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Billet de blog 22 avr. 2020

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COVID-19, MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, J’ACCUSE VOTRE GOUVERNEMENT.

Lettre à Monsieur Emmanuel MACRON, Président de la République. Monsieur le Président, Me permettez-vous de solliciter de votre temps et de m’adresser à vous en tant que citoyen français, fils d’une maman, Denise Rosalie Irène WEISSER décédée du Covid-19 dans un EHPAD du Haut-Rhin le mercredi 15 avril 2020 ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je réside dans le département du Haut-Rhin non loin de la ville de Mulhouse. La pandémie a fait des ravages dans notre région et fut le premier épicentre du virus en France dès la première quinzaine du mois de mars. J’ai découvert avec effroi l’imprévoyance totale de votre gouvernement concernant notamment les masques et les tests de dépistage dans votre « guerre » contre le virus. Pourtant suite à vos allocutions publiques, je gardais un espoir dans la gestion de la crise et j’étais serein pour ma maman dont je savais que dans sa maison de retraite elle était confinée et bien protégée, entourée par le personnel de l’EHPAD. Un mois après, le couperet est tombé !

C’était le mercredi 15 avril avec l’annonce brutale à 10H30 par le médecin de garde de l’EHPAD de Bantzenheim de la contamination par le Covid-19 de ma maman, placée sous respirateur et bénéficiant de soins non curatifs. Je suis resté dans un désarroi total face à cette nouvelle qui a fait écho à mon espoir dans vos dernières prises de parole et votre gestion de la crise sanitaire. D’autant que ma maman venait enfin de bénéficier d’un dépistage le jour d’avant comme tous les pensionnaires et les personnels des EHPAD du Haut-Rhin à l’initiative du Conseil départemental, mais c’était trop tard. Il ne me restait plus qu’à attendre la terrible nouvelle. L’annonce de la mort de ma maman Monsieur le Président de la République n’a pas tardé. Elle est intervenue le jour même en fin d’après-midi. Je venais de perdre en une journée ma maman qui allait avoir 84 ans, un mois plus tard jour pour jour le 15 mai. Je trouve tragique de mourir pour une problématique d’organisation matérielle d’Etat qui n’a pas su fournir un mois et demi après le début de la pandémie dans notre région alsacienne, des masques et des tests, malgré les nombreuses alertes venues du terrain.

Sachez aussi Monsieur le Président de la République que ma maman avait été reçue par l’un de vos prédécesseurs, Vincent AURIOL en 1949, après avoir terminé « première de cordée » au certificat d’études primaires dans le département du Haut-Rhin (voir photo jointe à ce courrier). Je trouve que les conditions tragiques de sa mort en avril 2020 sont indignes de la République française qui l’avait honoré en 1949.

J’accuse votre gouvernement d’une imprévoyance totale dans la gestion de la crise sanitaire et des moyens qui n'ont pas été la hauteur de la pandémie, à l'exception du confinement qui a montré ses limites dans les EHPAD faute de masques et de tests.

J’accuse votre gouvernement de ne pas avoir ciblé les priorités sanitaires et notamment les EHPAD hauts lieux à risque pour les personnes âgées. Le retard dans le dépistage au sein des EHPAD est devenu une bombe à retardement dans les maisons de retraite et les personnes âgées se retrouvent piégées sur leur lieu de vie dont on mesure les conséquences tragiques aujourd’hui.

J’accuse votre gouvernement d’avoir placé dans une position éthique impossible les personnels des EPHAD par l’absence de dépistage et de masques avec le risque de contamination qu’ils font peser involontairement sur les personnes âgées dans l’exercice de leurs fonctions. De même, les personnels soignants des EHPAD sont réduits à donner exclusivement aux malades du Covid-19 des soins palliatifs.

