Une « enquête à charge », des « accusations ni étayées, ni documentées », pire « un tas de ragots »…Jean-Loup Salzmann qui a donné une interview à l’Etudiant suite à la parution de notre enquête « Le vice-ministre des universités entre en zone de turbulence» n’a visiblement pas apprécié que Mediapart se penche sur le fonctionnement de son université.
Le président de Paris 13 qui a refusé de nous rencontrer – nous n’avons pu que transmettre par écrit nos questions à son service de communication - réfute donc l’existence d’un système clientéliste dans sa fac. Pas un mot sur le rapport de l’IGAENR qui décrit pourtant au sein de l’IUT de Saint-Denis un système quasi-mafieux et s’interroge sur l’étonnante inertie de M. Salzmann alerté sur ces faits depuis plus d’un an et demi. Pas un mot non plus sur les personnels menacés de mort sur son campus et à qui il a refusé d’accorder et la protection fonctionnelle et le droit de retrait. Tout cela ne semble guère l'intéresser. Les personnels apprécieront.
Du clientélisme à Paris 13 ? C’est, vraiment mal connaître le monde universitaire et ses procédures, argumente en substance Jean-Loup Salzmann. La fable ne convaincra évidemment que ceux qui ignorent tout des mutations engendrées par la loi LRU qui ont octroyées aux présidents d’université de considérables prérogatives, laissant la porte ouverte – tous ne s’y sont pas engouffrés – à bien des arrangements entre amis. Depuis le passage à l’autonomie, les présidents peuvent recruter en CDD ou en CDI, à des niveaux de salaires bien supérieurs aux grilles de la fonction publique. Il distribue à peu près comme il l’entend des primes individuelles au mérite. Et possède un droit de veto sur les recrutements et les affectations de personnels. Le conseil d'administration ne joue le plus souvent qu'un rôle de chambre d'enregistrement lorsqu'il a son mot à dire.
Les primes qui ont explosé ? C’est, explique Jean-Loup Salzmann, qu’il a « doublé les primes des personnels Biatss de l’université, qui étaient très faibles ». Sans doute destiné à rappeler qu’il est un président « de gauche » soucieux des plus bas salaires de la fac, l’objection omet de préciser que les primes des enseignants-chercheurs – les salaires les plus importants - ont dans le même temps cru, selon le rapport de la Cour des comptes de mai 2013, de 89%. Surtout le système clientéliste en vigueur à Paris 13 ne se résume pas, loin de là, à l’attribution de primes.
Les enseignants de Paris 13 que nous avons rencontrés nous ont précisément décrit ces renvois d’ascenseurs qui voyaient tel élu dans un conseil votant pour M. Salzmann se retrouver peu de temps après promu « professeur de classe exceptionnelle », alors que sur la seule base de son dossier scientifique aucune promotion ne lui avait été accordée jusque-là. Ils nous ont raconté ces profils de postes, taillés sur mesure pour les proches. Le cas de M. Grumelart cité en exemple dans notre article – document à l’appui - est particulièrement significatif des dérives de cette gestion clientélistes des ressources humaines. Justifier la situation de cet administratif, élu au CA et dont le vote a été décisif dans la réélection de M. Salzmann a visiblement donné du fil à retordre à l’université. Comment expliquer que cet administratif déclare l’équivalent de 798 heures de cours, quand le service d’un enseignant chercheur est de 192 heures et que le maximum pour un enseignant non chercheur est de 384 heures ? Dans un premier temps, puisque M. Grumelart n’a pas souhaité nous répondre, l’université nous a donc répondu que nous faisions fausse route puisque ce monsieur était « un personnel administratif et non un enseignant ». Quatre jours plus tard le service de communication de Paris 13 nous a communiqué une note émanant de la direction générale des services(DGS) expliquant que ce monsieur donnait bien, en plus de ses charges administratives, des cours. Et pas qu’un peu : 308 heures (117 heures de plus que le service d’un enseignant-chercheur de 192 heures)tout en assurant le suivi individuel de 56 apprentis. Surnaturel. Quand Jean-Loup Salzmann raille le fait que nous fassions référence aux 192 heures, autre preuve de notre ignorance du fonctionnement universitaire, il oublie tout simplement que la note émanant de la DGS fait précisément la même chose.
Les accords électoraux avec l’Unef n’avaient rien de secret, affirme encore le président de Paris 13? Dénoncé par un ancien responsable de l’Unef ce point n’a pourtant jamais été contesté par ceux qui l’ont signé. Interrogé par Mediapart, l’un des signataires de l’accord Julien Million a reconnu que cet accord, dont n’étaient même pas informés les militants de l’Unef de Paris 13 avait effectivement été rendu publique après l’élection. Ce qui a engendré une importante crise au sein de l’organisation étudiante.
Concernant la consigne d’inscrire en Master un étudiant , élu du conseil des études et de la vie universitaire(CEVU) qui n’assistera pas au cours, ni ne viendra aux examens, révélions nous sur la base d’un document écrit que s’est procuré Mediapart, Jean-Loup Salzmann rétorque qu’il s’agit d’une politique assumée de soutien à « l’engagement » des étudiants. Quand « s’engager » passe par une inscription fictive à l’université... Une curieuse façon de débuter dans la vie citoyenne. Mais Jean-Loup Salzmann qui, du Cosef à la Mnef en passant par SOS-Racisme, a participé à tous les coups tordus de l’ère Mitterrand, n’a semble-t-il pas les mêmes repères.
Inutile de trop s’appesantir non plus sur la manière dont M. Salzmann a été nommé PU-PH à Avicenne, hôpital du 93 où il ne mettra en réalité jamais les pieds. Nous l’avons précisément détaillée dans notre article. Si le président de Paris 13 ne voit dans tout cela, « rien d’anormal », il est vraiment bien le seul.
Alors qu'une chasse aux sources de Mediapart a commencé à Paris 13, nous reviendrons prochainement sur d'autres aspects du clientélisme à l'oeuvre à Paris 13.