Lucien Atencia

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Billet de blog 17 mars 2022

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Un enjeu considérable.

Alors que tout paraissait déjà joué. Stop ou encore ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le processus de décomposition/recomposition des formations politiques en cours a l'objectif d'organiser à terme la vie politique entre deux formations. Le capitalisme a un besoin impérieux d'entretenir l'illusion qu'il existe une alternative à la politique menée et que les citoyens ont le pouvoir de choisir celle qu'ils préfèrent grâce au suffrage universel.

Pour éviter toute mauvaise surprise, les constitutions et lois électorales sont concoctées pour, en même temps, entretenir l'illusion et maîtriser le résultat des scrutins. Ainsi, le vote utile dont il est beaucoup question, à tort en l'occurrence, n'a été inventé par personne. Il est la conséquence de l'élection présidentielle au suffrage universel à deux tours avec seulement deux candidats qualifiés pour le second.

Les lois électorales sont modifiées, perfectionnées chaque fois qu'apparaît un risque d'y perdre pour l'oligarchie.

Ainsi en a-t-il été de l'inversion des scrutins inventée par Lionel Jospin pour que le résultat des élections législatives soit conforme à celui de la présidentielle, évitant ainsi toute cohabitation.

Avec pour conséquence un Parlement réduit plus ou moins à un rôle de chambre d'enregistrement et des députés qui souvent apprennent le soir à la télévision ce que le lendemain ils auront à voter. 

L'illusion démocratique aurait été rompue si un candidat bien placé dans les sondages n'avait pas obtenu les promesses de parrainages nécessaires. Ce n'est pas au profit d'un candidat qu'est intervenu François Bayrou mais pour sauver l'illusion démocratique en péril.

Elle subit actuellement une secousse lorsque le monarque refuse de débattre avec ses adversaires et présente son programme dans une conférence de presse de trois heures. Au Palais, on étudie déjà d'éventuelles conséquences dans les mois qui viennent.

Dans certains partis, on attend le moment de pouvoir en faire autant et d'être en mesure d'annoncer chaque jour une mesure sociale jusqu'ici refusée, claironnée par tous les médias, avec une entrée en vigueur...après les élections !

Les chefs d'Etats peuvent être très opposés à la constitution et aux lois électorales quand ils sont dans l'opposition et les appliquer avec zèle une fois élus puisqu'elles assurent leur pouvoir et l'illusion qu'il leur a été démocratiquement confié.

De gros problèmes apparaissent quand les alternatives politiques proposées se ressemblent tellement que l'illusion s'estompe et que les citoyens s'en éloignent d'autant. Que dire quand l'on passe aussi aisément d'une responsabilité ministérielle au conseil d'administration d'un groupe du CAC 40 et inversement.

Le phénomène est aggravé quand certaines idées grandissent dans la société en donnant le sentiment qu'elles n'ont pas voix au chapitre dans les institutions et les élections.

Dès lors, la rue devient un danger pour le pouvoir des oligarques comme l'ont montré les Gilets jaunes ou encore les récentes manifestions en Corse.

Le moment est donc venu de perfectionner le système, toujours avec les mêmes impératifs : entretenir l'illusion démocratique et garantir que ce soient toujours les mêmes qui gagnent.

Macron a déjà fait une partie d'un travail commencé par ses prédécesseurs avec une phase de décomposition des partis politiques de plus en plus inscrite dans l'acceptation générale de la société du marché capitaliste, ce qui affaiblit la portée de l'illusion démocratique avec des opposants qui, venus de tous bords, rejoignent la majorité et d'autres qui piaffent d'impatience de le faire.

Mais attention, il y a danger quand tout le monde ressemble à tout le monde et que la force montante, l'extrême droite, apparaît comme exclue de la mécanique institutionnelle. D'où l'idée de réorganiser l'illusion démocratique avec une alternance entre deux formations politiques qui, à tour de rôle, d'accord pour admettre l'éternité du capitalisme, occuperaient les palais présidentiels au service de ce dernier.

L'une irait de l'actuel parti socialiste à la partie de la droite restée fidèle à Jacques Chirac, l'autre engloberait l'autre partie de cette droite et celle de l'extrême droite qui n'a cessé de militer pour ce rapprochement.

Il n'y a que les aveugles pour ne pas voir que le phénomène s'accélère avec ces élections de 2022 et leurs mouvements quotidiens de personnalités d'un camp à l'autre, même si certains continuent de raisonner comme si de rien n'était. Peut-être ont-ils repéré dans ces bouleversements une place pour une force politique de transformation sociale ?

Il est donc clair que si l'élection présidentielle a déjà son vainqueur, la victoire pour lui ne serait totale que dans la mesure où elle lui permettait de franchir une nouvelle étape du processus de décomposition/recomposition politique.

Toutes les formations politiques concernées y semblent disposées. Qu'en est-il des électrices et des électeurs ?

Ils auraient la possibilité d'y mettre un coup d'arrêt en tarissant ce qui alimente le dispositif : la substitution à l'opposition gauche/droite du "droite et gauche en même temps" qui n'est que de la droite ajoutée à de la droite, pimentée d'extrême droite. Un préfiguration des deux formations politiques finales.

Faut-il faire un dessin de ce qu'il adviendrait si, par chance, au deuxième tour, Emmanuel Macron devait affronter un candidat de gauche au lieu de la sinistre Marine Le Pen. Un enjeu considérable alors que tout paraissait déjà joué. Stop ou encore ? 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.