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Billet de blog 24 juin 2025

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Lettre d’un jeune de 19 ans à ceux qui veulent nous faire choisir un camp

Je n’ai ni parti, ni drapeau, ni slogan. Je n’ai pas non plus l’arrogance de croire que ce que je pense est la vérité. Cette lettre, je l’écris pour ceux qui ne veulent pas appartenir. Pas par confort, pas par lâcheté, mais parce qu’ils croient, comme moi, qu’on peut avoir des idées, des doutes, des convictions personnelles, sans devoir choisir un camp et s’y enfermer.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je n’ai ni parti, ni drapeau, ni slogan.

Je n’ai pas de programme, pas de leader politique préféré, pas de cause exclusive à défendre. Je n’ai pas non plus l’arrogance de croire que ce que je pense est la vérité. Ce que je cherche, en revanche, c’est de pouvoir penser sans devoir m’excuser, me justifier, ou me battre à chaque phrase contre une étiquette que je n’ai jamais choisie.

J’ai 19 ans. Et à 19 ans, j’ai déjà compris une chose : si je ne me range pas, on me rejette.

Si je refuse de cocher toutes les cases d’un camp, alors je suis immédiatement soupçonné d’appartenir à l’autre. Si je m’autorise à critiquer un excès, une hypocrisie, un dogme, je suis renvoyé à une idéologie que je n’ai pourtant jamais embrassée. À droite, je suis un « wokiste infiltré ». À gauche, je suis un « réactionnaire honteux ». Au milieu ? Je suis « mou ». Pire : je suis inutile.

Penser avec nuance est devenu subversif. Dire « je ne sais pas », ou pire encore, « ça dépend », c’est devenu suspect. On parle beaucoup de liberté d’expression, mais rarement de liberté de position. Aujourd’hui, il ne suffit plus de parler : il faut appartenir.

Cette lettre, je l’écris pour ceux qui ne veulent pas appartenir. Pas par confort, pas par lâcheté, mais parce qu’ils croient, comme moi, qu’on peut avoir des idées, des doutes, des convictions personnelles, sans devoir choisir un camp et s’y enfermer.

Je n’ai rien contre celles et ceux qui se reconnaissent dans un camp, quelle que soit sa couleur. Mais ce que je dénonce, c’est la violence de cette assignation politique devenue systématique. Et surtout, le danger démocratique immense qu’elle fait peser sur notre société.

Ce n’est pas une mode passagère. Ce n’est pas une crise d’adolescence politique. Ce n’est même pas un symptôme isolé de la France. Ce que nous vivons, c’est un basculement culturel : les idées ont cessé d’être des outils de réflexion. Elles sont devenues des tests d’appartenance.

Regardez autour de vous. Chaque mot, chaque nuance, chaque silence même, est analysé comme une prise de position. Tout est devenu signal. On ne dit plus « je suis pour telle mesure », on dit « tu es donc de gauche ». On ne dit plus « je m’interroge sur ce point », on dit « tu fais le jeu de l’extrême droite ». Le débat n’est plus un lieu de rencontre : c’est une arène, et chacun y vient en uniforme.

Le pire ? C’est que ce mécanisme est volontairement entretenu. Ce n’est pas une dérive. C’est une stratégie.

Car dans un monde complexe, diviser est plus simple que convaincre. Créer deux camps, deux récits, deux ennemis, permet de solidifier une base électorale. C’est l’algorithme du conflit appliqué à la politique. Plus c’est tranché, plus c’est mobilisateur. Plus c’est caricatural, plus c’est viral.

Et au milieu ? Rien. Le vide. Le silence.

Ceux qui ne crient pas, ceux qui n’adhèrent pas à tout mais ne rejettent pas tout non plus, deviennent invisibles. Ou méprisés. On les appelle « indécis », « centristes mous », « bien-pensants », « droitards qui s’ignorent », « gauchistes honteux ». Tout est bon pour les faire taire, ou les faire fuir.

