Lucien Atencia

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Billet de blog 28 août 2022

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Rentrée de classe

Nous vivons la phase terminale d'un système qui considère la formation des nouvelles générations d'abord pour son coût, alors qu'elle devrait être l'investissement le plus précieux d'une société.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cette rentrée scolaire aura vue brandie sur tous les tons l'expression "crise de recrutement". D'abord par le nouveau ministre de l'Education nationale, héritier consentant de son prédécesseur, le roi du boniment. Par le président en personne qui, devant les recteurs d'Académies, a d'abord eu le souci d'en limiter la portée et surtout celle des mesures à prendre pour y faire face, de façon durable. Certes, il l'a fait avec moins de brutalité qu'en 1997 Claude Allègre, le ministre socialiste de Lionel Jospin, qui, publiquement, s'était promis de réduire "la graisse du mammouth de l'Education nationale". Ce que le président des riches a traduit, avec son sens habituel de la formule, par la phrase : "Plus de moyens, nous l'avons déjà fait plein de fois dans notre histoire."

Chacun désormais sait à quoi s'en tenir. La séquence m'a rappelé le début de la pandémie, avec la révélation de toutes ses pénuries et une ministre de la Santé qui, dur comme fer, prétendait que ce n'était pas une question de moyens mais seulement d'organisation ! On voudrait nous persuader que la panne de recrutement des profs est la conséquence d'un nouveau virus, dont on n'aurait pas encore trouvé le vaccin, qu'on ne s'y prendrait pas autrement.

Pourtant, cette pénurie-là ne date pas d'aujourd'hui. Il y a bien longtemps que le service public de l'enseignement fait appel à des contractuels pour "boucher les trous", au point que l'on finirait par s'y habituer. Et aujourd'hui, ce dernier envisage de réduire le niveau des connaissances et compétences exigé des personnels qui ont la responsabilité de former notre jeunesse. Va-t-on revenir à calquer ce niveau sur l'âge des élèves enseignés et à se contenter de profs qui auraient une ou deux leçons d'avance sur eux ? N'y-a-t-il rien de plus urgent, en ce début de XXIe siècle, que de jeter le plan Langevin-Wallon à la poubelle ?

"Boucher les trous", l'expression peut paraître inappropriée, j'en conviens aisément. Mais de qui et de quoi parle-t-on ? De femmes, d'hommes, pour la plupart très jeunes. Peut-on un instant se mettre à la place d'une jeune fille qui sait qu'elle va devoir affronter un CM2 de 30 élèves après quelques jours de préparation ? Peut-on situer cette classe en Seine-Saint-Denis, département parmi les plus pauvres dans lequel exercent le plus de non-titulaires ? Département aussi dans lequel, à Pantin, une directrice d'école s'est suicidée. Est-ce un hasrd, une fatalité ? Je ne le pense pas.

Nous vivons la phase terminale d'un système qui considère la formation des nouvelles générations d'abord pour son coût, alors qu'elle devrait être l'investissement le plus précieux d'une société. Tant que le capital privé de quelques-uns dominera nos vies et la nature pourquoi considèrerait-on comme un crime de confier de jeunes intelligences en construction à des adultes qui n'y ont pas été préparés ? Pourquoi ne continuerait-on pas de maintenir le métier d'enseigner -le plus beau du monde dit-on et aussi un des plus difficiles- dans sa dévalorisation actuelle, bien loin des premiers de cordée élyséens et si proche des derniers de corvées ? 

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