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Billet de blog 18 août 2023

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Bilan de la présidence équatorienne écourtée de Guillermo Lasso

De fortes tensions politiques ont provoqué les élections anticipées de ce dimanche 20 août en Équateur. Celles-ci ont été alimentées par le manque de transparence du président Lasso, son conflit ouvert avec l’Assemblée nationale, alors que la rue se mobilise régulièrement contre la crise économique et que la sécurité du pays se dégrade de manière inédite.

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À l’occasion des élections présidentielles et législatives anticipées qui se tiennent ce dimanche 20 août 2023 en Équateur, cet article fait un bilan politique du président sortant Guillermo Lasso. Candidat du mouvement Creo, représentant de la droite traditionnelle, dirigeant de la deuxième banque du pays (Banco de Guayaquil), Guillermo Lasso a été élu avec 52,5% des voix[1] en avril 2021. Il arrive au pouvoir dans un contexte où le président antérieur Lenin Moreno finit son mandat avec une cote de popularité au plus bas. Après s’être émancipé de la figure de l’ancien président Rafael Correa Delgado contre lequel de nombreux procès sont organisés, le gouvernement Moreno s’est affaibli sous le poids des critiques[2] à cause de ses alliances avec les partis de droite et le Fonds monétaire international (FMI), l’impressionnante répression du mouvement social d’octobre 2019 et sa gestion désastreuse de vaccination élitiste au cours de la pandémie de Covid-19. De plus, la crise économique s’est approfondie, le système de sécurité sociale s’est effondré, ce qui a favorisé la plus forte dégradation des conditions de vie d’Amérique latine de cette période[3], et ce dans un contexte de développement de l’économie informelle et de manque de travail.

Après 15 ans de succès corréistes, la victoire de Lasso est une étape marquante dans le retour de la droite néolibérale dans le pays, face aux tentatives de retour des soutiens de l’ancien président Rafael Correa (de 2007 à 2017, soit trois mandats présidentiels), dont la référence demeure clivante sur la scène politique équatorienne malgré son exil en Belgique. La base politique de Lasso se compose d’un noyau de personnalités ultralibérales (voire libertarienne comme Lasso) et d’anciens cadres de la démocratie chrétienne qui avaient succombé à la débâcle produite par la crise économico-politique de la fin des années 1990. De plus, il peut compter sur le soutien des chambres de commerce et des grands médias (privés). Cependant, le candidat Lasso gagne sa place pour le second tour de l’élection de justesse face au candidat du parti indigène Pachakutik, face à une gauche très divisée, et capitalise des voix en jouant sur son principal ressort politique : les critiques divisées à l’encontre du corréisme et de ses héritiers. Il débute son mandat dans un contexte de tensions politiques, marqué par la crise économique, et une situation sociale dégradée fortement par la pandémie de la Covid-19 qui touche gravement le pays. Cet article analyse son bilan politique en explorant les trois principales séquences politiques de son mandat écourté par la forte division de la scène politique équatorienne.

Une victoire politique rapidement balayée par les révélations des Pandora Papers et les mobilisations contre la vie chère

Dès son entrée en fonction, Guillermo Lasso modifie la stratégie de vaccination très critiquée de Lenin Moreno, pour permettre à l’Équateur d’obtenir des vaccins à qui veut bien lui en vendre. En quelques mois, la majorité des 16 millions de personnes vivant en Équateur se fait massivement vacciner. Cette stratégie réussie est alors saluée au niveau national comme international[4]. Pourtant dès septembre, le nouveau président est fortement critiqué et sa base de soutien s’érode. Le programme qu’il porte est la réplique des recettes néolibérales mises en œuvre dans le pays au cours des années 1990 : il défend un rétrécissement de l’État (budget et taille, baisse du nombre de salariés du secteur public et dégradation de leurs conditions de travail), il promeut la privatisation des secteurs rentables (télécommunication, énergie), la flexibilité du travail (conditions de travail, rémunération, droits sociaux), l’incitation à l’investissement et l’expansion de l’extractivisme minier et pétrolier. Pour ce faire, durant l’automne, le gouvernement porte une loi organique avec un discours de promotion favorable à la croissance économique et à réduction des dépenses publiques. S’ouvre alors la première séquence d’affrontement entre les pouvoirs exécutifs et législatifs. L’Assemblée nationale réagit en renvoyant le projet au motif qu’il contrevient à la Constitution (article 136) qui oblige que toute réforme économique porte sur une seule matière et non pas trois. Dès cette époque, Lasso menace l’Assemblée de dissolution, mais finalement il recule et présente les projets séparément. Lasso soumet son premier (et finalement seul) projet de réforme, sur l’imposition, à l’Assemblée nationale en novembre 2021. Ce texte sera finalement la seule réforme économique importante adoptée pendant son mandat à l’Assemblée : elle est votée in extremis alors que les députés Creo semblent isolés, grâce à l’abstention du bloc corréiste. Cette loi vise à récolter 1 900 millions de dollars d’impôts, afin de remplir la condition d’octroi d’un prêt de 700 millions de dollars auprès du FMI. Dans ce pays où l’imposition est particulièrement faible, la loi augmente les impôts sur les revenus et crée un impôt temporaire sur la fortune pour les particuliers et les entreprises, des mesures qui affectent principalement la classe moyenne équatorienne.

