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Billet de blog 12 septembre 2012

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Moi, Boualem Sansal, je réponds à la lettre ouverte de Jean Daniel
Cher Jean,
 
Dans ta lettre, tu me parles des ambassadeurs arabes à Paris et de leur attitude dans l’affaire du prix du roman arabe 2012.
 
Je reconnais bien là ton élégance d’esprit et de cœur, jamais prise en défaut. "L’ennemi est à terre, laissons-lui la vie sauve, aidons-le à se relever", sembles-tu dire à propos de ces éminents diplomates. Tu trouves que la sanction est passée, ils ont été assez secoués par la démission du jury et la charge des médias. Ils sont embarrassés, dis-tu, ils n’étaient pas vraiment unanimes, et leur refus de me remettre le prix qu’un jury souverain m’avait loyalement décerné, finalement, loin de me causer du tort, m’a servi, il a fait de moi une star.


Dans ces États, les écrivains censurés
 
Tu es un maître pour moi, cher Jean, et je tirerais plaisir et honneur à te suivre dans ce raisonnement, mais je ne le peux pas, je ne veux pas être élégant, cela me tuerait de l’être. Je te rappelle que dans les États que ces ambassadeurs représentent à Paris, ville des lumières et de la littérature jusqu’à nouvel ordre, on censure les écrivains, on les surveille à les rendre fous, on les veut obéissants et obséquieux et, quand il plaît au chef, on les jette en prison, on les force à l’exil, et il arrive qu’on les pende.
 
Combien sont-ils à vivre encore dans leurs pays ? Aucun ou très peu, c’est la preuve que la situation est grave. Toute sa vie, ton ami Kateb Yacine le magnifique a été en butte à leurs méchancetés et il en est mort et à ce jour, son nom est interdit de cité. Pareil pour ton autre ami, l’immense Arkoun, honoré dans le monde entier, à qui le gouvernement algérien a refusé une simple tombe dans son petit village de Kabylie. Il est enterré à Rabat et on peut dire qu’il manque doublement aux siens.
 
N’oublions pas que parmi lesdits ambassadeurs, il y a celui qui représente Bachar El Assad, celui qui représente El Bachir, celui qui représente Bouteflika, celui qui représente les Saoud, celui qui… j’en tremble, il y a une année il était parmi eux, le représentant des Kadhafi père et fils !
 
Haine incommensurable
 
Ne nous trompons pas, le fond de l’affaire n’est pas Boualem Sansal, ni sa visite en Israël, ni ses vilains papiers, ni la Palestine, encore moins les Palestiniens, de tout cela ils se fichent comme d’une guigne, le fond, le vrai, le seul, c’est la haine incommensurable, dévorante, que ces gens portent à Israël , dans laquelle ils veulent nous embarquer tous, comme si Dieu le leur avait ordonné, comme s’il n’y avait de vie sur terre que dans la mort de ce pays. C’est cela, j’ai attenté à leur belle et merveilleuse Haine, élevée au rang de religion, avec sa profession de foi, ses sacrements, ses excommunications, ses mises à mort, et son clergé, c’est-à-dire eux, qui font et défont les lois et les vies. Si j’étais revenu d’Israël vomissant de dégoût et tremblant de colère, ils m’auraient médaillé et promu écrivain de génie.
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