Mais pourquoi un jeune de 19 ans ne pourrait-il pas penser que l’on peut vouloir plus de justice sociale et parler de sécurité sans être un monstre ? Qu’on peut critiquer une politique d’immigration sans être xénophobe, ou remettre en question certaines pratiques militantes sans être facho ? Pourquoi est-ce devenu impossible de dire : « je ne suis pas d’accord avec toi, mais je ne te nie pas le droit d’exister politiquement » ?

Parce que le débat a cessé d’être un outil. Il est devenu une arme.

Et cette arme est dirigée contre tous ceux qui dérangent la lecture binaire du monde.

Contre tous ceux qui pensent avec nuance, et qui osent encore croire que la pensée ne se résume pas à une équipe.

On parle souvent des extrêmes comme s’ils étaient les deux pôles opposés d’un même espace politique. En réalité, ils ne s’opposent pas tant qu’ils se répondent. Ils fonctionnent ensemble, dans un jeu de miroirs, nourris par la peur, la colère, l’identité, et surtout : le refus de la nuance.

Car ce qui rassemble aujourd’hui les extrêmes, ce ne sont pas leurs idées, mais leur méthode : la disqualification immédiate de tout ce qui ne rentre pas dans leur schéma.

À l’extrême droite, si je parle de climat, de mixité sociale, ou de féminisme, je suis un « wokiste décérébré », un « traître à la France », un « idéologue de gauche », peu importe la rigueur de mon propos.

À l’extrême gauche, si j’évoque les mots « autorité », « cohésion », « laïcité », ou même simplement « réalité sociale », je suis un « facho en costard », un « petit bourgeois sécuritaire », un « pote de Zemmour », peu importe mon intention ou mon vécu.

Dans les deux cas, on ne débat pas avec moi, on me catégorise pour mieux m’éliminer du champ de pensée.

Je ne suis plus une personne : je suis un archétype. Et l’archétype, on le démonte en bloc, on ne l’écoute pas.

Ce mécanisme est redoutable, parce qu’il repose sur un chantage moral permanent :

« Si tu ne valides pas tout ce que je dis, c’est que tu penses comme ceux d’en face. »

C’est la logique du « bon allié ». Le « bon allié », dans le langage des extrêmes, c’est celui qui valide tout, sans nuance, sans question, sans critique. Le « bon allié » ne pense pas, il adhère. Il ne propose pas, il répète.

Et si je refuse d’être ce « bon allié », alors je suis traité comme un adversaire, un traître, un obstacle.

Mais pourquoi faudrait-il, pour être « de gauche », devoir valider tous les mots d’ordre de tous les mouvements ?

Pourquoi faudrait-il, pour être « de droite », devoir tolérer la haine, le repli ou la violence ? Pourquoi ne pourrait-on pas, tout simplement, être en désaccord avec certains codes d’un camp, sans appartenir pour autant à l’autre ?

Ce système binaire ne tolère ni la dissidence, ni la complexité. Il est intellectuellement paresseux, mais stratégiquement efficace : il fait taire ceux qui dérangent, en les forçant à choisir entre deux caricatures.

Et le piège est d’autant plus cruel que chacun se croit moralement supérieur.

Chacun pense incarner le « bon camp », le camp du progrès, de la vérité, du courage.

Mais quand deux camps prétendent incarner seuls la légitimité morale du débat, alors ce n’est plus un débat. C’est une guerre de pureté. Et dans une guerre de pureté, la première victime, c’est la pensée indépendante.

Je n’ai pas envie d’entrer dans cette guerre-là.

Pas parce que je m’en fiche. Pas parce que je ne pense rien. Mais parce que je refuse de devoir tout avaler sous prétexte que je partage une ou deux idées avec un camp.

Parce que je veux garder le droit de dire « oui, mais », « d’accord, sauf », « je comprends, mais je ne suis pas certain ».

Parce que je crois que l’intelligence commence là où l’on accepte que quelqu’un puisse penser autrement que soi, sans pour autant être un ennemi.

Ce que j’observe, aujourd’hui, c’est que les deux extrêmes ont construit une langue de plus en plus fermée. Une langue codée, où seuls ceux qui parlent le même dialecte sont légitimes. Une langue où l’orthodoxie prévaut sur la réalité, où la fidélité vaut plus que la vérité, où l’on traque la moindre déviation comme une faute politique ou morale.