En octobre 2021, deux nouveaux facteurs de tensions s’imposent au président : les révélations sur les Pandora Papers du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ pour le sigle anglais) qui le concernent directement[5], et les mobilisations sociales contre la vie chère[6]. Les Pandora Papers mentionnent Guillermo Lasso comme l’un des trois présidents latino-américains à figurer sur la liste des 500 personnalités citées. Il détiendrait 14 sociétés offshore situées dans des paradis fiscaux au Panama et aux États-Unis ; pratiques devenues contraires aux normes constitutionnelles fiscales pour les candidatures électorales depuis la consultation populaire de février 2017. Ces révélations posent plusieurs questions sur la validité de la candidature présidentielle de Lasso et par conséquent de son élection : à qui le président a-t-il transféré les actifs qui se trouvaient dans ces paradis fiscaux ? Quand ces transferts ont-ils eu lieu, avant ou après avoir déposé sa candidature ? Quelles sont les implications fiscales de ces révélations ? En novembre 2021, la Commission des garanties constitutionnelles de l’Assemblée nationale produit un rapport non contraignant qui souligne l’absence de respect de la procédure et son manque de validité juridique, mais celui-ci est rejeté par le gouvernement qui le qualifie « d’acte d’opposition », alimentant ainsi les tensions entre les deux pouvoirs. Les deux institutions qui travaillent sur les implications possibles des Pandora Papers se démobilisent finalement : l’Assemblée n’a pas un rapport de force suffisamment favorable pour mener à bien une procédure de destitution du chef de l’État, tandis que de son côté l’agence publique de contrôle financier de l’État (la Controlaría) conclut dans son rapport final qu’en l’absence d’éléments objectifs démontrant une violation à la date de dépôt de sa candidature, la révélation ne remet pas en cause l’élection présidentielle[7]. Ainsi, en moins de deux mois, l’exécutif s’est appliqué à enterrer les révélations des Pandora Papers en Équateur.

La hausse du prix de l’essence (12%), les perspectives de réformes économiques influencées par le FMI, notamment la réforme sur l’imposition et la réforme visant à flexibiliser le droit du travail, tout comme les Pandora Papers alimentent un climat socio-économique tendu. Comme en octobre 2019, l’organisation sociale indigène de la CONAIE appelle à manifester face à la dégradation des conditions de vie des plus pauvres dans les villes et dans les campagnes. Après des manifestations dans les villes, les personnes mobilisées convergent vers la capitale à l’appel de la CONAIE et des principaux syndicats du pays (Feine, Fenocin, FUT et le Frente Popular). Cependant, le gouvernement reste sourd aux revendications et associe même les manifestants à des partisans d’un coup d’État et à des conspirateurs. Finalement le gel du prix de l’essence est négocié, mais les principales revendications du mouvement demeurent inaudibles pour le gouvernement. Dans ce contexte, Lasso proclame pour la première fois l’état d’urgence pour 60 jours dans certaines régions, sous couvert de lutter contre l’insécurité et les violences résultant du développement des organisations criminelles en compétition pour contrôler certaines zones du pays. Le président maintient cette stratégie tout au long de son mandat, sans que le résultat ne soit concluant.

