Lucien Atencia

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Billet de blog 19 juin 2025

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Carton plein.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est au moment où il était le plus isolé par les mobilisations qui montaient du monde entier que Benjamin Netanyahu a fait le choix délibéré de jouer son va-tout. Honneur aux jeunes qui l’avaient contraint à la négociation. La date, le lieu en étaient fixés. Pour lui, toute une stratégie de plusieurs années s’écroulait. La question palestinienne, la cohabitation de deux populations sur un même territoire, leur existence, leur sécurité réciproque allaient enfin faire l’objet de discussions entre les intéressés, sous l’égide des Nations Unies. Tout ce que le criminel de guerre avait imaginé, tout ce pourquoi il agissait depuis tant d’années qui empoisonnait les relations internationales s’écroulait. Bien plus que la menace de la bombe iranienne sortie a posteriori, c’est cette évolution avec pour origine les mobilisations populaires qui ont conduit le premier ministre d’un gouvernement israélien, auquel participent des ministres fascistes, à franchir le Rubicon du droit international et à prendre le risque fou d’une extension du conflit. Jusqu’où ? Nul ne le sait.

Cela n’a été possible que parce que le soutien du principal fournisseur de missiles meurtriers, Donald Trump, celui politique, de l’Occident lui étaient acquis. Ajoutons une raison plus personnelle, Benjamin Netanyahu ne tient pas à finir en prison. Tel est le leader dont s’est doté l’Occident dans cette partie du monde, voie de passage obligée du commerce international, riche en pétrole et en dictateurs arabes avec lesquels le monde dit libre entretient d’excellentes relations. Ces dictateurs ont bien d’autres chats à fouetter que de soutenir la cause palestinienne. Ils ne lèvent un petit doigt en sa faveur que quand leurs peuples se mettent en colère.

Isolé, il y a encore quelques semaines, Benjamin Netanyahu est en passe de réaliser un carton plein. Le peuple juif qui lui faisait porter la responsabilité de sacrifier la vie des otages, qui organisaient de puissantes manifestations, se rassemble désormais derrière lui pour, face à une menace existentielle, élargir à l’Iran une guerre déjà en cours contre le Liban et la Syrie sans qu’il soit question d’enrichissement d’uranium dans ces deux nations. Un copier-coller du mensonge américain sur l’Irak, avec une toute autre réaction de la France. La différence n’est pas dans les causes. Elle se trouve dans les conclusions qu’en tire notre pays et sa diplomatie.

Au moment où elles allaient reprendre, des négociations sur l’uranium iranien, sont stoppées net. L’exacerbation du sentiment national de ce peuple instruit au passé prestigieux progresse au profit des mollahs et au détriment des courageuses femmes iraniennes. Le coup de poker de Netanyahu est un coup de maître qui doit beaucoup à Donald Trump et à la complicité du monde dit libre au premier rang duquel on trouve l’ineffable Emmanuel Macron. Ce dernier s’agite beaucoup à l’international pour compenser l’autorité perdue en France. Il devient l’objet de moqueries dans de nombreuses capitales. Il est un facteur d’aggravation des tensions internationales. Qu’il  est loin le temps où la France non alignée de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin œuvrait pour la paix ! Nous en étions fiers, bien au-delà des clivages politiques habituels.

Le PS, le PCF, le RN redoutant le verdict des électeurs, surtout conservons le plus longtemps possible le duo Macron-Bayrou au rôle si positif. Celui qui alimente le danger de guerre, qui réduit « les crédits publics consacrés au social et au local », qui veut en finir avec tous les conquis du Conseil national de la Résistance. Il n’y a pas que Netanyahu qui soit en passe de réaliser un carton plein. Ici, grâce à un consensus qui il y a quelques années aurait été considéré comme contre nature.

Le RN est devenu le premier parti du pays. Nombre de ses idées sont déjà au pouvoir et inspirent la quasi totalité des partis politiques à droite ou à gauche. En matière de sécurité publique, d’autoritarisme, de rejet de l’étranger, de mépris des jeunes, elles sont souvent majoritaires. La France des Lumières n’existe plus. Prétendre comme « La Meute » que Mélenchon en serait responsable souligne que les adorateurs du veau d’or capitaliste n’ont pas de limites quand il s’agit de le protéger.

