Quand Le Pen père a devancé Lionel Jospin, ce dernier était donné favori par les sondages, la presse et les politologues bien en cour. A l’exception de Mme Chirac, personne n’avait vu venir ce coup de tonnerre dans un ciel serein qui depuis s’est transformé en un orage qui ne cesse de s’étendre. L’Humanité se félicitait de la politique du gouvernement à participation communiste.
J’avoue volontiers ne pas avoir à l’époque prêté assez attention aux camarades qui m’alertaient sur le nombre de privatisations effectuées. Certes, j’avais bien remarqué que Claude Allègre était un curieux ministre de l’Education nationale de gauche plus occupé à réduire le nombre de profs que celui des élèves par classe. Entré au gouvernement auréolé d’une réputation de grand scientifique, l’entendre dans les médias afficher qu’il ne croyait absolument pas au réchauffement climatique avait de quoi surprendre bien des climatologues. Par chance, le ministre de la Santé croyait encore à la vaccination, ce qui depuis est contesté par certains soignants. La société du bon sens n’épargne même plus Pasteur.
Bien avant le 7 octobre, Mélenchon bénéficiait déjà d’un tout autre traitement. Avant le deuxième tour de l’élection présidentielle en 2022, alors que la presse disposait de derniers sondages qui montraient que Marine Le Pen pouvait être éliminée, tous les journaux dans une belle unanimité expliquaient le contraire. Quelles leçons ont été tirées de cet épisode ? Qu’il fallait faire plus pour démolir Mélenchon.
Depuis, il est devenu antisémite, complice du terrorisme du Hamas et fauteur de défaites électorales. Il porterait la poisse, notion qui relève plus de l'émotion que de la politique. Le pathos d'Aristote. Qu'on me pardonne cette facilité dans l'air du temps. Un prochain best-seller de l’édition, « La Meute », lui est consacré. Il est déjà publié en livre de poche alors que de grands auteurs attendent des années pour bénéficier de cet honneur et que certains n’y parviennent jamais. Ses deux auteurs restent de grands inconnus tandis qu'ils font la tournée des plateaux de télévision. Constatons que ce mystère intrigue peu. L’élite intellectuelle est comme chloroformée. Le populisme d’extrême droite aussi.
Que ceux qui se préparent à m’accuser de rouler pour l’Insoumis prennent la sage précaution de critiquer comme je le fais ses choix politiques, les seuls qui m’intéressent. Curieusement, il en est bien peu question. Son intimité, ses coups de colère passionnent davantage. Toujours ce pathos d'Aristote.
Olivier Faure, François Hollande, Jérôme Guedj, Raphaël Glucksmann, Fabien Roussel, Catherine Tricot, Raquel Garrido chantent en cœur : « Plus jamais avec Mélenchon ! ». Les gauches sont durablement divisées. Le plus bel avenir est promis à la droite et à l’extrême droite. Retailleau s’y voit déjà. Gaza se meurt. Les larmes de crocodiles coulent à flots. L'opinion est préparée à une guerre avec la Russie. C'est sûr, avec la défense européenne, on va la gagner ! Et l’ami Pierre Cours-Salies va encore m’accuser de tout mélanger. Cela permet pourtant parfois de dégager quelques cohérences que le bon sens avait occultées.