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Billet de blog 23 février 2023

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Obliger Macron à céder sur les retraites.

En réaction à une tribune dans "Le Monde" de mon ami, l'historien Roger Martelli.

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Rien de bien original dans cette tribune de mon ami Roger Martelli qui reprend tous les thèmes qui fleurissent dans la presse et les autres médias depuis quelques semaines.

 Il est vrai qu’ils ont fait l’objet d’un consensus d’une ampleur inédite lors de la discussion bâclée à l’Assemblée nationale du projet de réforme des retraites d’Emmanuel Macron. Bâclée par le choix du maître des horloges d’en finir au plus vite -en quinze jours- avec l’examen d’un projet de société de 20 articles qui, s’il était adopté, ternirait la troisième partie de la vie de nos compatriotes et des générations futures.

Roger a le mérite de rappeler ce qui est très largement omis ailleurs et qui est à l’origine d’une course de vitesse sur l’examen d’un texte fondamental par la représentation nationale, considérée avec un mépris qu’on ne trouve dans aucun autre pays dit démocratique.

Il est vrai que le Président de la République sait ce que lui a déjà coûté l’obsession de vouloir à tout prix imposer aux Français qui n’en veulent pas un report de l’âge de départ à la retraite que rien ne justifie. Il sait qu’il lui doit pour une bonne part d’avoir perdu sa majorité à l’occasion des dernières élections législatives et du même coup de se retrouver avec une chambre des députés qui n’est plus d’enregistrement et donc source d’un vacarme inhabituel. Pour ma part, je la préfère ainsi que peuplée de seuls godillots.

Mais le rythme effréné imposé aux députés est aussi une réponse du pouvoir à un mouvement populaire d’une ampleur, d’une profondeur, d’une détermination et d’une constance exceptionnelles, dans lequel, comme elles le font partout dans le monde, les femmes tiennent une place éminente. Par millions, jusque dans les villages les plus reculés, la mobilisation pour imposer au monarque  qu’il retire son projet ne faiblit pas et elle se prépare à atteindre un niveau inédit le 7 mars prochain.

Merci aux syndicats qui ont su s’unir et conduire à bien un tel mouvement avec pour objectif partagé par le peuple, le retrait du projet Macron.

Mais d’autres, beaucoup moins nombreux mais beaucoup plus influents sont mêlés, dans un consensus contrenature, aux représentants sincères de celles et ceux qui manifestent ou font la grève. Mêlés pour quel objectif ?

Pour permettre que l’article 7 soit débattu par l’Assemblée nationale !

 Aux côtés d’un chef de l’Etat pressé d’en finir au plus vite, du PCF au RN, associant tous les syndicats et les porte-voix du pays, est montée dans un fracas étourdissant cette exigence, au point d’en surprendre beaucoup de premières et premiers de corvée qui ignoraient jusqu’à l’existence de cet article et son contenu. Au point aussi de perdre de vue que ce qui mobilise autant de monde c'est d'obtenir qu'Emmanuel Macron se rende à la raison et retire un projet honni par les citoyens. Qu'il le fasse le plus vite possible par respect de la démocratie.

Article miracle pour certains car il permettrait de faire la clarté et la différence, dans chaque circonscription, entre les députés qui l’auraient voté et ceux qui l’aurait rejeté. Différence qui est un secret de polichinelle puisque lors du premier tour des élections législatives, après que le candidat Macron ait ostensiblement mis sur la table sa retraite à 65 ans, tous les autres candidats se sont longuement exprimés sur un sujet devenu central pour les électeurs.

Tout ce bruit pour ça ? Tant d’illusions semées sur les pouvoirs d’un Parlement quand celles et ceux qui luttent sont persuadés qu’il n’y a pas grand-chose à attendre de ce côté-là et que la décision ne peut venir que de l’Elysée, ce qu’avaient déjà en tête les Gilets jaunes.

 Pour d’autres, dont je suis, en prenant un risque inouï que Roger, en spécialiste de l’analyse des rapports de force électoraux connaît bien, celui de voir la mesure d’âge tant rejetée adoptée  dès cette étape. Or, l’historien Roger Martelli n’ignore pas évidemment qu’il est beaucoup plus difficile d’obtenir le retrait d’un projet quand il a été approuvé par le Parlement.

Il sait donc également que l’adoption de l’article 7 aurait été un sale coup pour le mouvement populaire en cours par la perte de confiance dans l’issue qu’elle aurait provoquée.

Un sale coup, avec deux bénéficiaires, Emmanuel Macron et la raciste Le Pen qui aurait eu beau jeu de rappeler qu’elle avait déposé une motion référendaire et une motion de censure qui, selon elle, auraient permis d’imposer le retrait du projet de réforme si les autres groupes ne les avaient boudées. Elle se serait offert le luxe d’ajouter que c’était dans l’ordre des choses puisque tous les autres partis et les syndicats avaient appelé à élire Emmanuel Macron pour la deuxième fois.

Roger comme moi, nous redoutons, si par malheur la victoire n’était pas au bout de la lutte actuelle, que des opposants d’aujourd’hui, au bout du rouleau, viennent apporter à « celle qui n’a jamais exercé le pouvoir » les suffrages qui lui manquent pour rejoindre l’Italie au royaume de la fachosphère.

Je pèse mes mots, dans ces conditions, il est criminel d’avoir monté de toutes pièces, une opération politicienne de grande envergure qui n’a rien à voir avec la belle bataille que mène notre peuple pour obtenir le retrait de la réforme Macron des retraites et qui au contraire vient la polluer du venin de la division.

Je ne cesse de me demander ce que mon ami de plus de trente ans vient faire dans cette galère.

Je ne cesse aussi de m’interroger sur ce qui motive cet opposant farouche, avec lequel j’ai combattu la conception du syndicat inféodé au parti politique, la fameuse courroie de transmission, à laquelle le PCF a enfin mis un  terme en 1996, avec l’acte fort de Loulou Viannet, secrétaire général de la CGT, quittant son Bureau politique. Quel ne fut pas mon étonnement, à la lecture de sa tribune dans « Le Monde » de voir Roger prendre nettement position afin que la courroie revienne mais pour tourner dans l’autre sens, ce qui justifie pour lui que les syndicats dictent leur feuille de route aux députés, ce qui vient effectivement,  pour une part, de se produire.

Le problème, cher Roger, ce n’est pas le sens dans lequel elle tourne, c’est la courroie elle-même.

J’en profite pour annoncer ici que je vais lever le pied sur une présence sur les réseaux sociaux qui nuit à ma santé et qui inquiète ma fille, mes proches et mes amis les plus chers.

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