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Billet de blog 4 août 2025

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Climat : l’Union européenne face à Trump, de la résistance à la reddition

En 2017, lorsque Donald Trump annonçait que les États-Unis se retiraient de l’Accord de Paris, l’UE, loin de se laisser dicter sa conduite, s’était affirmée comme un rempart face au climato scepticisme trumpiste. Six ans plus tard, l’UE semble plier sous pression. Elle devrait pourtant se rappeler qu’elle a su faire face, qu’elle a résisté.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En 2017, lorsque Donald Trump annonçait que les États-Unis se retiraient de l’Accord de Paris, l’Union européenne avait tenu bon. La France avait répliqué par un retentissant « Make our planet great again », et l’UE, deux ans plus tard, lançait le Green Deal européen pour faire de la neutralité climatique son cap politique central. L’UE, loin de se laisser dicter sa conduite, s’était affirmée comme un rempart face au climato scepticisme trumpiste.

Six ans plus tard, l’UE semble plier sous pression. Il y a quelques jours, le président américain annonçait fièrement que l’Union s’était engagée à importer pour 750 milliards de dollars de gaz et pétrole américains, dans le cadre de l’accord sur les droits de douane.

Un engagement ni crédible, ni tenable

Cet engagement n’a pourtant aucun fondement solide. Techniquement, il est irréaliste : les montants évoqués sont près de trois fois supérieurs aux niveaux actuels d’importation de GNL états-unien, et semblent impossibles à atteindre même si l’Europe substituait l’ensemble de ses importations russes ou qatari par du gaz américain. Cela supposerait aussi que les gouvernements européens puissent imposer des décisions d’achat directes à des acteurs privés ou renégocier des contrats existants – ce qui va à l’encontre du fonctionnement actuel du marché énergétique.

Politiquement, c’est une impasse. Même les gouvernements les plus rétifs à l’ambition climatique savent que le coût élevé de l’énergie est un sujet hautement inflammable pour leur électorat. Or, c’est bien notre dépendance au gaz et plus spécifiquement les prix élevés du gaz naturel liquéfié importé, qui ont contribué à faire grimper les factures ces dernières années. Miser sur le GNL américain, l’une des sources fossiles les plus chères et les plus polluantes, revient donc à parier contre la transition énergétique… et contre le pouvoir d’achat. Ce « deal » ne tient ni économiquement, ni politiquement.

Un abandon assumé des objectifs climatiques européens

Ce n’est pourtant pas un accident. Depuis des mois, l’Union européenne recule sur tous les fronts. Sous l’effet des pressions américaines, mais aussi des lobbys industriels et financiers, la Commission a vidé de leur substance plusieurs textes emblématiques sur le climat, l’environnement et les droits humains, adoptés entre 2019 et 2024, comme la directive sur le devoir de vigilance ou la CSRD sur le reporting extra-financier. Ces textes devaient faire de l’Europe un leader de la transparence et de la responsabilité des entreprises. Ils sont aujourd’hui réduits comme peau de chagrin.

Et ce que Donald Trump n’avait pas réussi à faire lors de son premier mandat – affaiblir l’architecture réglementaire européenne sur le climat – semble aujourd’hui en passe d’être accompli… avec la complicité active de Bruxelles.

L’Union européenne pourrait apprendre… d’elle-même

L’UE devrait pourtant se rappeler qu’elle a su faire face, qu’elle a résisté. C’est elle qui a conçu et adopté le paquet « Fit for 55 », c’est elle qui a su fixer une trajectoire ambitieuse de réduction des émissions. C’est cette vision qui a permis à l’Europe de réduire de 20 % sa consommation de gaz depuis 2021, grâce aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. Et c’est cette même vision qu’elle doit défendre aujourd’hui, face à Donald Trump comme face aux intérêts à court terme.

Continuer de céder, c’est renier ses propres engagements, ses intérêts, et sacrifier l’avenir des Européennes et Européens.

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