpellier exerçait un pouvoir absolu.
Cette mise à distance d'une démocratie de proximité par la création de l'échelon politique des agglomérations a pris une puissance plus grande encore dans le processus de création des métropoles.
La désaffection des citoyens pour les mécanismes démocratiques de la vie politique et la remise en cause de plus en plus réelle de l'appareil politique est étroitement lié à cette perte de visibilité de la décision qui se situe dans des sphères de plus en plus confinées et lointaines où les multicartes de la représentation du peuple briguent tous les pouvoirs.
Les pratiques politiques
La disparition du chef et du mentor de la gauche montpelliéraine a aiguisé les appétits des seconds couteaux longtemps tenus à distance qui tentent de saisir leur chance.
La campagne décousue qui a envahi la cité fait assaut de surenchère sur les projets grandioses inutiles et couteux qui continuent de permettre une médiatisation nationale de la ville sans rapport avec les problèmes impensés et laissés sans réponse des populations les plus pauvres.
Ces travaux, à cause de leur importance spatiale, programmatique et financière, sont le domaine réservé des archi stars nationales et internationales et bénéficient seulement aux majors nationaux de la construction. A l'échelle au dessous, celle des équipements de quartier, sportif ou culturels, des grosses opérations de logements, les commandes se sont réparties entre les archi stars locales qui se partagent le gâteau.
Les concours d'architectures après le choix très restreint par le décideur des personnes pouvant y participer sont le meilleur moyen de choisir les amis auquel on veut attribuer la commande.
Les opérations de logements sur les zones d'urbanisation municipales, qui permettaient au tissu artisanal des architectes locaux et des petites entreprises de survivre est recentré ( plus de 400 logements pour un architecte star parisien) et commencent à intéresser les très grandes agences et les majors de la construction.
L'entretien le réaménagement nécessaire de la plus grande partie du territoire urbain est abandonné au profit des investissements que nécessitent les opérations phares qui s’égrènent au fil des déclarations et des réalisations ( Mairie de Jean Nouvel, Archives départementales de Zaha Hadid, Odysséum, Retail Parc sur la route de la mer, nouvelle gare ex urbanisée, doublement de l'A9, lignes d'un tramway plus politique que fonctionnel allant se perdre dans les communes périurbaines amies, symptôme d'un clientélisme politique préoccupant...)
Cet abandon se fait aussi au profit des zones nouvelles d'urbanisation dont la qualité des équipements de surface, les architectures modes, les jolis parcs de vue, permettent de vendre des logements marchandises aux promoteurs banquiers nationaux et internationaux.
Le logement
Malgré le respect de la loi SRU le nombre de logements sociaux sur Montpellier ( un peu plus de 21% du parc de logement) stagne alors que le nombre de personnes qui pourraient en être bénéficiaire dépasse les 70% de la population accentuant la ghettoïsation des quartiers pauvres, créant des hiérarchies socio spatiales de plus en plus violentes dans un territoire frappé par la récession économique. Les attributions de logement sont organisées en relation avec un clientélisme politique sordide, des associations se sont créées pour lutter contre cette pratique qui bénéficie de la situation de pénurie entretenue. Les demandes de logements sociaux non satisfaites augmentent en proportion plus vite que le nombre d’habitant éligibles au logement sociaux de la ville.
Il faut signaler que la situation de course en avant dans la mise en chantier incessante de construction de logements non sociaux qui représentent plus de 75 % des logements neufs construits sur la ville, dans le contexte de la paupérisation de la ville ( 6ème grande ville la plus pauvre devant Marseille) aggrave les conditions d'habiter des plus pauvres et risque de faire éclater une bulle immobilière latente dont il serait temps de se préoccuper.
Les coûts des logements ( plus de 4000 euros du mètre carré) est sans rapport avec la pauvreté de la ville ( salaire médian inférieur à 1350 euros) la divergence entre les courbes représentant les moyens financiers des montpelliérains et celle des coûts de construction s’accroît rapidement.
Le parc immobilier permettant de loger l’afflux des populations arrivantes appartient de plus en plus à des investisseurs financiers hors région accentuant la paupérisation relative du Languedoc Roussillon.
La Région qui se proposait de créer 10 000 logements sociaux est bien loin de ses objectifs, la relance de la construction dans la ville de nombreux logements sociaux revêt un caractère d’etrême urgence.
La réquisition des logements vacants qui fait de Montpellier la ville d'un presque record ( 2éme ville française pour la proportion de logements vacants) et la réhabilitation du parc ancien du Cœur de ville (opération de réhabilitation de la ville traditionnelle menée par la Ville) devrait s'effectuer avec comme objectif de reloger sur place les populations pauvres dans des logements financièrement accessible plutôt que de favoriser au nom de la mixité sociale l'évacuation de ces quartiers des populations pauvres au profit de couches sociales plus aisées comme c’est le cas dans les faubourgs proches du centre ville comme celui de Figuerolles en cours de gentrification ou encore au Petit Bard avec l’aide de l’ANRU.