Deux freins persistants : résurgence forte de la mobilisation sociale et augmentation des violences des organisations criminelles

En juin 2022, sous l’impulsion de la CONAIE, la rue se mobilise de nouveau[8] contre l’adoption de mesures gouvernementales inspirées par le Fonds monétaire international, à savoir la hausse du prix des hydrocarbures, l’augmentation du coût des transports publics et de ceux des aliments de base. Cette mobilisation fait écho à celle d’octobre 2021, mais surtout à celle d’octobre 2019 qui avait été férocement réprimée par la ministre de l’Intérieur de l’époque María Paula Romo. Face à l’absence de changement de ligne politique et la poursuite de la dégradation du niveau de vie deuxième manche semble se jouer entre Lasso qui gouverne les yeux rivés sur les indicateurs macroéconomiques et les populations mobilisées dont les réalités quotidiennes continuent d’être ignorées par l’exécutif. La CONAIE, les principaux syndicats de travailleurs et la jeunesse étudiante se mobilisent conjointement au cours de journées de grèves et élaborent ensemble une large série de revendications qui représentent les intérêts de larges secteurs de la population[9]. Les mobilisations sociales sont particulièrement fortes à Quito et dans de nombreuses villes du pays, mais le gouvernement ne semble pas vouloir négocier. En effet, Lasso proclame l’état d’urgence dans six provinces du pays, sa volonté répressive assumée s’accompagne d’un discours (classique) de criminalisation de la mobilisation sociale qu’il associe aux groupes criminels pour plaire à la bourgeoisie urbaine apeurée. La répression est particulièrement forte, les forces de l’ordre n’utilisent pas que des balles en caoutchouc, mais du plomb, et n’hésitent pas à viser le visage des manifestants. La Casa de la Cultura, lieu historique des mobilisations sociales du pays est évacué violemment en plein assemblée populaire, tandis que le leader de la CONAIE, Iza Leonidas, est détenu (et finalement relâché). Pour finir, l’Église catholique se positionne comme intermédiaire entre la rue et le gouvernement, mais l’accord politique auquel a abouti ce processus de médiation, surnommé « les Accords de paix », se matérialise dans des avancées très limitées (augmentation de 25$ du salaire minimum, augmentation de l’aide sociale de 50 à 55$ du Bono de Desarrollo Humano, baisse d’une dizaine de centimes de dollar du prix de l’essence, et aides financières difficiles à obtenir en pratique pour les petits paysans). Au Parlement, Lasso échappe à huit voix près à la destitution à l’initiative des corréistes, grâce à la négociation de miettes des revendications sociales avec la CONAIE.

L’année 2022 demeure traversée par les révoltes en prisons, et les assassinats liés aux rivalités entre organisations criminelles et de narcotrafic. Ainsi en avril 2022, l’état d’urgence est de nouveau adopté par le président contre une nouvelle vague de massacres en prisons liées aux profondes rivalités qui déchirent les organisations de trafic de drogues. La force des organisations criminelles continue de se développer dans le pays, sans que la politique gouvernementale n’ait d’impact significatif. Entre 2021 et 2022, les prisons équatoriennes se transforment en terrains de règlement de comptes entre organisations criminelles rivales particulièrement sanglants au cours de 14 massacres, où 456 personnes sont assassinées. Les rues des localités au cœur des luttes territoriales de ces organisations sont également particulièrement touchées par les violences. Entre janvier et août 2022, on compte 145 attentats dont la moitié ont lieu dans la métropole de Guayaquil (premier port du pays)[10], ville où le niveau de violence dépasse maintenant celui de Ciudad Juárez (Mexique). La proclamation régulière d’états d’urgence par le gouvernement dans les provinces touchées semble être une méthode inefficace pour endiguer ces pics réguliers et croissants de violence. L’État semble incapable de contrôler les moyens de la violence des organisations criminelles.