Et moi, je refuse de parler cette langue.

Je refuse de répéter les phrases apprises. Je refuse de simuler une colère que je ne ressens pas, ou de rejeter des gens que je ne connais pas, juste pour rentrer dans une ligne politique.

Je n’ai pas envie de devenir ce que l’époque exige de moi pour me sentir « du bon côté ».

Je veux pouvoir penser.

Penser vraiment.

Penser sans autorisation.

Il faut cesser de croire que cette polarisation extrême est un accident de parcours. Ce n’est pas une dérive spontanée. Ce n’est pas une maladie de notre époque. C’est un système. Un outil. Une stratégie électorale parfaitement pensée, efficace, et entretenue.

Pourquoi chercher à convaincre quand on peut diviser ?

Pourquoi débattre quand il suffit de mobiliser la peur ?

Pourquoi construire une vision collective quand il est plus rentable d’organiser des affrontements symboliques ?

Les responsables politiques, pas tous, mais beaucoup, ont compris que dans une société saturée, rapide, émotionnelle, ce qui clive est plus utile que ce qui construit. Et donc ils ont fait un choix : au lieu d’élever le niveau, ils ont simplifié le terrain.

Ils ont transformé le citoyen en électeur conditionnel.

Ils ont remplacé les convictions par des réflexes tribaux.

Et ils ont appris à gouverner non pas en rassemblant, mais en entretenant l’hostilité de deux blocs irréconciliables.

L’objectif n’est plus de convaincre les indécis.

C’est de renforcer sa base.

De la rendre fidèle, méfiante, et fermée à tout discours alternatif.

De faire en sorte que le « camp d’en face » paraisse tellement menaçant, que peu importe les failles de son propre camp, on vote pour lui « par principe ».

C’est exactement ce qui alimente l’extrême droite :

« Peut-être qu’on est durs, peut-être qu’on exagère, mais au moins, on protège la France. »

Et c’est aussi ce qui alimente l’extrême gauche :

« Peut-être qu’on est radicaux, peut-être qu’on provoque, mais au moins, on est du côté du bien. »

Dans les deux cas, on entretient un sentiment d’urgence morale, qui permet de faire taire toute remise en question interne. La nuance devient une trahison. Le doute, une faiblesse.

L’indépendance, une menace.

Et c’est précisément pour cela que ceux qui refusent de choisir un camp deviennent les cibles prioritaires. Parce qu’ils dérangent la mécanique.

Celui qui pense autrement, c’est celui qu’on ne peut pas prédire.

Celui qu’on ne peut pas enrôler.

Celui qui pourrait voir clair dans le jeu, et le dire aux autres.

Celui qu’il faut discréditer, ridiculiser, épingler : « centriste mou », « bourgeois détaché », « ni-ni inutile », « ado confus »…

Mais ce mépris n’est pas une critique : c’est une tactique.

Car une personne libre dans sa pensée, c’est une personne qui oblige à argumenter.

Et aujourd’hui, argumenter est devenu une perte de temps dans l’économie politique de l’indignation.

La polarisation, c’est le produit le plus rentable du marché électoral.

Elle fidélise, elle mobilise, elle radicalise.

Et elle transforme la politique en match. 

Un match où le but n’est plus de gouverner, mais de vaincre l’autre.

Et où ceux qui refusent de jouer deviennent des perturbateurs.

Ce n’est pas un hasard si de plus en plus de jeunes comme moi n’arrivent plus à se reconnaître dans aucun espace politique.

Ce n’est pas du désintérêt.

C’est du rejet.

Rejet de la manière dont les idées sont devenues des étiquettes.

Rejet de ce spectacle permanent où la victoire compte plus que la vision.

Rejet d’un jeu où penser librement, c’est trahir une équipe.

Mais moi, je n’ai pas signé pour ça.

Je ne suis pas un soldat.

Je suis un citoyen.

Et je ne veux plus qu’on me fasse croire que pour participer, je dois m’aligner.

Il fut un temps où débattre était un exercice d’intelligence.

Un terrain commun, parfois houleux, mais respecté. On pouvait confronter des idées, argumenter, parfois s’emporter, mais on savait que l’autre, même en désaccord, n’était pas une menace. Il était simplement… un autre.

