Ce pacte « de compétitivité », initié par Angela Merkel, a pour but de réduire les déficits des pays de la Zone Euro. Dans tous les domaines : réduction des déficits, impôts, retraites … l'objectif est l'harmonisation des politiques européennes.
L'idée n'a pas été lancée du jour au lendemain … Un pacte économique entre les pays de la Zone Euro ? La Comission Européenne y avait peut-être pensé, mais c'est bien M. Sarkozy et Me Merkel qui ont trouvé la manoeuvre. Les réformes envisagées concrètement par ce « pacte économique commun » n'ont pas encore été précisé, mais il y a fort à parier que ces réformes s'inscriront dans une logique libérale. En effet, l'appel d'air lancé par Sarkozy et Merkel va rassurer les marchés financiers, proues à l'inquiétude. Inquiétude sur les politiques économiques européennes. A Paris, on avouait avoir « un problème de crédibilité vis-à-vis des marchés, car la zone euro n'est pas perçue comme suffisament unie ». Pour cela, les Allemands martelaient leur besoin de politique commune en économie, sans laquelle la monnaie unique n'est pas crédible. C'est ce message que Merkel a martelé au dernier forum économique de Davos. Pourtant, la plupart de ces réformes ne sont décidées qu'à l'échelle nationale, et ne tient pas de la compétence de l'Europe. Ces réformes, Bruxelles souhaite les faire appliquer dans toute la Zone Euro, voire dans tous les pays de l'UE. Inscription de l'équilibre budgétaire, voire de la rigueur dans les Constitutions, aux réformes des retraites allongeant la durée de cotisation pour préserver l'équilibre, jusqu'à l'impôt sur les sociétés, les réformes envisagées sont concrètes. Berlin et Paris ont donc trouvé un compromis. Cependant, ce mode de décision peut poser problème. Il peut paraître simple de se demander pourquoi le couple franco-allemand décide à la place de tous les pays de la Zone Euro, voire de l'UE. De plus, la question sur la souveraineté des Etats peut se poser aussi. Un négociateur français l'affirmait : « Merkel s'est résolue à plus d'Europe, mais elle veut que ce soit une Europe plus allemande ». D'ores et déjà, un sommet européen est prévu à cette occasion en mars pour trouver un compromis entre les différents pays de la Zone Euro sur le fond des réformes prévues.
A travers ce pacte de compétitivité défendu par Mme Merkel et M.Sarkozy, un problème institutionnel se pose. L'Union Européenne aux institutions bancales n'avait peut-être pas besoin d'une nouvelle affaire. José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, aurait peu apprécié l'annonce de ce pacte chapeauté par les gouvernements nationaux et non une structure supranationale comme l'est la Commission ou le Parlement européen, un de ses proches a déclaré: « Je ne comprends pas très bien ce que les propositions sur la table ajoutent par rapport aux nôtres ». Effectivement, depuis plusieurs mois le torchon brule entre le couple franco-allemand et M.Barroso. Un nouveau point de friction en l'occurrence, il faut savoir que la Commission avait pris à contre-pied les intentions des deux voisins, mises en œuvre par le Conseil Européen, pour présenter en septembre dernier ses propres mesures concernant la gouvernance économique. Des propositions qui allaient plus loin que celles promises par Herman Von Rompuy, le président du Conseil Européen - notamment l'instauration de sanctions automatiques, retirant le pouvoir aux gouvernements dans la mise en place de sanctions contre les Etats les plus laxistes. L'éternel conflit entre les Etats et l'establishment européen qui peine à trouver un réel rôle, malgré les multiples traités qui ont tenté de le définir, n'est pas près de se terminer.
En plus de ces méandres institutionnels qu'il entraîne, ce nouveau pacte visant à remplacer le pacte de stabilité ne fait pas l'unanimité en Europe. La France est frileuse face à la perspective d'un seuil de départ à la retraite à 67 ans, l'Irlande souhaite garder son impôt sur les sociétés à hauteur de 12,5 %, enfin, la Belgique veut sauvegarder l'indexation automatique des salaires sur l'inflation. Les syndicats belges qui représentent 60% des travailleurs, par l'intermédiaire de Claude Rolin, secrétaire général de la Confédération des syndicats chrétiens, mettent en évidence que c'est « un des socles de notre système concertation sociale ». La gouvernance économique commune louée en cœur par les États européens depuis les déboires successifs de la Grèce, l'Irlande et du Portugal apparaît finalement comme un texte plutôt contraignant pour chacun des pays obligés d'abandonner des avantages pour solidifier la zone euro.
Au-delà même de ces considérations européennes, ce pacte est aussi un enjeu national pour la chancelière allemande Angela Merkel qui le 27 mars devra affronter un défi de taille: les élections en Bade-Wurtemberg. Ce scrutin pourrait défaire la coalition entre les conservateurs-chrétiens et les libéraux qui permet aujourd'hui à Mme Merkel d'être au pouvoir. Les allemands attentifs à la politique budgétaire européenne – on se rappelle l'émoi suscité quant au sauvetage de la Grèce il y a un peu moins d'un an – verraient d'un bon œil l'adoption de ce pacte lors du sommet européen du 24 et 25 mars. Ce pacte de stabilité a décidément un accent très national n'en déplaise à M.Barroso. Cet événement démontre bel et bien toute la complexité de la structure européenne. Et surtout toute la difficulté à faire fonctionner celle-ci en temps de crise qui est généralement plus propice au replie sur soi qu'à l'ouverture vers ses voisins.
Louis Germain et Lucas Ormiere