Jusqu'ici, l'élection présidentielle était celle que nos concitoyens considéraient comme la plus importante puisqu'ils pouvaient y choisir celui ou celle qui pendant cinq ans déciderait de tout, jusqu'au sort réservé aux pourboires des garçons de cafés.
Les institutions de la Ve République, avec l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel et les aménagements qu'elles ont subis, dont l'inversion des scrutins introduite par Lionel Jospin, ont fait de notre République un régime plus monarchique que les pays qui en ont conservé le titre, faute d'avoir fait leur révolution.
Le parlement en a subi une dévalorisation telle que dans de nombeuses occasions, les élus du peuple apprennent, comme tous les citoyens, à la télévision, par la voix du président ou du premier ministre, les décisions de l'exécutif et du conseil de défense sur lesquelles ils sont appelés à se prononcer a posteriori.
Cette dévalorisation frappe tous les autres scrutins au point que de moins en moins d'électeurs y participent. Des records ont été battus lors des dernières élections régionales et départementales, ce qui n'a pas empêché les partis politiques qui avaient des élus sortants d'y voir une manifestation éclatante de leur retour en grâce.
Leur plaisir fut de courte durée, Anne Hidalgo, Arnaud Montebourg, Yannick Jadot et Fabien Roussel en savent quelque chose.
Que des maires, des conseillers départementaux et régionaux soient élus par une minorité de la population n'affole personne. L'important, c'est que ces élus le soient.
Il y a quelques années, il était de bon ton de se gausser ici des niveaux de participation électorale ridicules aux Etats-Unis. Ceux enregistrés avec la victoire de Biden pourraien bien en avril nous faire pâlir d'envie.
L'élève a surpassé le maître.
Déjà, des études mettent en évidence que la campagne électorale en cours est très mal vécue par des citoyens qui n'y retrouvent ni leurs préoccupations ni leurs espoirs d'une vie meilleure. Il faut dire que ce qu'elle leur propose ressemble plus à une partie de billard à plus de trois bandes qu'à une confrontation démocratique visant à dégager des perspectives d'avenir pour eux, leurs proches, le pays, l'Europe, le monde et la planète.
Les sondages quotidiens donnent lieu à des spéculations rarement confirmées par les résultats. C'est encore plus vrai quand circulent des variants qui ajoutent, avec les inquiétudes et les peurs, de l'incertitude à l'incertitude habituelle.
Le président sortant, les candidats, les partis politiques ne sont pas en reste.
Le premier, en campagne pour sa réélection depuis 2017, n'entend pas perdre le bénéfice de tout ce qu'il a entrepris pendant son quinquennat pour se retouver face à la sinistre Le Pen, façon originale de lui faire barrage. Ils sont une majorité de Français à ne plus vouloir participer à ce scénario qui a contribué à ce que progresse l'emprise des idées racistes, antisémites et xénophobes d'extrême droite sur la vie politique et dans la société. Peu importe puisqu'il garantit la victoire au locataire de l'Elysée et aux forces qui le soutiennent.
Sauf si l'autre sinistre, Z, restant à un niveau élevé, affaiblissant d'autant l'éternelle candidate choisie, permet à ...Valérie Pécresse d'espérer atteindre le second tour et avec des chances réelles de sortir le sortant.
Toute la famille politique de cette dernière a les yeux fixés sur les scores attribués à Z. Qu'il descende, que Le Pen en profite et finis les rêves de victoire.
On s'active donc chez LR pour stopper un déclin de Z . Les ralliements de Pelletier, Collard et d'autres y concourent.
Mais ce n'est pas la seule menace. Imaginez que JLM, qui n'est pas si loin, vienne à dépasser la présidente du conseil régional d'Ile-de-France et patatra tout serait remis en cause. Il faut donc faire baisser l'Insoumis. A droite, on espère y parvenir en soutenant Fabien Roussel. Cela tombe bien, certains des choix de campagne du candidat communiste s'y prêtent.
Nous ne serions pas complet sans évoquer les déboires de la candidate socialiste et ceux d'Arnaud Montebourg qui lui a déjà renoncé. Confrontés à la crise d'idéntité de la social démocratie que leur parti continue de nier, ils se heurtent à un mur qui dépasse de beaucoup leurs personnes et qui commence à inquiéter au plus haut point les élus socialistes dans tout le pays.
Quant à Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, il voit d'un très mauvais oeil la bande à François Hollande savonner la planche d'Anne Hidalgo tandis que Manuel Valls fait des offres de services de plus en plus appuyées à Emmanuel Macron. Un score égal ou inférieur à celui de Benoît Hamon se pofile avec un coût financier très lourd et un autre, politique, qui pourrait bien se traduire notamment par la perte de Paris aux prochaines élections municipales.
A moins que la primaire permette certains reclassements pour tenter d'éviter ces noires perspectives pour un parti qui a dominé la vie politique nationale depuis autant d'années. Mais cette primaire mérite bien peu les qualificatifs de populaire et citoyenne. Elle risque fort de n'être que la martingale du détournement de légitimes aspirations à l'unité et au rassemblement en aboutissant à leur contraire, une candidature de plus.
Tout indique que nous arrivons à la fin d'une époque sans que sa relève, à gauche et dans l'écologie, ne soit méme en chantier.