Ce temps me semble loin.

Aujourd’hui, le désaccord est devenu une faute morale.

On ne se contente plus de répondre à ce que vous dites : on interprète ce que vous êtes censé vouloir dire.

On vous coupe, on vous classe, on vous soupçonne.

On vous colle des intentions, on vous prête des alliés, on vous relie à des figures que vous n’avez jamais défendues.

Et quand vous tentez de nuancer, d’expliquer, de détacher votre pensée de la caricature

qu’on veut vous imposer… il est déjà trop tard.

On ne discute plus avec vous.

On discute sur vous.

On vous observe comme un objet politique à exposer, à corriger, à annuler, mais plus comme un interlocuteur.

Je le vis à mon échelle, mais je le vois partout.

Il suffit aujourd’hui de poser une question pour être suspect.

De refuser un mot pour être réactionnaire.

D’exprimer un doute pour être complice.

Il suffit de dire : « Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je vous respecte », pour se faire mépriser par les deux camps à la fois.

Mais où est passée l’idée qu’un désaccord peut être honnête ?

Qu’un point de vue différent n’est pas nécessairement violent ?

Qu’un silence n’est pas toujours lâche, qu’une réserve n’est pas toujours hostile, qu’une nuance n’est pas toujours une esquive ?

Dans le climat actuel, le doute est perçu comme une faiblesse, alors qu’il est un signe de maturité.

La pensée lente est considérée comme une mollesse, alors qu’elle est une exigence.

La liberté de ne pas penser exactement comme son camp est vécue comme une trahison,

alors qu’elle est, justement, le seul rempart contre les dérives.

On ne veut plus convaincre : on veut purifier.

Et cette logique purificatrice est partout. Elle gangrène même les espaces qui, autrefois, étaient censés être des lieux de réflexion.

On ne lit plus un texte pour ce qu’il dit, mais pour le camp qu’il représente.

On ne cherche plus à comprendre un raisonnement, mais à lui trouver une faille morale,

une phrase ambiguë, un mot de travers, qui permettra de disqualifier l’ensemble.

On ne débat pas.

On cherche à coincer.

Et dans cette société de la faute permanente, le débat n’est plus un échange : c’est un tribunal.

On vous demande non pas ce que vous pensez, mais si ce que vous pensez est « validable ».

Et si ce n’est pas validable par votre propre camp, alors ce n’est pas entendable.

C’est ainsi qu’on crée des bulles. Des sphères de pensée étanches, où l’on parle entre convaincus, où l’on rit des autres sans jamais leur parler, où l’on construit des visions du monde tellement homogènes qu’elles ne tolèrent plus la moindre altération.

Ce n’est pas une démocratie vivante.

C’est une société de la conformité.

Et dans une société de la conformité, la pensée indépendante est une hérésie.

Alors que me reste-t-il à 19 ans ?

Le silence ?

La résignation ?

La peur d’être mal compris ?

Ou bien le choix, risqué, d’écrire. De dire ce que je pense, même si cela déplaît, même si cela dérange, même si cela me coûte.

Pas pour convaincre tout le monde.

Pas pour qu’on me donne raison.

Mais simplement pour rappeler une chose : le débat est encore possible. Mais pour cela, il faut cesser de juger les intentions avant même d’écouter les idées.

Je ne crois pas être courageux.

Je crois simplement qu’aujourd’hui, il faut une certaine forme de courage pour ne pas se  fondre dans un camp.

Il faut du courage pour dire « je ne suis pas d’accord » sans que ce soit une déclaration de guerre.

Il faut du courage pour ne pas choisir un côté, surtout quand le monde entier semble exiger qu’on en choisisse un.

Mais je le dis sans colère : je veux ce droit-là.

Le droit de penser autrement.

Le droit d’avoir des opinions incomplètes, évolutives, parfois contradictoires.

Le droit d’être en accord avec une idée issue d’un camp, sans pour autant signer pour tout le reste.

Le droit de ne pas vouloir être défini par les autres.

Le droit de ne pas me justifier sans cesse pour ce que je ne suis pas.