J’accuse votre gouvernement d’avoir conduit le système de soin français à faire un tri des malades du Covid-19 dans les EHPAD qui n’entre pas dans les protocoles médicales habituels en raison de la saturation des capacités hospitalières. Pour ma maman, le médecin de garde de l’EHPAD avait diagnostiqué chez elle le 15 mai à 5H30 du matin le virus du Covid-19 (température à 38°, toux, difficultés respiratoires). Malgré un taux d’oxygénation du sang encore de 85%, elle a été placée immédiatement en soins palliatifs. Faute de soins curatifs son décès a été constaté à 17H30 le jour même par l’infirmière de garde lors d’une visite dans sa chambre.

J’accuse votre gouvernement de mensonges pour avoir affirmé à l’opinion publique que les masques et les tests d’envergure n’avaient pas de fondement sanitaire essentiel afin de dissimuler la pénurie des équipements de protection et de détection avec les conséquences tragiques sur nos ainées dans les maisons de retraite aujourd’hui.

J’accuse votre gouvernement d’avoir maintenue une bureaucratie qui a été un frein aux initiatives spontanées locales de laboratoires d’analyse médicale dans la lutte contre le Covid-19 et entrainé un retard dans le dépistage.

En portant ces accusations graves, je n’ignore pas que je me mets sous le coup d’un procès en diffamation et c’est volontairement que je m’expose car le décès du Covid-19 de ma maman dans sa maison de retraite est d’intérêt public pour tous nos compatriotes qui aujourd’hui dans le huis clos de leur confinement vivent la mort en France.

Je n’ai qu’une passion celle de la vérité et de la justice au nom de l’humanité, valeurs qui ont manqué à votre gouvernement dans la gestion sanitaire de la pandémie en France.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de mon profond respect.

Le 22 avril 2020.

Gabriel WEISSER

  1. Je vous envoie avec cette lettre Monsieur le Président de la République, la photo de ma maman reçue en 1949 par le chef de l’État Vincent AURIOL (5ème jeune fille en partant de la droite) afin que vous puissiez mettre un visage et un nom sur le décompte quotidien de votre gouvernement des personnes décédés du Covid-19 dans les EHPAD. Dans mon cas, « le retour aux jours heureux » que vous souhaitiez dans votre dernière prise de parole publique sera impossible.

P.S J’adresse Monsieur le Président de la République mes remerciements :

Au personnel de la maison de retraite de Bantzenheim en Alsace qui avec tout leur professionnalisme n’ont rien pu faire pour empêcher malgré le confinement, la contamination par le virus du Covid-19 de ma maman et son décès.

Au Président de la Région Grand-Est qui dès le début de l’épidémie en Alsace a montré un volontarisme dans la lutte contre le Covid-19 en devenant un lanceur d’alerte auprès de votre gouvernement.

A la Présidente du Conseil départemental du Haut-Rhin qui par son volontarisme a pris l’initiative de solliciter les autorités allemandes pour la prise en charge de patients alsaciens et a su organiser un dépistage massif dans les EHPAD du département le 14 avril 2020.

Aux autorités allemandes et notamment au Président de la région du Bade-Wurtemberg et au Maire de la ville de Freiburg en Brisgau pour avoir accueilli dans leurs hôpitaux des malades français alors que leur pays était également confronté à la pandémie.

A tous ceux qui m’ont témoigné de leur soutien dans ce moment tragique.

A ma famille.

A mes filles choquées par le décès tragique de leur mamie.

A ma maman qui m’a donné la vie pour écrire ces lignes et la force dans sa mort tragique pour témoigner.

Ma maman a été enterrée ce mercredi 22 avril 2020 dans le caveau familial de Bantzenheim en Alsace.

Illustration 1
En photo, le Président de la République Vincent AURIOL (1947-1954), entouré de quelques récipiendaires haut-rhinois du certificat d’études primaires dont ma maman (5ème jeune fille en partant de la droite). © Photo de famille
Illustration 2
Derniers adieu à ma mamam, 22 avril 2020 Haut-Rhin. © WEISSER GABRIEL
Illustration 3
Derniers adieu à ma mamam, 22 avril 2020 Haut-Rhin. © WEISSER GABRIEL

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