Sur les réseaux sociaux, des adhérents du parti communiste français expriment leur joie d'être enfin débarrassés de la Nupes. 93% des participants à leur organisme national de direction en ont pris la décision ce 15 octobre, sur proposition de Fabien Roussel.
Ses efforts, qui remontent au lendemain de sa signature de l'accord fondateur, sont enfin récompensés. Après avoir porté la jeune alliance sur les fonts baptismaux, il signe son acte de décès.
N'auront été surpris que celles et ceux qui, de plus en plus nombreux, suivent de loin une actualité politique qui, il est vrai, n'a rien de passionnante.
On aura sablé le champagne Place du Colonel Fabien et Fabien n'aura pas été le dernier à faire sauter les bouchons.
A l’Elysée aussi on aura sans doute trinqué.
Parmi ces camarades tout à leur bonheur, certains manifestent une pointe d'inquiétude. D'expérience, ils savent que la question de la responsabilité de ce choix délibéré va prendre une importance politique grandissante dans le monde du travail et de la création.
Ils savent même que cette fois, il sera plus difficile de faire porter le chapeau à d'autres tant les faits apportent une réponse qui semble évidente.
Pour tenter de prendre le coup d'avance, il ne leur reste qu'une solution, crier partout que c'est la faute de Mélenchon !
Cela tombe bien, puisqu'il est la bête noire de la classe politique et du pouvoir macronien depuis des années. Jusqu'à conduire un chanteur, ami de Robert Hue, à souhaiter publiquement que "ces gens-là (soient) dégommés" !
Or, les obsèques ne se sont pas déroulées tout à fait comme prévu.
Certes, l'objectif est atteint, mais le chemin pour y parvenir a été quelque peu perturbé.
La direction du PCF, pour masquer son rôle décisif dans la rupture, espérait qu'elle soit entérinée avant elle par le PS et les Verts. La question centrale de la responsabilité était déjà anticipée.
Un grain de sable, qui peut prendre rapidement l'aspect d'une montagne, est inopinément apparu.
Les Verts n'ont pas voulu entonner la marche funèbre et le PS a retardé sa décision.
Il est vrai que Olivier Faure est confronté à un choix cornélien. Soit, pour conserver son mandat de premier secrétaire, il cède aux hollandais qui lui ont passé la corde autour du cou et se sont alliés pour le faire, par l'intermédiaire de Carole Delga, avec la direction du PCF, soit, au contraire, il affiche sa volonté de conserver une alliance à laquelle son parti doit sa miraculeuse résurrection.
Dans un cas, il sera en sursis après avoir scié la branche sur laquelle il est assis, celle de la rupture avec les années Hollande-Valls-Cazeneuve qui n'ont pas vraiment la cote dans le peuple de gauche et de l'écologie, encore moins dans la jeunesse. Soit, dans un autre cas, il peut espérer disputer à l'Insoumis le drapeau de la recherche de l'unité des forces de progrès en assumant une rupture nette avec le macronisme. La décision qui fâche ayant été prise par le PCF, l'aventure peut peut-être être tentée.
Comme nous sommes loin des enjeux cruciaux de l'époque. Loin des attentes et des espoirs des millions d'électrices et électeurs qui, lors des dernières élections législatives, ont élu une ou un député communiste, socialiste, insoumis et écologiste parce qu'ils étaient unis dans la Nupes sur un projet de gouvernement comportant plus de 600 propositions communes !
Un projet qui avait même listé les questions sur lesquelles subsistaient des divergences, avec la volonté de les surmonter. Qu'elles soient devenues irréconciliables comme on dit d'un chien que l'on veut tuer qu'il a la rage, les jeunes de la Nupes ont démontré le contraire en adoptant un projet commun pour les européennes de 2024.
"Taisez-vous !" leur enjoignent leurs ainés alors que ces jeunes des Verts, du PS, de LFI et de Génération.S veulent tout faire pour barrer la route du pouvoir à l'extrême droite et empêcher un monarque méprisant, cynique et autoritaire de se refaire une santé.
La jeunesse ne serait donc plus l'avenir du monde ?
Ce 15 octobre aura vu aussi la direction du PCF confirmer que les adhérents n’auront à se prononcer que sur le choix du porte-drapeau communiste, Léon Deffontaines.
D’ici-là, en novembre, le suspense sera insoutenable.
Le secrétaire national du PCF, aux yeux du peuple de gauche, sera l’incontestable premier responsable de la mort d’une alliance qui lui avait redonné de l’espoir. Les félicitations et les encouragements qu'il reçoit de la macronie, de LR et de la bourgeoisie ne vont pas l'aider à démontrer le contraire.
Un vide va apparaître et sauter aux yeux de beaucoup.
La Nupes est remplacée par…rien du tout.
Je crains que cela pèse sur l'intersyndicale et sa précieuse unité.
Redoutable vide à gérer quand le RN s’apprête à faire un carton après le deuxième assassinat d’un prof en trois ans. Quand aussi le président espère retrouver une légitimité largement perdue dans le passage en force de sa réforme des retraites.
Le résultat des européennes va en accélérer la prise de conscience.
Redoutable responsabilité surtout que reviendra très fort sa candidature à la présidentielle que Fabien Roussel a annoncée très tôt, comme les autres postulants. Pas évident que le monde du travail veuille partir perdant d’une élection annoncée gagnable pour Mme Le Pen.
Le coup de grâce porté à la Nupes l’a été à partir de l’exploitation d’un mot, terrorisme, dans la sidération provoquée par les crimes contre l’humanité du Hamas. Le vote de caractère soviétique d'un CN à participation plus que moyenne compte tenu de l'importance de l'ordre du jour, est à mettre en premier lieu à l’actif d'Emmanuel Macron et des médias.
La décision prise n'est pas l'émanation d'un choix de congrès contestent des miliants communistes partisans de la recherche constante de l'unité des travailleurs, sur des projets transformateurs, au plan syndical comme au plan politique.
Cela nous en dit beaucoup sur ce qu’est devenue l’activité politique et sur le rôle que jouent les moyens d'information dans la formation de l’opinion.
Plus que jamais, l’avenir appartiendra à ceux qui sont obsédés par la nécessité de faire passer le centre de gravité de la politique des partis aux citoyens eux-mêmes. Avec ceux, divers, qui ne font pas de la conquête de positions électorales la finalité de leur engagement.
Travailler au dépassement du capitalisme est beaucoup plus important. Or, cela n'a jamais été aussi urgent lorsque lucidement a été appréciée l'évolution d'un capitalisme mondialisé qui conduit le monde et sa biodiversité à leur perte.
Pour que conquêtes électorales et dépassement de l'ordre capitaliste existant puissent se réconcilier, il faut que ce dernier ne soit pas ranger au rayon des accessoires L'une et l'autre peuvent aller de pair si les premières ne renvoient pas le second à des idéaux inaccessibles.
Qu'il fut noir ce dimanche 15 octobre, avec l'enterrement de la Nupes et la défaite d'un point de nos chers Bleus !