Qu’une pudique loi du silence soit maintenue sur ces réalités permet de superbement ignorer que l’extrême droite, qui a compris que sa cheffe, sévèrement condamnée pas plus que son remplaçant n’avaient la moindre chance de briser le nouveau plafond de verre qui suit un verdict amplement mérité, pris en toute indépendance par des magistrats intègres, après que les procédures de recours nationales aient été épuisées.

Le RN, aux capacités d’adaptation bien plus importantes que bien de ses adversaires, a immédiatement changé son fusil d’épaule et ne s’en est pas caché. Désormais, la conquête du pouvoir d’Etat lui impose que son implantation locale devienne sa priorité absolue. Cela tombe bien, la prochaine consultation générale, ce sont les élections municipales.

Qu’à cela ne tienne, la gauche les abordera divisée. Elle accorde plus d’importance à empêcher LFI de s’implanter localement que d’empêcher l’extrême droite d’y parvenir. Les populations subiront les conséquences de ces combats fratricides, de leurs escarmouches permanentes.

Elles sont considérables. Le gouvernement de François Bayrou ne prend même plus la peine de cacher ses intentions. La France vivant au-dessus de ses moyens, surtout dans les quartiers populaires, c’est en priorité aux « crédits publics consacrés au social et au local » qu’il entend s’attaquer. Déserts médicaux, pannes de services publics ont un avenir assuré. A gauche, PS et PCF militent pour conserver au scrutin municipal un caractère strictement local, ce qui permettra aux listes du RN de déployer une habituelle démagogie en se présentant comme des remparts à la politique de François Bayrou que ses députés n’auront pas censurée pour qu’elle puisse se déployer à sa guise.

Et l’élection présidentielle, c’est évident, profitera d’une double dynamique, l’une due au climat de confiance créé par les défaites enregistrées aux élections municipales et l’autre à la peur engendrée par la victoire imminente de l’extrême droite à laquelle cette dernière elle-même ne croit plus. A marcher ainsi sur la tête, il n’y a pas que les jeunes qui vont souffrir d’obsessions existentielles. Les hôpitaux psychiatriques déjà à l’os ne pourront accueillir tous les patients.

Avoir l’espoir de pouvoir vivre sa retraite en bonne santé, l’illusion vient d’en être dissipée. François Bayrou a sifflé la fin de la récré. Qu’un grand parti comme le PS s’y soit laissé prendre en dit plus long sur ses choix de congrès que bien des commentaires. François Hollande, sur France Inter a mis les points sur les i. Au moment de l’adoption de la loi de Finances, la censure était impensable, elle aurait privé les fonctionnaires de leurs rémunérations. Sur la retraite, ce n’est pas non plus le moment, selon l’ancien président de la République le moment le plus propice n’est autre que la discussion budgétaire. Conclusion : si censurer la politique de François Bayrou, il n’est jamais le moment de le faire, on en revient au comportement des députés socialistes qui se déclaraient prêts à abandonner leur droit constitutionnel à censurer un gouvernement en réponse à un 49.3. « Pour une durée limitée, celle pendant laquelle la discussion budgétaire réclame de la stabilité » disaient-ils. Une limitation sans limites pour François Hollande. Ce n’est pas un sujet qui l’oppose à Olivier Faure. Il fait consensus au PS, un peu moins que la détestation de l'ancien allié, LFI. La politique choisie par le dernier congrès  du PS est celle que met en œuvre François Bayrou. Elle est plus proche de celle de Nicolas Sarkozy que de celle de Léon Blum. Le plus grand regret du président condamné aura été de ne pas avoir réussi l’exploit qu’est en train de réaliser le duo Macron-Bayrou, que la haute bourgeoisie attendait depuis près d’un siècle. Pour y parvenir, il lui aura fallu légitimer l’extrême droite et diaboliser une partie de la gauche afin de la diviser profondément. Il n’y a pas que Benjamin Netanyahu qui soit en passe de réaliser un carton plein.

Il se dira beaucoup que les citoyens sont en perte de repères. Beaucoup moins que les partis politiques et le système médiatique y ont une part considérable de responsabilités. Ensemble, la défiance populaire les atteint. Sans confiance, rien n’est possible.

Salut et fraternité.

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