Affaiblissement politique par les urnes, défiance irréversible de l’Assemblée nationale et « mort croisée »

Au tournant de l’année 2022-2023, Lasso est critiqué et affaibli politiquement. Il est sous le coup de trois scandales : un contrat passé entre la société pétrolière d’État Flota Petrolera Ecuador (Flopec) et la multinationale offshore Amazonas Tanker Poll qui aurait été passé à l’encontre des intérêts du pays ; et des liens douteux entretenus par le beau-frère de Lasso avec la « mafia albanaise » pour réaliser du trafic de drogues vers l’Europe grâce à la corruption d’institutions publiques. Le 29 mars, la Cour constitutionnelle, dont la composition est à l’avantage du président, examine les faits portés à sa connaissance, mais elle ne retient que les irrégularités apparentes dans la location de navires pour le transport de pétrole par Flopec en 2018, les deux autres accusations sont exclues du « procès politique » à venir à l’Assemblée nationale.

En février 2023, le peuple est amené à voter lors d’élections locales dans les métropoles, les gouvernements autonomes des provinces, et aux différents niveaux de conseils locaux, et à répondre à une consultation populaire portant sur trois questions (la réduction du nombre de députés, la redéfinition de la désignation des autorités de contrôle de l’État, et la possibilité d’extrader des nationaux impliqués dans des délits dans d’autres pays). Le gouvernement perd de façon fracassante ces élections[11]. Ses alliés s’éloignent, son respect et sa crédibilité se réduisent, et ce dans un contexte où la santé du président semble mauvaise. Dans ce contexte de lent et douloureux affaiblissement, le gouvernement, dont l’assise s’est fortement réduite, négocie régulièrement avec les « indépendants », les députés non affiliés à un parti politique ouvert à des arrangements contre des rétributions politiques (postes). En effet, depuis mai 2022, les « indépendants » sont la deuxième force politique de pays (22 sièges à l’Assemblée) derrière les corréistes de Revolución Ciudadana (47 sièges). De la même manière, les votes du parti social-démocrate (affaibli par l’échec électoral de Jaime Nebot à Guayaquil) et ceux des députés dissidents du parti indigène Pachakutik, sont convoités. En mai dans le contexte du procès de Lasso devant l’Assemblée nationale, le nombre de députés « indépendants » augmente de nouveau, laissant à penser que les tensions politiques participent à l’érosion des partis politiques, à l’exception de Revolución Ciudadana grand vainqueur des élections locales (désormais à la tête de sept métropoles et de neuf provinces).

Mai dernier a été un mois particulièrement décisif à l’Assemblée nationale équatorienne. Le 14 mai, le président, Virgilio Squicela, et le conseil d’administration législatif sont élus au deux tiers des voix, face à une absence de candidat gouvernemental, et grâce au soutien d’une coalition composée de Revolución Ciudadana, du Partido Social Cristiano (droite), de Pachakutik, et des « indépendants ». Ce nouvel équilibre des forces conduit à une reprise du procès parlementaire en destitution sur la base de la décision de la Cour constitutionnelle de mars. Le 16 mai, Lasso se présente donc devant l’Assemblée pour répondre à l’accusation dont il fait l’objet, sa défense surprend par sa légèreté et sa courte durée. Le lendemain, le président Lasso réplique et passe à l’action en mettant en œuvre un mécanisme prévu dans la Constitution de 2008, mais jamais utilisé jusqu’alors, même s’il avait menacé d’en faire usage déjà à plusieurs occasions : le coup politique de « la mort croisée » (muerte cruzada) motivée par « une crise politique grave et des bouleversements internes » (article 148 de la Constitution de 2008). Ce mécanisme institutionnel permet au président de dissoudre l’Assemblée nationale, ce qui suspend immédiatement l’activité de celle-ci. Il place ainsi le peuple comme arbitre du conflit entre l’exécutif (le président de la République) et le pouvoir législatif (l’Assemblée nationale), à l’occasion d’élections présidentielles et législatives convoquées lors des mois suivants. Par conséquent, le président survit sans le contre-pouvoir législatif et il concentre les pouvoirs, notamment la prérogative d’adopter des décrets économiques d’urgence avec un contrôle souple de la Cour constitutionnelle. Ce coup politique conduit ainsi à la suppression temporaire de l’instance de compétition classique et de débat des partis politiques. Dès l’annonce officielle de ce coup politique, les responsables des forces armées et de la police affichent leur soutien au président, tout comme les États-Unis[12]. De son côté, les oppositions saisissent la Cour constitutionnelle, afin qu’elle examine sur le fond le bienfondé des deux motivations de la « mort croisée », à savoir la crise politique et l’agitation interne. Le 18 mai, les trois tribunaux de la Cour rendent leurs décisions consensuelles à l’unanimité : leur juridiction ne peut pas opérer de vérification sur la forme du mécanisme ni peut examiner sur le fond les motivations de celui-ci. Cette institution connue pour son anti-corréisme inaugure donc une jurisprudence constitutionnelle où elle ne se positionne pas en contre-pouvoir, mais au contraire en soutien de l’exécutif en le protégeant du contre-pouvoir du Parlement. Se faisant, la Cour conforte l’exécutif à se présenter comme « une victime » des tentatives d’enquête parlementaire, validant en silence l’entreprise de criminalisation du rôle de contre-pouvoir de l’Assemblée nationale. Autrement dit, la plus haute autorité du pouvoir judiciaire statue en se déprenant de son autorité, rendant ainsi la position du pouvoir exécutif in fine indépassable, consacrant le caractère éminemment présidentiel du régime politique de la République de l’Équateur. Cette décision est une grande déception pour le fonctionnement de la démocratie en Équateur, en ce qu’il conduit à questionner l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis de l’exécutif. En pleine crise politique, sociale et sécuritaire, avec un soutien populaire particulièrement bas, le président affaibli concentre les pouvoirs, tandis qu’il demeure soutenu par les proches qu’il a disposés à la tête des différentes instances de contrôle des principales institutions du pays[13].

