L'enjeu politique des prochaines élections européennes sera d'un niveau beaucoup plus élevé que celui des précédentes.
Traditionnellement, ce scrutin, qui aura lieu en 2024, est marqué par une forte abstention et mêle des considérations nationales et européennes, dans des proportions largement déterminées par le contexte politique et social du moment.
Des sondages commencent à être publiés. Les partis en commandent d'autres qui ne le sont pas et font tourner les ordinateurs. Bref, de ce côté là les enjeux ne sont pas négligés et s'y préparer ne s'oppose pas à la poursuite de la lutte contre le projet Macron de réforme des retraites.
S'il en est ainsi, on le doit au fait que cette fois, les élections européennes seront un tour de chauffe de la prochaine élection présidentielle, bien plus précoce dans les esprits car le tenant du titre ne peut pas se représenter et qu'il a fait monter par sa pratique monarchique autoritaire des exigences nouvelles sur la fonction elle-même.
Or, ce qui va se jouer, c'est de savoir qui, de l'extrême droite donnée comme favorite, ou de la Nupès, bénéficiera de la dynamique qui permet de devancer la liste du président méprisant très affaibli par sa retraite à 64 ans et celle de LR largement déconsidérée dans l'opinion. Il ne s'agira pas d'obtenir la majorité des votes exprimés mais d'arriver en tête et de bénéficier ou non d'un regain de crédibilité pour les quatre années qu'il reste à Macron à accomplir et aussi pour les prochaines échéances électorales.
Dans quel cas le locataire de l'Elysée et les forces économiques et financières qu'il représente, seront-ils freinés ou non dans la mise en oeuvre d'une politique qui fait tant de mal ? Qui, de la Nupès ou du RN, bénéficiera ou non d'un tremplin pour la prochaine élection présidentielle ? Le résultat ne ferait aucun doute si l'extrême droite avait la chance d'affronter une Nupès éclatée dans plusieurs listes.
Quelle citoyenne, quel citoyen progressiste pourrait accepter que soit pris un tel risque sans réagir ? Encore faudrait-il, bien en amont du vote, lui donner la possibilité de s'exprimer sur le projet et sur la stratégie électorale.
Certes, le PS et LFI ont déjà pris position en faveur d'une liste unique. Avec leurs deux autres partenaires, ils se sont prononcés pour une seule candidature à l'élection présidentielle. Tous ont donc enfin tiré des leçons de la précédente.
A suivre, mais plusieurs candidatures aux européennes et une seule à la présidentielle, il y aurait comme un défaut quand dans les deux cas est en cause la capacité de gouverner le pays face à la même extrême droite fasciste, raciste, xénophobe et antisémite. Sa dédiabolisation orchestrée n'y change rien.
La liste unique peut seule garantir à chaque formation d'obtenir des députés dans des proportions respectueuses de chacune d'entre elle, sinon, l'unité est impossible. C'est l'hégémonie politique de la liste qui doit être visée, pas celle de telle ou telle composante.
Cette garantie a son importance. Ainsi, le PCF n'est plus représenté au Parlement européen depuis presque cinq ans. Dure sanction d'une candidature solitaire. Le Parlement européen est privé de l'apport de députés qui font défaut au groupe de la Gauche européenne. Ce dernier rassemble les élus des partis communistes et progressistes de l'Union européenne. Il est actuellement co-présidé par la jeune insoumise Manon Aubry. Patrick Le Hyaric, ancien directeur de l'Humanité, et Jean-Luc Mélenchon y ont siégé ensemble, adoptant ou rejetant presque toujours les mêmes textes. Cinq ans d'absence supplémentaires sont inenvisageables.
En rester là ne permettrait pas la prise en compte pleine et entière de ce qui domine dans le contexte depuis plus de quatre mois, qui marquera durablement les esprits et qui explique pour une bonne part le caractère inédit de l'enjeu des prochaines élections européennes : une puissante aspiration au changement portée par un mouvement populaire d'une détermination et d'une unité exceptionnelles qui accorde à la dimension démocratique une force qui va jusqu'à la contestation des institutions de la Ve République.
Comment les partis politiques pourraient-ils se contenter de continuer de demander aux citoyennes et citoyens de se rallier à leurs beaux panaches, au pluriel ?
Ils ont beaucoup mieux à faire en offrant à toutes celles et ceux qui le souhaitent la possibilité de s'exprimer, au plan national comme dans les villes, sur le projet et sur la stratégie électorale. Que chaque formation expose honnêtement son point de vue et que les citoyens disent librement ce qu'ils en pensent et ce qu'ils souhaitent. Il y a du temps jusqu'au vote pour le faire, à condition de s'y mettre sans tarder. Les mobilisations sociales ne pourront que bénéficier de ces débats citoyens et les enrichir en retour.
Je dis honnêtement car, à mon sens, on ne l'est pas lorsque l'on reprend à son compte la théorie macronienne des deux extrêmes qui profite à l'extrême droite parce qu'elle masque ce qui fait son horrible spécificité et que l'on prétend qu'un de ses alliés serait pro-Poutine ou pro-chinois. C'est faux et donc cela affaiblit le reste de l'argumentation. On ne peut en même temps prétendre rechercher l'union et inventer des prétextes pour la refuser.
Associer les citoyens à la préparation des élections européennes constituerait un progrès considérable qui contribuerait à la réconciliation de beaucoup d'hommes et de femmes avec l'activité politique, aujourd'hui si déconsidérée.
On ne peut continuer d'accuser Emmanuel Macron de fouler aux pieds la démocratie et persévérer à ne pas la faire vivre quand la responsabilité nous en incombe.
Qui connaît meilleur chemin pour surmonter les obstacles, prolonger le mouvement populaire actuel et refuser de tourner la page, tout en créant les conditions d'une participation électorale supérieure aux prochaines élections européennes ?
Cette proposition est libre de droits.