Sur BFM-TV, l’horrible « Barbares » de Bruno Retailleau n’a pas horrifié Fabien Roussel. L'aurait-il repris ? "Pas forcément", répond-il au journaliste. Cela m’a profondément choqué. Fabien est mon camarade puisque nous sommes membres du même parti. Il en est même le secrétaire national élu et réélu à des majorités écrasantes. Mon point de vue est donc infiniment minoritaire dans mon parti. Je ne l’ignore pas et suis conscient que je vais choquer en écrivant ce que pense. Mais Fabien a bien exprimé publiquement une opinion que personne ne partage à gauche. Seule Marine Le Pen a pu s’en réjouir.
Il a la chance de souvent s'exprimer à la télévision. Fréquemment, j'en éprouve un sentiment de honte. Je l'écris pour que mes proches et mes voisins ne puissent pas penser que je partage ses saillies, sinon, je ne pourrais plus réaliser d'adhésions. Je le fais jusque sur les réseaux sociaux. Horreur ! Mais qu’on me pardonne, les micros ne se tournent pas vers ma modeste personne. Ce n’est pas une raison suffisante pour que je me taise. La loi du silence qui entoure le veau d’or de la société capitaliste, ça suffit !
Cela ne fait pas de moi un militant de LFI. Je reste le communiste qui a rejoint le PCF en mai 1968. Mes camarades, persuadés que Fabien Roussel qu'ils voient souvent à la télé a ressuscité notre parti, ce qui peut parfaitement s’admettre, me considèrent comme leur adversaire et veulent à tout prix faire de moi un supporter de l'Insoumis. Insoumis, je me suis toujours efforcé de l’être et j’enrage encore que Jean-Luc Mélenchon ait pu en préempter le titre. Il aurait si bien convenu à un parti communiste digne de ces deux beaux adjectifs.
Adversaire, j'exagère encore. Peut-être pas car il y a peu encore Mélenchon était notre allié. Il a même été notre candidat à l'élection présidentielle. Si le PCF a encore un groupe à l'Assemblée nationale, il le doit aussi à Mélenchon, au Nouveau Front Populaire, à son projet commun. Les écologistes, les socialistes peuvent en dire autant. Si pendant dix ans, le PCF n'aura pas de député européen, il le doit à l'absence de cette unité, choix délibéré de mon parti, du PS et des Verts. Le RN en a bien profité et est désormais le premier parti de France.
Depuis mon adhésion, j'ai appris que l'on pouvait être communiste sans être membre du PCF. J'ai même pu constater que ces derniers étaient bien plus nombreux qu'on ne le croit. Dans ces conditions, alors que nous sommes de moins en moins nombreux et de plus en plus âgés au PCF, pourquoi vouloir m'en faire sortir ? Pour faire baisser la moyenne d'âge ? Le plus sûr moyen serait d'attirer des jeunes. Ce qui nécessiterait d'être en harmonie avec leurs aspirations et attentes. Pour eux, à écouter Fabien Roussel, nous appartenons à un autre siècle, celui qui a vu s'effondrer ce qui n'était pas du communisme, que la bourgeoisie, voit aujourd'hui dans la Chine ou la Corée du Nord. Certains, très imaginatifs, le reconnaissent même chez Poutine. C'est dire combien le communisme peut s'accommoder à toutes les sauces jusqu'à faire disparaître le goût de ce que Marx et Engels avaient imaginé.
Pas plus que le socialisme, le communisme n'a jamais existé. Le post capitalisme reste à construire. Il ne sera pas l'œuvre d'un parti politique mais celle d'une majorité de femmes, d'hommes, de jeunes qui, en conscience, en partageront l'ambition. Elles et ils ne le feront que s'ils ont acquis la conviction qu'ils maîtriseront de bout en bout le processus, jusqu'à disposer du pouvoir de le stopper s'il ne répondait pas à leurs espoirs. Chat échaudé craint l'eau froide.