Les hypothèses proposées sont la peur, la politisation des rédactions en chef, la naïveté, la pression de conformité, la force de la propagande et le fact-checking. Si les journalistes sont moutonniers, ce serait, en gros, pour garder leur boulot et parce qu'ils cèdent à des pressions. Un peu court. Car si tel était le cas, la production des quelques rares journalistes travaillant pour des media indépendants devrait trancher dans le paysage par le sérieux et l’absence de parti-pris. Manifestement, ce n’est pas le cas. J’en veux pour preuve la ligne éditoriale de Mediapart, tout entière conforme à la doxa gouvernementale, ainsi que les articles de Pascale Pascariello que j’appréciais tant quand elle officiait chez Daniel Mermet. A contrario, comme le souligne le billet 55, Étienne Campion a fait un véritable travail journalistique dans Marianne, pourtant propriété de l’oligarque tchèque Daniel Kretinsky.
Alors ? Quel facteur autre qu’extérieur pourrait contribuer à expliquer le comportement des journalistes ? Parmi les 6 hypothèses, il ne reste que la naïveté. C’est malheureusement aussi un peu court. Car dès le début de la pandémie, il ne fallait pas être grand clerc pour s’apercevoir de ce que Yazdan Yazdanpanah et quelques autres membres du conseil scientifique nageaient en plein conflit d’intérêt avec Gilead et que ce laboratoire avait tout intérêt à faire interdire l’hydroxychloroquine, molécule quasiment gratuite, au profit de son médicament breveté, le Remdésivir. D’autre part, l’histoire récente nous a prouvé que les laboratoires pharmaceutiques font fi de la santé publique et sont prêts à tous les mensonges pour satisfaire leurs intérêts financiers (voir le procès du Mediator). Enfin, la fraude révélée que fut l’article du Lancet a montré jusqu’où certains journaux scientifiques pourtant renommés étaient prêts à aller dans le mensonge pour soutenir les laboratoires pharmaceutiques. Donc, à l’évidence, les porteurs de la parole officielle mentaient. Et quand ils étaient pris le doigt dans le pot de confiture (la révélation de la fraude du Lancet) ils persistaient dans le mensonge (hydroxychloroquine toujours interdite). Ces informations étaient accessibles à tout un chacun. A fortiori étaient-elles forcément connues des journalistes. Ignorer ces informations, ce n’est plus de la naïveté, c’est de la cécité intellectuelle ou de la malhonnêteté. Deux dispositions qui me paraissent contradictoires avec l’exercice du journalisme et qui justifient pleinement la défiance que la population ressent à l’égard de cette profession.
Et là, pour la poursuite de la réflexion sur le rôle des intellectuels dans la défense des intérêts de la bourgeoisie, je renvoie aux Chiens de garde de Paul Nizan, aux Nouveaux chiens de garde de Serge Halimi et aux travaux de Pierre Bourdieu sur les media et la reproduction des élites. Les plus haut-gradés des journalistes sont essentiellement issus de la même classe sociale que ceux dont ils portent la parole, ils ont tous grandis sur les bancs des mêmes écoles où ils ont tous reçu les mêmes enseignements. Ils savent bien que pour faire carrière, il vaut mieux appartenir au club Le Siècle que d’aller sur le terrain. Quant aux obscurs, aux sans-grades, ils portent rarement la parole et ils ont le choix : soit ils sont obéissants soit ils dégagent. Et cette alternative peut même valoir pour des journalistes plus en vue. Voir le sort réservé à Claude Sérillon après son interview de Lionel Jospin.
C’est que la position de journaliste est exposée. Depuis Paul Nizan, nous savons que la bourgeoisie, pour se maintenir au pouvoir, ne peut pas se contenter de dicter ses décisions. Il lui faut aussi les faire admettre par la population. Il faut que ces décisions soient considérées comme les seules raisonnables. Quel que soit leur degré d’injustice, leur égoïsme, elle doivent être présentées comme ressortant du bien commun. Voir l’abolition de l’impôt sur la fortune. Faire avaler des couleuvres, là est la fonction des journalistes. L’enjeu est d’une telle importance qu’aujourd’hui, l’ensemble de la presse est entre les mains d’une poignée de milliardaires qui ont le même intérêt : pérenniser leur pouvoir pour s’enrichir toujours plus. Les journalistes sont ainsi les diffuseurs du discours unique, celui de la bourgeoisie aux commandes.
Revenons à la Covid. Voilà un virus qui épargne plus de 99% de ceux qu’ils touche ; voici des collectifs de médecins (Didier Raoult en premier) qui démontrent que l’administration précoce de médicaments (hydroxychloroquine, ivermectine...) guérit la Covid-19 ; voici un gouvernement qui ment pour imposer comme seul remède un vaccin qui engraisse les labos et dont trois injections ne sont pas suffisantes (Israël) pour protéger ni de la maladie ni de la contagiosité ; qui ordonne aux médecins de ne pas soigner ; qui conseille aux patients détectés positifs de rentrer chez eux et de ne rien faire d’autre que de se confiner sans se soigner ; qui attente aux libertés publiques avec son pass sanitaire et s’achemine doucement vers la vaccination obligatoire ; qui essaie de faire passer toute voix discordante pour du complotisme. À quand la prison pour les contestataires ?
Étonnons nous après ça que tous les samedis, des manifestants défilent.
Mais la gauche, mais les syndicats, dans tout ça ? Ils semblent en état de sidération. Depuis bientôt deux ans, le pays ne vit que par la Covid et ils se taisent ! Le PCF ne parle que des vaccins, se contentant de demander à l’Europe d’assurer son indépendance quant à leur conception, leur fabrication et leur diffusion. Le PS est muet. La CGT, FO et SUD n’envisagent que la défense des droits des salariés au regard du pass sanitaire. Ils étudient une journée d’action (sic !). Quoi ? Pas de médecins dans les syndicats ? Pas de chercheurs dans les partis de gauche ? Pourquoi ce silence ? Est-elle terrorisée par la perspective de déplaire ? Ne doit elle pas faire œuvre de réflexion, d’analyse ? Ne doit elle pas penser au futur ? Elle est tellement figée et incapable de penser qu’elle laisse aux manifestants anti pass sanitaire le soin de défendre les libertés publiques ! Rebelote les gilets jaunes ! Bien sûr, ces manifestations sont infiltrées par les groupuscules de droite et par les catholiques intégristes. Mais le pass sanitaire est-il attentatoire aux libertés, oui ou non ? Si oui, il faut manifester pour démasquer l’évolution autoritaire de ce gouvernement. Les absents ont toujours tort. La population est trahie par les journalistes, sera-t-elle abandonnée par la gauche ? Si celle-ci laisse à la droite dure la défense des libertés publiques, elle qualifie implicitement LREM et Macron comme seul rempart contre le FN. Et en 2022, nous repartirons pour cinq ans.