L’organisation du tracé et de la position des stations du tramway accentue encore cette situation. Il est à notre que le tramway qui ne va pas jusqu’à la mer est allé apporter un soutien à la chalandise des hypermarchés Auchan et Carrefour de la route de la mer en grande souffrance, cette arrivée du tramway augmentant la spéculation foncière sur ces terrains.
Je voudrai terminer ce texte en évoquant deux idées qui permettraient de relancer un débat sur la ville de Montpellier au niveau des enjeux fondamentaux suivants.
Une extension urbaine solidaire
Cette course en avant, cette la lutte entre les métropoles, on ne parle plus que de compétitions et de défis, cette surenchère qui atteint toutes les grandes villes en France, est symptomatique d'un égoïsme, d'un individualisme que l'on érige en pratique politique, dans lesquels les pauvres vont devenir de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches, les inégalités financières et sociales n'ont jamais été aussi grandes.
C'est aussi d'une perte de lisibilité des notions de solidarité de pays, de région, interurbaines, intra urbaines qu'il s'agit. C'est un appauvrissement dramatique des relations de justice d'égalité de fraternité que nous subissons pour permettre une liberté accrue des appétits du capital financier et de ses divers prédateurs et politiques complaisants ou inconscients.
Comme le faisait remarquer Philippe Madec on nous assaille de directives de discours d'injonctions pour assurer l'urgence d'une métropolisation nécessaire, le développement des grandes villes compétitives, mais en France plus de 57% des français vivent dans des villes de moins de 10 000 habitants, en Languedoc Roussillon ce sont plus de 65 % des languedociens qui vivent dans ces villes moyennes qui sont plébiscitée pour leurs qualités de vie.
Il serait urgent de se pencher sur les véritables problèmes qui relèvent plus de l'équilibre solidaire des réseaux de villes existant que de la mise en avant des thématiques absurdes et inopérantes telles que les métropoles ou plus encore les moyen de rendre plus attractif et compétitif un « Grand Paris » qui a dépassé depuis longtemps les limites permettant de vivre et de travailler correctement dans cette agglomération inhumaine.
Dans ce cadre il est plus important de développer une croissance rationnelle de l’ensemble des villes du réseau qui ont les moyens à long terme d’accueillir cette croissance dans leurs limites urbaines, où l’on fera la ville sur la ville, que de créer une hiérarchisation centralistes de cette croissance dans la métropole
Pour une démocratie de proximité
La deuxième idée fondamentale qu'il faut avoir en tête est celle de l'implication des citoyens dans toutes les décisions qui touchent à leur vie individuelle, familiale, de travail , de loisir... et en particulier celles qui concerne leur cadre de vie, la ville, mais aussi ses équilibres écologiques avec la nature sauvage les somptueux paysages en équilibre fragile que nos édiles se proposent de bouleverser encore et la nature domestiquée, l'agriculture qui pourrait réinstaller la ville dans son contexte nourricier de proximité.
Cette pratique de la réflexion et de la décision démocratique afin d'agir collectivement sur notre cadre de vie, un cadre de vie local et global, un cadre de vie à améliorer pour un mieux vivre pour en obtenir des gains de temps libre, des gains de responsabilité mais aussi de lenteur de convivialité de douceur en un mot des gains d'Humanité, est la révolution citoyenne que nous devons engager.
Nous devons faire la ville avec ses habitants et non pas avec des politiciens dévoyés au service des gros intérêts privés des gens possédant des moyens de production dépouillant la planète de ses possibilités à leurs seuls profits.
C'est d'une révolution de nos agissements du quotidien qu'il s'agit. C'est une attitude qui a le courage et la lucidité de se ressourcer dans les valeurs et les principes régissant les rapports humains qui ont été analysés par les philosophes, les grands humanistes tel que Patrik Geddes qui ont pensé bien avant le développement contemporain des idées floues et trompeuses de durabilité, d'éco cité, de quartier durable, de transports propres, que cette relation du lieu de vie à la nature et de coopération des habitants à la réalisation de l'équilibre de ce cadre de vie était à organiser au quotidien en lutte contre les appétits financiers d'un capitalisme débridé.
Cette révolution passe par l'échelle des communes dans lesquelles il est urgent d'avoir une pratique habitante, citoyenne, démocratique sur les lieux même de la vie de définition de nos objectifs.
En 1977 au lendemain de l'élection de l'Union de la Gauche à la Mairie de Montpellier, les élus avaient organisé une large consultation/présentation des objectifs urbains afin d'assoir une pratique municipale sur des principes et des valeurs. Tout cela s'est émoussé, perdu, dévoyé dans des pratiques du quotidien où les intérêts privés puissants du capitalisme financier sont rodés à des pratiques plus ou moins légales de lobbying et de corruption des âmes et des corps.
Pour éradiquer cette collusion fatale entre intérêts privés et décisions politiques il faut remettre l'Homme au cœur du processus, l'habitant doit pouvoir décider, il faut remettre en place des échelles de démocraties de proximité sur les lieux de vie et d'activité, il faut lancer une vaste politique permanente de fabrique de la ville pour et avec les habitants dans les formes que nous avons à inventer ensemble.