«Honte à ceux qui refuseraient d'embar- quer dans la magnifique nef des fous de Scorsese», s'exclame une éminente critique cinématographique de radio et presse écrite, une dame que j'estime même si je ne suis pas toujours d'accord...
Disons, pour cette fois, que je fais partie des spectatrices réservées, de celles qui vont se rabattre sur le livre dès que possible. Séduite pourtant par les deux stars complémentaires (Mark Ruffalo et Leonardo DiCaprio), chapeau et pardessus de détectives dans le même bateau, on allait voir ce qu'on allait voir !
Patatras ! Déjà cette musique martelant l'entrée en terre inhospitalière m'a glacée : les deux débarqués vont vivre un cauchemar, l'accueil des résidents le signale. Ils sont mandatés pour retrouver une pensionnaire portée disparue et jettent le trouble. Rien qu'aux attitudes, on est d'entrée de jeu en droit de se demander qui est le plus fou.
Et voilà qu'en quelques plans, c'est la purée de poix : jamais vu autant de flashs-back à la suite : Dachau, épouse détraquée, fillette reprochante, individus fantasmés, l'intégralité du délire en direct de la tête de l'un des enquêteurs mixé aux découvertes sur place : vertigineux parallèle entre psychiatrie "de tous les jours" et folie guerrière. Au bord de l'insoutenable mais admirablement retranscrit.
A moins qu'un mouvement d'humeur ne fasse sortir de la salle, le dispositif happe, on se fait vite à la lumière blanche signalant les retours à soi. Du reste, d'autres pièces viennent s'ajouter au puzzle !
Directement inspiré du livre éponyme de l'Irlandais Dennis Lehane, c'est une adaptation riche, spectaculaire... Mais à la différence de David Lynch qui envoûte sans qu'on s'en aperçoive, ou de Clint Eastwood captant l'attention par une alternance de cruauté et d'humour noir, Scorsese pèche par l'amoncellement d'informations et si on ricane, c'est d'excès de morbidité. La scénariste de ce huis-clos est Laeta Kalogridis (action et séries télé étatsuniennes visant l'audimat) : étrange générique de fin en méga lettres capitales blanches sur fond noir, on se doit d'être impressionné !
Au bout des 2 heures 17 de projection, il faudrait prendre ce qu'on a vu pour un conte, toujours recommencé. Au point que les amateurs d'émotions fortes veulent remettre ça, persuadés qu'en se pénétrant de certains détails leur opinion sera faite. Quel courage !