Raymond Domenech, sélectionneur de l’équipe de France de football, vient de livrer la liste des 23 joueurs retenus pour participer à l’Euro 2008. Une mise en scène orchestrée avec une main de maître par cet amateur de théâtre.
Comédie. La conférence de presse ressemble davantage à une pièce de théâtre. Ce mercredi 28 mai 2008, Raymond Domenech y tient une double posture. Celle d‘un formidable metteur en scène qui joue dans sa propre pièce, intitulée Euro 2008. L’émotion qu’il dégage est telle que les journalistes présents font figure de spectateurs. Et ils sont invités à ne pas poser les questions qui dérangent.
Le sélectionneur du onze tricolore vient de réaliser l’exploit de communiquer la liste des 23 acteurs retenus pour sa représentation sans avoir eu à justifier, devant les médias, ses choix. En particulier les deux grosses surprises qu’il vient de créer : la sélection du gardien de but Steve Mandanda, à la place de Mickaël Landreau, et celle de l’attaquant Bafetimbi Gomis, préféré à Djibril Cissé.
Le sélectionneur du onze tricolore vient-il de passer « le plus sale moment de [sa] carrière » ? Pas sûr pour cet habitué du spectacle qui « éprouve avant chaque match ce qu’on vit avant chaque représentation au théâtre ». Le trac. Mais aussi le souci de la préparation dans ses moindres détails. Ainsi, avant un match, il pense à la place qu’il devra prendre aux vestiaires. Et choisit celle qui portera le mieux sa voix. