Le lien n'est pas encore établi entre la magnifique mobilisation unitaire conduite par l'intersyndicale et les élections européennes de 2024. Or ces dernières seront la première consultation nationale, à la proportionnelle, qui interviendra après un mouvement d'une ampleur, d'une durée et d'une détermination peu habituelles.
Un mouvement qui, certes, n'a pas permis de gagner mais qui a profondément et durablement marqué les consciences. Nos concitoyens, comme jamais, ont fait l'expérience d'un président qui utilisait les institutions de la Ve République pour bafouer de son autoritarisme et de sa morgue une exigence populaire partagée par l'immense majorité d'entre eux.
Jamais cette Ve République n'avait été contestée à ce point. Jamais l'exigence démocratique avait atteint un tel niveau. Rien de cela n'a été oublié. Par le peuple d'abord, mais aussi par Emmanuel Macron et la classe sociale qu'il sert. Il y a laissé le peu de légitimité qu'il avait conservée après des élections législatives qu'il a perdues. Son obsession est d'en retrouver suffisamment pour achever le travail pour lequel il a été élu jusqu'à la fin du quinquennat.
Il y a urgence pour lui car l'intersyndicale et son unité sont de retour.
Ce qui permet à nos compatriotes d'assister à la prestation inédite d'un président de la République en campagne électorale permanente alors qu'il ne sera pas candidat en 2027. Au passage, ils mesurent combien les médias dominants participent au spectacle, au risque de perdre le peu de crédibilité qui leur reste.
Pour ce chef de l'Etat méprisant, cynique et manipulateur, les élections européennes qui arrivent peuvent être une planche de salut. Ce qu'il vise, ce ne sera pas le nombre de députés européens obtenus par la liste Renaissance, dont il n'a que faire. Il faut qu'elle arrive en tête ou en deuxième position derrière celle du RN pour atteindre les objectifs politiques qu'il a fixés aux résultats d'une élection qui habituellement ne mobilise pas les foules. Il faut qu'il retrouve la configuration électorale des deuxièmes tours des élections présidentielles qu'il a remportées, face à sa partenaire habituelle.
S'il y parvenait, nos concitoyens savent parfaitement à quels méfaits s'emploierait ce président à la crédibilité retrouvée.
Mme Le Pen, sans ne rien dire ou presque, poursuit exactement la même stratégie.
De l'Union européenne, le RN en parlera le moins possible. De l'élection présidentielle de 2027, il en parlera beaucoup car il estime, non sans raisons, que cette fois il peut la remporter. Toutes les autres listes dissimuleront soigneusement les enjeux réels du scrutin de peur de mobiliser des électeurs que beaucoup espèrent voir rester à la maison.
Mais que le sortant soit obligé de sortir a ouvert prématurément la boîte de Pandore. Les prétendants se bousculent au portillon. Chaque jour qui passe en annonce un nouveau, y compris au Parti communiste français. Cela a pour conséquence d'établir des liens objectifs qui n'existaient pas les fois précédentes entre l'élection présidentielle et les élections européennes.
Ces dernières se voit conférer des enjeux politiques de haut niveau qui dépassent largement ceux de la composition d'un Parlement européens aux pouvoirs très limités dont on sait déjà qu'il ne sera pas animé d'une volonté transformatrice tant y dominent les partisans de l'ordre existant, l'ordre capitaliste. Pire puisqu'y est attendue l'arrivée d'un wagon de députés européens d'extrême droite comme nous l'avons connue pour l'Assemblée nationale.
A gauche, à quoi pensent les partis alliés dans la Nupes ?
On ne peut faire l'injure à leurs dirigeants de préférer la division parce qu'ils ignoreraient ce que je viens d'énoncer. Non, ils le savent parfaitement, mais ils le redoutent. Cela ne correspond pas aux trajectoires qu'ils ont définies dans leurs congrès respectifs. Or les logiciels des appareils des partis ne sont pas programmés pour rechercher les conditions qui permettraient au pays de sortir du marasme qu'il connaît, confronté à des crises sociale, démocratique, politique, environnementale, sanitaire, culturelle et morale qui appellent comme jamais de profondes transformations. Ils sont programmés pour permettre à chaque parti d'être devant les autres, ses alliés. Comme si ça ne dépendait pas de l'appréciation portée sur la qualité de leur action et de leur comportement, au regard de ce qu'en attendent celles et ceux qu'ils espèrent séduire.
J'emploie ce verbe à dessein tant il me semble correspondre à ce qu'est devenue l'activité politique, un objet de consommation dans une société qui en fait encore le but de toutes les espérances, alors que le dérèglement climatique impose de la considérer autrement.
Etre hégémonique, au sens gramscien du terme, les partis politiques estime que pour y parvenir l'obligation de pouvoir se compter est incontournable lorsque ce n'est pas de gagner un scrutin qui est leur ambition. Dès lors s'installe le postulat de la division qui ne saurait donc être ramenée à une unique question d'égo. Le venin du sectarisme voit tous les prétextes employés pour sans cesse être alimenté afin de maintenir le plus de raisons possibles de ne pas se rassembler. Se trouve entretenu du même coup ce que le pouvoir active en permanence pour se protéger de ce qu'il redoute le plus, l'unité du camp d'en face.
La division qui fait perdre, qui dégoûte de la politique et qui conduit à être à contre courant des deux exigences inséparables qui dominent dans le monde du travail et de la création, l'exigence démocratique et l'exigence unitaire. On les retrouve toutes les deux dans l'ambition des militantes et militants qui cherchent à convaincre celles et ceux qu'ils côtoient qu'ils ont la force, rassemblés, d'inverser le cours des choses dans le sens de la réalisation de leurs espoirs.
Les jeunes de la Nupes les portent avec courage et fierté.
L'avenir est de leur côté.