Gustavo Kuerten, ancien joueur professionnel de tennis. A 31 ans, il vient de prendre sa retraite sportive après une dernière participation à Roland-Garros, un tournoi qu’il a remporté à trois reprises.
Son célèbre maillot jaune et bleu sur les épaules, il envoie un dernier revers dans le filet. Gustavo Kuerten vient de jouer son ultime match sur le court central de Roland-Garros. Il n’a rien pu faire contre son adversaire, le français Paul-Henri Mathieu, trop fort pour lui. Pourtant, c’est bien lui la vedette du jour. Le triple vainqueur des internationaux de France reçoit une formidable ovation du public. Et c’est lui qui soulève le trophée que vient de lui remettre Christian Bîmes, le président de la fédération française de tennis. Un trophée très spécial car il contient des échantillons de la terre battue du tournoi de la Porte d'Auteuil.
La boucle est bouclée. Onze ans plus tôt, c’est ici que tout a commencé. Son maillot jaune et bleu fétiche sur les épaules, ce tennisman brésilien remporte le tournoi de Roland-Garros en 1997. A la surprise générale. Car à 20 ans, Guga, comme on le surnomme, ne pointe qu’à la 66ème place du classement mondial lorsqu’il débute cette compétition. Déjà un premier signe : c’est l’un des quatre joueurs non tête de série, c'est-à-dire non classés parmi les 32 meilleurs joueurs du tournoi, à s’imposer dans les internationaux de France. Et c’est même avec cette victoire à la porte d’Auteuil qu’il obtient le premier trophée de sa jeune carrière professionnelle. Onze ans plus tard, son palmarès s’est considérablement étoffé. Guga a décroché 20 titres en simples messieurs, dont 3 – à Roland-Garros – dans une épreuve du grand chelem. En 2000, il est même devenu numéro un mondial pendant 43 semaines.
Des batailles il en a livré. Sur le court comme dans sa vie privée. A dix ans, il doit apprendre à vivre sans son père. Passionné lui aussi de tennis, Aldo Kuerten meurt d’une crise cardiaque alors qu’il arbitrait une rencontre de tennis. « C’était une époque très dure », se souvient Guga. D’autant plus que sa mère est seule pour prendre en charge le traitement coûteux de Guilherme Kuerten, le frère cadet de Gustavo, qui souffre de lourds handicaps.
Mais le futur champion va rebondir grâce au tennis. A douze ans, il quitte la maison familiale de Florianopolis. Horizon : rejoindre l’une des rares académies de tennis du Brésil, dirigée par Larri Passos, un ancien ami du père Kuerten qui en avait fait la demande de son vivant. "Je savais qu'Aldo était mort, se rappelle Passos. Et je me suis toujours souvenu de ce qu'il m'avait demandé. Il fallait que je donne sa chance à Guga.". Mais la partie n’est pas gagnée. Il faut changer la technique tennistique. Grâce à son coach, Kuerten passe au revers à une main. Un coup magistral qui lui donnera une fabuleuse corde à son arc. Il faut aussi lui redonner l’envie de jouer au tennis. Pas facile pour un gamin qui associe ce sport à la mort de son père. Et qui rêve de devenir surfeur. Après le premier match disputé sous les yeux de son entraîneur, le jeune prodige se demande : "Je ne sais pas pourquoi je continue puisqu'un jour, nous allons tous mourir." "C'est vrai, lui répondit Passos. C'est pourquoi il faut essayer. Chaque jour compte et tu dois savourer chaque moment."
Gustavo va essayer. Et il va transformer les essais. Deux ans plus tard, il devient le meilleur jeune brésilien. L’adolescent et le coach ne vont alors presque plus se quitter. Pour le meilleur comme pour le pire.
Des matchs, Guga en a renversé. En 2001, toujours lors des internationaux de France, il frôle l’éliminationface à un inconnu, l’américain Michael Russel. Ce dernier, alors 122ème joueur mondial, obtient deux balles de match dans la troisième manche. Mais Guga les écarte avant de s’imposer en cinq sets. A l’issue de la rencontre, la relation entre lui et le public parisien tourne à l’histoire d’amour. Le tennisman brésilien dessine un cœur sur le court Philippe Chatrier, du nom d’un ancien président de la fédération internationale de tennis. "Ce jour-là, j’ai éprouvé quelque chose d’incroyable, se souvient-il. J’ai senti le soutien des supporters et je suis entré en fusion avec eux. C’était magique. Je n’ai jamais plus connu un truc pareil !".Dans la foulée, il fait tomber Kafelnikov, Ferrero et Corretja, spécialistes de la terre battue. Et il remporte les internationaux de France pour la troisième fois.
Mais les premières douleurs à la hanche se manifestent. Et elles ne le lâcheront plus. Elles font perdre à cet acharné de l’attaque du fond de cours huit de ses neuf derniers matchs de la saison 2001. La première intervention chirurgicale s’impose début 2002. Le champion tombe alors, en fin de saison, au 36ème rang mondial. Ca n’est qu’en 2004 qu’il parviendra à retrouver un meilleur niveau. Et c’est encore à Roland-Garros que le miracle se produit. Malgré les douleurs, au point qu’il déclare forfait pour les tournois de Rome et de Hambourg, pourtant destinés à préparer les internationaux de France, le champion brésilien parvient en quarts de finale de son tournoi préféré. Et quatre ans plus tard, c’est ici qu’il met fin à sa carrière. Il y reste le chouchou du public. Après tant d’années de bons et loyaux services
Ludovic Arbelet
Biographie
10 septembre 1976 : naissance à Florianopolis (Brésil)
1986 : décès de Aldo Kuerten, père de Gustavo Kuerten
1995 : devient joueur de tennis professionnel
1997 : remporte son premier tournoi, à Roland-Garros
2000 : gagne Roland-Garros et devient numéro un mondial
2001 : vainqueur à Roland-Garros
2001 : reçoît le prix Youth and citizenship de l’Unesco
2002 : subit une première intervention médicale à la hanche
2005 : chute à la 294ème place du classement ATP
25 mai 2008 : perd son dernier match professionnel à Roland-Garros