Voici une oeuvre détonante dans le paysage cinématographique français : on avait Dracula, l'obscur d'Europe Centrale et Gilles de Rais plus proche de nous, comme monstres, mais aucune créature féminine pour la bonne mesure.
Attention, le narrateur dès le début, précise que l'usage est de croire les vainqueurs, ce qui est rapporté doit être reçu avec prudence, c'était au quinzième siècle...
Elizabeth Bathory, Comtesse hongroise devenue veuve mais néanmoins conditionnée à la réserve et la procréation, se liquéfia devant un beau jeune homme lors d'un bal.
Sauf que cette toquade gênait les affaires familiales de ce dernier, tout fut donc mis en oeuvre pour tuer cet amour dans l'oeuf.
Rien de tel que le dépit amoureux pour rendre furies les femmes durcies par l'éducation. L'entourage en fait les frais, on comprend donc que les propres filles de la Comtesse aient été soigneusement placées à l'écart.
La manie du crime est suggérée. Il y a bien cette machine infernale, quelques cris d'effroi, les loups qui rôdent et puis ces marches qui descendent vers d'étranges caves... Mais l'élixir rouge n'est jamais dégoûtant (deux mouches en tout). En tous cas, aucun des "bains de sang" annoncés par le synopsis. J'ai trouvé l'ensemble comparable au "Nosferatu fantôme de la nuit" de Werner Herzog dans l'approche, même cruauté élégante.
Il se pourrait bien que ce portrait finement tracé et incarné par Julie Delpy elle-même dans la langue de Shakespeare (où se glissent juste quelques bons mots en français), rencontre un public enthousiaste et lui ouvre une carrière internationale !
En un sens, cette actrice-scénariste-réalisatrice d'à peine quarante ans, exilée aux Etats-Unis après les pires batailles pour se faire une place en France, remporterait là une revanche bien méritée : un scénario écrit en sept ans et toute la mise en images ensuite, les acteurs à trouver, avec assez peu de moyens financiers, il faut en vouloir ! Au final, tout sonne juste, la reconstitution historique, les dialogues, décors, costumes. Se glisse même la pointe d'humour tacite des vampires malgré eux... Hormis la lenteur après l'introduction et le thème qui peut rebuter (seul reproches), c'est brillant !