Ta vie,vient d’atteindre les cieux. D’instant en instant, je vais rebondir de toi en toi en moi, dans quel état vais-je arriver ? Dans quel état me recevras-tu ?
Mes ors, mes bleus, la courbe blanchâtre, les gris légèrement rosés adressent au ciel divin une incantation qui vient de sangler ma vie dans une douleur en béton.
Ce que je croyais être art est devenu chanson de geste, cruelle évidence de mes jours de peine.
Je la mastique à torrents de touches, notes musicales, saignements de coeur.
Je transmute mon travail en oeuvre de chair.
J’extirpe mon savoir du creux de mon ventre. Je ne peux en parler.
Maintenant, il me semble entendre ce concerto de Mozart pour la première fois comme si j’étais entrée dans les veines de la musique.
Je reste là, à occuper les angles, les surfaces, je suis l’araignée qui tisse, je n’ai pas de voix, j’occupe mon espace en transparence. J’oscille entre une conscience flottante et un velcro plus ou moins adhérant, parce que entre toi qui as si peu vécu et moi qui ne sais plus compter, c’est un ensemble devenu fou …
Une image vient de faire irruption dans la brèche. Tu prends la pose du bellâtre sur la plage, pendant que je joue au photographe de mode.
Un jour ou une nuit, j’irai de l’autre coté de la terre voir le soleil se lever avec toi ...
Je me laisse aller au silence, le silence à l’ombre du ciel des orants dans le confort de légèreté propre aux imprudents protégés de la vie, à l’écoute des sages du désert africain.
Je n’ai jamais possédé, je n’ai jamais eu la notion de possession et la vie s’est arrangée pour que les lieux me possèdent en faisant de moi une amoureuse de toutes les terres.
Voyager long est la nourriture de ma vie. Des raisons mystérieuses comme des preuves me forcent à partir et quitter un lieu où avec ou sans tristesse je laisse une peau morte. Je ne ferme qu’une porte sur un intérim.
Y aura-t-il un « enfin » ou bien chaque arrêt n’est qu’une escale dans une succession de hasards qui se cherchent ?
Mon ancre est noyée dans un pays ? Le pays de tous les autres, alors, je flotte sur mon radeau sans autre chose à accrocher que mes rideaux, terrorisée à l’idée d’une décennie qui, à l’énoncer prend déjà une allure d’éternité écrasante.
Au début, ces déplacements avaient raisonnablement un objet, une nécessité inventée ; en réfléchissant bien, ils se succédèrent à un rythme régulier, au gré de mes rencontres amoureuses. Les tapis, les rideaux, les coussins, tout ce qui se roule, suivaient. Aller voir ailleurs, plus loin, surtout beaucoup plus loin, est un enchantement ; comme les nomades, moi, j’aime les chiffons.
Un trop-plein de questions jonglent, se tabassent, se cassent la gueule, retombent platement sur les chiffres de banquiers de la côte froide du Pôle Nord. Je suis un secret d’état de l’Art : visibilité aucune, poids atomique, méga densité.
Mon espace est transparence.
Pendant que la boulangère de mon village me dit le temps de demain, j’observe les étoiles.
Je baptise cette année : boule de nerfs.