Je ne suis pas un militant.

Je ne suis pas un centriste.

Je ne suis pas un provocateur.

Je suis un jeune citoyen qui pense, et qui veut pouvoir continuer à penser en dehors du quadrillage idéologique qu’on nous impose.

Et je ne suis pas le seul.

Il y a toute une génération, ma génération, qui étouffe sous les injonctions. Qui n’ose plus dire ce qu’elle pense de peur de mal le dire. Qui préfère se taire plutôt que de se voir assigner une case qui ne lui correspond pas. Qui se désintéresse de la politique non pas parce qu’elle s’en fiche, mais parce qu’elle ne s’y retrouve plus.

Parce qu’on lui a fait comprendre que si elle ne voulait pas choisir entre deux extrêmes, alors elle n’avait rien à dire.

C’est faux.

Il y a des voix entre les cases.

Des nuances entre les slogans.

Des pensées entre les postures.

Et c’est peut-être là que se trouve l’essentiel.

Je ne veux pas d’une société où chaque opinion doit être validée avant d’être exprimée.

Je ne veux pas d’une démocratie où penser autrement revient à risquer l’exclusion symbolique.

Je ne veux pas d’un débat où l’on demande plus souvent d’où je parle que ce que j’ai à dire.

Je veux qu’on accepte, enfin, qu’il existe une pensée indépendante, libre, désalignée,

exigeante, et qu’elle ne soit pas un danger, mais une richesse.

Je veux qu’on admette que l’on peut vouloir plus de justice sans haïr ceux qui doutent.

Que l’on peut aimer la liberté sans rejeter ceux qui en ont une autre vision.

Qu’on peut critiquer une idée sans rejeter la personne qui la porte.

Je ne cherche pas à créer un camp de plus.

Je ne rêve pas d’un « parti des nuances » ou d’un « mouvement des modérés ».

Je ne veux pas d’une autre chapelle idéologique

Je veux juste pouvoir vivre dans un pays où penser librement n’est pas une faute.

Et je crois que beaucoup d’entre nous, sans l’avoir toujours formulé, veulent la même chose.

Je n’ai pas écrit cette lettre pour plaire.

Je ne l’ai pas écrite pour provoquer non plus.

Je l’ai écrite parce que je suis fatigué. Parce que je suis inquiet. Et parce que, malgré tout,

je suis encore assez naïf pour croire que les mots peuvent servir à autre chose qu’à marquer son territoire.

Je ne prétends pas détenir la vérité. Je ne prétends même pas être au-dessus des débats que je critique.

Je fais, comme tout le monde, des erreurs. J’ai sans doute déjà cédé moi aussi à des réflexes binaires, à des jugements hâtifs, à des colères mal placées.

Mais ce que je refuse désormais, c’est de me taire.

Ou pire : de travestir ce que je pense pour éviter les étiquettes.

Je n’ai pas envie de me cacher pour exister.

Je n’ai pas envie de marcher sur des œufs pour avoir le droit de parler.

Je ne veux pas entrer dans un camp.

Je ne veux pas passer ma vie à prouver que je ne suis pas ce que d’autres veulent voir en moi.

Je suis jeune. Je doute. Je m’interroge. J’observe. Je cherche.

Et j’ai envie de croire qu’on peut encore vivre dans un pays où cela suffit à être légitime.

Cette lettre n’a pas vocation à rassembler une majorité silencieuse, ni à créer un mouvement.

Elle n’a pas de prétention collective, mais elle parle de quelque chose qui dépasse largement ma personne.

Car je sais que je ne suis pas seul.

Il y a des milliers de voix comme la mienne.

Des voix calmes, lucides, épuisées par le vacarme.

Des voix qui ne crient pas, mais qui existent.

Et qui, à force d’être mises de côté, pourraient finir par se détourner.

Pas par haine, pas par dégoût.

Par usure.

Je ne veux pas en arriver là.

Alors je le dis une dernière fois, aussi clairement que possible :

Je ne suis pas contre vous.

Je suis juste ailleurs.

Et j’ai le droit d’exister là aussi.

Luca Djeridane, un jeune français de 19 ans

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