Le premier tour des élections présidentielles et les élections législatives (137 députés et députées) ont lieu dimanche 20 août et leurs issues semblent très difficiles à prévoir. Ces élections sont accompagnées d’une double consultation populaire sur l’exploitation des ressources naturelles du Chocó Andino et du Yasuní. Dans un climat sécuritaire extrêmement tendu à cause des nombreux assassinats de personnalités politiques au cours des derniers mois, notamment tout récemment celui de Fernando Villavicencio (du centre droit) un des favoris de cette élection, la compétition politique est renforcée face à une scène politique très divisée, malgré un retour en force lors des dernières élections locales de Revolucion ciudadana. À droite, les stratégies autoritaires et répressives sont promues face aux organisations criminelles (influencée par la politique carcérale du président salvadorien Bukele), mais aussi aux mobilisations sociales. Le débat économique est centré sur les ressources de l’État et la nécessité de croissance économique du pays. Mais la corruption ne semble pas une préoccupation centrale dans la majorité des programmes, et la taille de l’Etat semble un enjeu central largement éludé. Au-delà des discours populistes, rares sont les personnalités candidates qui proposent des solutions pour améliorer rapidement les conditions de vie d’une majorité de la population, réduire la pauvreté et l’extrême pauvreté, mieux prendre en compte les intérêts des populations indigènes et rurales, mais aussi améliorer la qualité du dialogue social afin d’éviter de féroces répressions des mobilisations sociales. Enfin, l’organisation de la consultation populaire sur l’enjeu d’exploitation des ressources minières dans deux réserves naturelles donne de la visibilité aux enjeux écologiques, tout en les soumettant à la pression du contexte de crise économique qui domine l’élection présidentielle. Alors que l’Équateur connait de nouveau une vague d’émigration importante motivée par le manque de perspectives économiques et l’insécurité[14], le candidat ou la candidate élue à la présidence de la République de l’Équateur jouera davantage la réussite de son mandat sur sa capacité à endiguer la crise économique par la réduction de la pauvreté et le développement du marché du travail que sur sa capacité à incarcérer les organisations criminelles qui bénéficient d’appuis certains au sein même de l’État depuis plus d’une décennie.

[1] L’Équateur est un pays où le vote est obligatoire pour une majorité des citoyens et citoyennes. Il est facultatif pour les personnes équatoriennes âgées entre 16 et 17 ans et celles âgées d’au moins 65 ans, les personnes handicapées et celles analphabètes, les membres en service des forces armées et de la police nationale, les personnes équatoriennes vivant à l’étranger et enfin les personnes étrangères résidant depuis au moins cinq ans en Équateur qui ont fait une demande d’inscription dans le registre dédié.

