Beaucoup vilipende le désir d’hégémonie de Mélenchon. Mes camarades communistes ne sont pas les derniers à le faire. Pas les seuls non plus.
Je m’en étonne car ce désir me semble partagé par tous les autres dirigeants de partis politiques. A la différence qu’à gauche, l’Insoumis a pris quelques longueurs d’avance.
Ses alliés y ont beaucoup contribué en faisant de lui, à certains moments décisifs, la seule personne capable d’incarner des aspirations profondes du peuple de gauche et d’une partie de la jeunesse. Ses concurrents, pour se différencier, apparaissant comme les abandonnant.
Qualifier le phénomène de « vote utile » peut rassurer un temps mais ne change rien à la perception qu’en ont les progressistes. Ce fut particulièrement vrai quand, à la possibilité d’éliminer la « fasciste propre sur elle », fut préférée la division, la répétition exécrée de son duel avec Macron et la victoire de ce dernier. Il y a bien d’autres exemples.
Tous les partis politiques espèrent voir leurs idées devenir hégémoniques dans la société, ce n’est pas un scoop puisque c’est leur vocation. Quand Olivier Faure se prononce pour l’unité aux élections européennes, il espère que ce choix, qu’il suppose majoritaire dans l’électorat de gauche, contribuera à modifier l’image de son parti dans l’opinion et qu’il en tirera profit pour la suite.
Mélenchon, qui est le contraire d’un naïf, espère que l’unité, condition sine qua non pour arriver en tête aux élections européennes, crédibilisera une candidature unique de la Nupès à la prochaine élection présidentielle dont il n’a sans doute pas renoncé à être l’heureux porte-drapeau.
La belle affaire !
A quoi croyez-vous que pensent Fabien Roussel, Marine Tondelier, Emmanuel Macron, LR ou le RN ? A sortir grandis de la première élection nationale qui arrive pour voir leurs stratégies respectives confortées, sans pouvoir exclure qu’elles soient au contraire sanctionnées.
Le secrétaire national du PCF joue la validité ou non de l’affirmation d’une identité très déconcertante. Celle des Verts ne veut pas laisser passer l’occasion d’une élection qui est la seule qui lui soit favorable. Elle ne tentera pas l’expérience à la présidentielle, c’est promis !
Emmanuel Macron, qui ne peut pas se représenter, cherche à retrouver une légitimité largement perdue sur l’autel des retraites et de la révolte des banlieues, pour finir en beauté son quinquennat…aux yeux des forces qui l’ont porté au pouvoir.
La droite, qui ne sait plus où elle habite, se contentera de son éclatante victoire annoncée aux élections sénatoriales.
Quant à l’extrême droite fasciste, raciste, xénophobe et antisémite, il lui suffira d’en dire le moins possible afin de remporter la palme d’or aux prochaines européennes et ainsi franchir une marche supplémentaire dans sa conquête du pouvoir, à l’italienne.
On constatera que dans ce tableau peu glorieux du paysage politique français, il n'y a guère de place pour les préoccupations et espoirs de nos concitoyens, pas plus au plan européen que national.
Quel parti politique se pose la question de savoir quelle serait la stratégie qui permettrait que soient défendus au mieux les intérêts du monde du travail et de la jeunesse à l’occasion d’une élection qui d’habitude ne passionne personne ?
Aucun puisque chacun ne pense qu’à lui et à conquérir une hégémonie de ses idées.
Il en sera ainsi tant que les citoyennes et citoyens ne seront pas les acteurs essentiels de l’activité politique. A en retarder le moment fait prendre de gros risques avec une extrême droite qui voit certaines de ses conceptions devenir hégémoniques au point d’être reprises par nombre de ses adversaires. Gérald Darmanin n’est pas le seul à pratiquer ce genre d’exercice mortifère.
Pour ma part, j’estime que la meilleure solution, de très loin, serait que la Nupès aille unie sur une liste et avec un projet communs aux élections européennes.
A ceux qui prétendent que les divergences seraient trop importantes, je les invite, pour se faire une opinion, à relire les programmes des uns et des autres et les 650 propositions qui rassemblent les quatre composantes de la Nupès. Elles sont bien plus qu’un simple accord électoral depuis que des millions d’électrices et d’électeurs les ont approuvées par leurs votes à l’occasion du premier tour des élections législatives.
Mon parti n’ayant pas encore pris sa décision, je m’efforce, depuis des semaines d’argumenter en faveur de l’unité. Je ne vois pas au nom de quoi je devrais y renoncer au prétexte que Mélenchon, Faure, les organisations de jeunesse, excepté celle du MJCF, y sont favorables.
Bien au contraire. Au nom de l’affirmation d’une identité, pourquoi se couper des travailleurs ? Je m’étonne que mes camarades de parti semblent parfois ignorer combien ce dernier souhaiterait retrouver la position hégémonique qui était la sienne dans la gauche.
Il n’y parviendra qu’en étant perçu par son projet, son activité quotidienne, son comportement unitaire comme capable d’affronter les enjeux colossaux de l’époque.
Il n’en prend pas le chemin puisqu’il a fait le choix de s’opposer à ses alliés au lieu de démontrer que la visée communiste est ce qu’il y a de mieux pour dépasser le capitalisme.
Quelle visée ? Il paraît que ce n’est pas à l’ordre du jour. C’est le secrétaire national de notre parti qui le dit. Par quelle opération du Saint Esprit nos concitoyens décideraient-ils d’engager le processus alors que l’idée qu’ils s’en font est toujours marquée par les crimes commis en son nom au XXe siècle ?
Tant qu’il en sera ainsi, Mélenchon et Faure auront quelques longueurs d’avance dans la course à l’hégémonie des idées. Marine Le Pen aussi. En Chine ou en Corée du Nord, la question ne se pose pas.