Je crois en effet qu’entre les situations de 2012 et 2017, par rapport à celle que nous vivons à l’approche de ce premier tour, il y a beaucoup de différences dont l'analyse m'apparaît trop négligée.
La première tient au fait que le président sortant espère depuis le premier jour sa réélection, qu’il a un bilan et donc que l’effet de surprise, cette fois, ne jouera pas.
La seconde, c’est que plusieurs candidats ne seront plus là pour la prochaine élection présidentielle. Ce qui a conduit, avec la faiblesse des représentations politiques de la gauche et de l’écologie, les candidats de ce camp à renoncer à jouer la gagne et à se projeter en 2027, en privilégiant leurs intérêts personnels et ceux de leurs partis politiques respectifs.
Situation peu banale, avec en plus un PS en pleine crise d’identité et un PCF toujours bloqué à un niveau électoral faible à cause du plafond de verre dont le souvenir est toujours présent, que maintient ce qu’a été l’échec de l’expérience conduite au XXe siècle au nom du communisme.
A mes yeux, il aurait fallu se métamorphoser quand Georges Séguy et d’autres dirigeants le proposèrent pour s’en dégager. On ne l’a pas fait.
Les cinq années qui viennent de s’écouler auront vu l’extrême droite, en même temps, se scinder et occuper une place centrale dans la vie politique française.
Si elle a permis à Emmanuel Macron de diviser jusqu’à l’implosion à droite et à gauche grâce à des institutions profondément antidémocratiques et à un renforcement de l’autoritarisme d’état, c’est au prix d’une pénétration plus profonde dans toute la société du racisme, de la xénophobie et de l’antisémitisme.
Certes, cela offre la possiblité à Macron de gouverner avec un socle de seulement 25 % de votants et une progression régulière de l’abstention. Cette faiblesse relative, la crainte de mouvements de type Gilets jaunes inquiètent les forces du capital d’autant plus que l’illusion, pour nos concitoyens, selon laquelle nous serions dans une démocratie parlementaire qui permet à une majorité et à une opposition de s’opposer recule au fur et à mesure qu’elles se ressemblent.
Or cette illusion est indispensable à la survie du capitalisme.
S’y ajoute la puissance grandissante prise par des médias et des réseaux sociaux, avec une concentraion qu'incarne l'ogre Bolloré. Tous sont ravis de la disparition, qu'ils entretiennent, d’une conception de la politique fondée sur le raisonnement, la confrontation politique et le pluralisme que remplace une conception dominée par les émotions et le spectacle, de nature à promouvoir une fatalité stérilisante et une perte de confiance dans la chose publique.
Dès lors, monte dans le pays une sensation de blocage désespérante, de fin d’époque qui s’accompagne d'un regain de nostalgie, sans perspective d’en sortir alors que l’humanité est confrontée à d’énormes défis et qu’elle disposerait des moyens d’y faire face.
Situation ressentie comme périlleuse par l’oligarchie qui entend donc accélérer le processus de décomposition/recomposition politique, entamé avant le génial président, avec l’objectif d’un paysage politique réduit, pour réactiver l’illusion démocratique, à deux forces.
L’une rassemblerait ce qui aujourd’hui va de la social démocratie et la macronie jusqu’à la droite chiraquienne. L’autre, la droite de Ciotti et l’extrême droite. L’élection présidentielle en constituerait une étape importante.
Actuellement, sous nos yeux, des figures du PS et de LR retrouvent, en rejoigant Emmanuel Macron, celles qui l'avaient déjà fait en 2017, certaines en occupant depuis des postes clés du pouvoir macronien.
D'autres, venues de la droite, sont en marche vers l'extrême droite fascisante. Pour couronner le tout, la candidate de la droite se prend pour la troisième de l'extrême droite, comme si elle n'avait pas gagné la primaire de son parti !
Si tout cela va au bout, la France sera un pays de l'Union européenne qui aura permis au pire d'accéder à son gouvernement.
Nombreux sont les progressistes qui le sentent ou le pressentent. Cela s’accompagne d’une peur accrue de l’extrême droite, d’une crainte qu’elle accède au pouvoir en 2027, avec le phénomène aggravant que constitue l’entrée en scène d’un candidat qui trouve son inspiration dans les heures les plus noires de notre histoire.
Il redonne force au combat inscrit dans les gènes de notre nation, celui contre le fascisme.
J’ai été amené, sur ce blog, à émettre l’hypothèse que des millions de progressistes, convaincus que la gagne n’est pas possible et si les sondages leur disent qu’ils peuvent y parvenir, feront de l’élimination, dès le premier tour, de l’extrême droite et de la droite la motivation principale de leur vote. Qu'un candidat de gauche, quel qu'il soit, dépasse dans les sondages celle de la droite et une dynamique irrésistible pourra naître.
Ce qui m’a conduit à souhaiter que mon parti, le PCF, les accompagne dans leur quête d'air pur.
J’ai estimé qu’il pouvait le faire sans risque alors que notre candidat, dans la première partie de sa campagne, avait largement pu exposer ses différences dans les médias. Ce qui était le mandat qu’il avait reçu d’une majorité d’adhérents de son parti, qui n'ont à aucun moments imaginé que Fabien Roussel accéderait au second tour et encore moins qu'il deviendrait le président d'un des pays capitalistes les plus développés.
Mes camarades ont la répution d'avoir les pieds sur terre et de se lever plus tôt que d'autres citoyens.
J’ai même considéré qu’en faisant sienne une aspiration très majoritaires chez les électrices et électeurs de gauche, le PCF en serait grandi et que cela se verrait dès les prochaines élections législatives, avec une modification profonde des conditions de nos luttes pendant le prochain quinquennat, plus favorables au monde du travail et de la création.
Le pire, selon moi, serait de ne pas en discuter sérieusement. Pour ma part, je l’ai fait avec des progressistes de ma connaissance, communistes ou pas : la proposition surprend et intéresse à la fois.
Contestez-la pour ce qu'elle est, testez-la autour de vous, si possible sans en déformer le sens. L'enjeu en vaut la peine. C'est du moins ce que je pense.