[2] Pour en savoir plus sur les élections de 2021 en Équateur : Matías Zibell, “ Elecciones Ecuador 2021 : 4 claves para entender la derrota del correísmo”, BBC Mundo, 12 abril 2021. URL : https://www.bbc.com/mundo/noticias-america-latina-56715672[3] La situation en Équateur est même comparée à la grande dépression de 1929 par le New York Times. Voir: EFE, “Ecuador retrocedió diez años en pobreza durante la pandemia, según un estudio”, The New York Times, 28 agosto 2021. URL : https://www.latimes.com/espanol/internacional/articulo/2021-08-28/ecuador-retrocedio-diez-anos-en-pobreza-durante-la-pandemia-segun-un-estudio. Pour une analyse économique plus précise, voir: Redacción Plan V, “ Lenín Moreno: El desempleo y la pobreza fueron de la mano”, Plan V, 21 abril 2021. URL: https://www.planv.com.ec/historias/politica/lenin-moreno-el-desempleo-y-la-pobreza-fueron-la-mano [4] Banco Mundial, , “Ecuador, el país que venció la pesadilla de la pandemia en 100 días”,  Noticias, 18 octubre 2021. URL : https://www.bancomundial.org/es/news/feature/2021/10/18/ecuador-the-country-that-vanquished-the-nightmare-pandemic-in-100-days

[5] ICIJ : "Pandora Papers : la plus grande enquête de l'histoire du journalisme révèle un système financier fantôme qui profite aux plus riches et aux plus puissants du monde". URL : www.icij.org/investigations/pandora-papers/

[6] Yalilé Loaiza,  “Ecuador: 4 claves para entender la primera movilización masiva contra el gobierno de Guillermo Lasso”, Infobae, 26 octubre 2021. URL: https://www.infobae.com/america/america-latina/2021/10/26/ecuador-4-claves-para-entender-la-primera-movilizacion-masiva-contra-el-gobierno-de-guillermo-lasso/ [7] Sara España, “Ecuador archiva las investigaciones contra Lasso por los ‘Pandora Papers’”, El País, 8 diciembre 2021. URL : https://elpais.com/pandora-papers/2021-12-08/ecuador-archiva-las-investigaciones-contra-lasso-por-los-pandora-papers.html?event=go&event_log=go&prod=REGCRART&o=cerrado [8] Redacción, “Protestas en Ecuador: 3 claves para entender las manifestaciones de grupos indígenas y el estado de excepción decretado por el gobierno”, BBC Mundo, 18 junio 2022. URL: https://www.bbc.com/mundo/noticias-america-latina-6185494

[9] On compte 10 revendications : la baisse du prix de l’essence, un moratoire du système financier afin que les familles arrivent à payer leurs dettes, des garanties en termes d’emploi et de droit du travail, des prix justes pour les productions paysannes, une interdiction de l’exploitation minière sur les territoires indigènes, le respect des droits collectifs, pas de privatisation des services stratégiques (publics), le développement de politiques pour contrôler la spéculation des prix, une augmentation des budgets pour la santé et l’éducation, et des mesures pour améliorer la sécurité.

[10] “La oleada de violencia del narcotráfico en Ecuador”, International Crisis Group, 4 noviembre 2022. URL: https://www.crisisgroup.org/es/latin-america-caribbean/andes/ecuador/ecuadors-high-tide-drug-violence [11] Pour en savoir plus: Ana María Cañizares, “Guillermo Lasso reconoce la derrota en el referendo y el correísmo gana terreno en Ecuador”, BBC Mundo, 7 febrero 2023.URL : https://cnnespanol.cnn.com/2023/02/07/guillermo-lasso-reconoce-derrota-referendo-correismo-gana-terreno-ecuador-orix/[12] Arturo Torres and Samantha Schmidt, “After dissolving legislature, Ecuador’s president says he’s leaving, too”, The Washington Post, 19 May 2023. URL: https://www.washingtonpost.com/world/2023/05/19/guillermo-lasso-interview-ecuador/

[13] Franklin Ramírez, « Guillermo Lasso y la “muerte cruzada” en Ecuador », Nueva Sociedad, mayo 2023. URL : https://nuso.org/articulo/ecuador-lasso-muertecruzada/

[14] Catalina Oquendo, “El alarmante incremento de migrantes ecuatorianos cruzando por el Darién”, El País, 13 enero 2023. URL: https://elpais.com/america-colombia/2023-01-13/el-alarmante-incremento-de-migrantes-ecuatorianos-cruzando-por-el-darien.html 

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