Sur les réseaux sociaux, les réactions à l'hommage enfin rendu au Panthéon aux Résistants étrangers de la MOI se multiplient. S'y expriment des points de vue différents, ce qui est bien naturel.
Une seule exception cependant car la qualité du discours prononcé par le chef de l'Etat fait l'unanimité, seuls diffèrent le rôle et la portée qui lui sont accordés.
Pour ma part, je me garde bien de mettre tout sur le même plan.
Je retiens d'abord l'hommage national rendu à une Résistance étrangère maintenue dans l'oubli pendant quatre-vingts ans.
Mes origines m'y poussent comme des histoires personnelles différentes poussent à le faire d'autres facettes d'un même évènement.
Fils de réfugié de la guerre d'Espagne accueilli en France dans un camp de concentration, j'avais sans doute quelques prédispositions à être davantage ému par le courage inouï enfin panthéonisé d'étrangers dont les frères et les soeurs sont encore aujourd'hui tant méprisés et pourchassés.
Tel est pour moi l'aspect le plus universel de ce 21 février.
D'autres, aux histoires personnelles différentes, ont d'abord, parce que communistes ou/et de confession juive, éprouvé une légitime fierté. Qui les en blâmerait ?
Mais pour être pris aux tripes jusqu'à en avoir les larmes aux yeux, encore fallait-il que le discours fut de qualité exceptionnelle.
Il l'a été comme discours n'omettant aucun aspect du sujet traité jusqu'à atteindre le plus sensible de l'auditoire en en scandant le déroulement d'un ver de l'immense poète communiste Aragon, lui aussi de dimension universelle.
On pourrait en rester là comme le font beaucoup de mes camarades sans qu'il n'y ait rien à redire.
Ce n'est pas ainsi que je vois les choses. Mon ami Robert Miras Calvo non plus qui l’exprime à sa façon. J'invite à retrouver son mur sur Facebook.
Dans un billet que j'ai produit ici au lendemain de la commémoration, une phrase précise :
"Communistes, nous avons écouté le bel hommage les yeux grand ouverts sans jamais oublier qui le prononçait et pourquoi en ces termes, ce 21 février 2024, dans le tumulte et les angoisses de l'époque".
La discussion qui s'est instaurée après le post de Robert montre que la réalité est différente, pas pour lui mais pour bien d'autres qui méritent aussi notre attention et notre respect.
Comme toujours, il y a le discours et il y a le contexte. Dominé par les conséquences du dérèglement climatique, une guerre en Europe, un génocide en cours à Gaza, l'irrésistible ascension sur le continent et au-delà des bourreaux de Manouchian, l'accélération des politiques d'austérité qui vident les frigos et enrichissent les actionnaires...
L'auteur du magnifique discours a choisi son camp. Habituellement, il le fait avec un mépris et un cynisme hors pair, pas cette fois !
Il ne souffre pas d'un dédoublement de la personnalité, il met en œuvre une stratégie mûrement réfléchie que les forces du capital déploient partout parce que leur domination sur la société est contestée partout comme jamais.
Elle vise à répondre à la question du dépassement d'un système que pose en grand l'état actuel d'une civilisation menacée dans son existence même.
Posée, non pas en rêve inaccessible, mais comme une urgence de l'immédiat ressentie de plus en plus par les jeunesses du monde et les résistants du quotidien.
Brouiller les repères devient dès lors un impératif absolu. Emmanuel Macron excelle dans l'exercice.
Peut-on ajouter, sans être accusé de commettre un sacrilège, que les forces dont l'ambition est la transformation sociale n'ont pas l'obligation de lui faciliter la tâche jusqu'à épouser une conception de l'avenir qui voudrait que le capitalisme soit la fin de l'histoire ?
Le président des riches est en campagne électorale. Il l'était lundi en "une" de "L'Humanité", son jeune premier ministre mardi dans "Le Figaro", lui-même encore mercredi au Panthéon, ce vendredi au Salon de l'agriculture et sur de petits écrans désormais présents dans toutes les poches.
L'oublier serait une faute, alors que le scrutin qui vient, habituellement fort négligé, est d'une importance cruciale pour lui.
Pour nous aussi, encore sous le choc du magnifique hommage du 21 février dernier.
Gardons-nous de mettre tout sur le même plan sous peine de négliger les contradictions qui sont la vie et de leur substituer un bon sens qui n'est que l'expression des idées de la bourgeoisie.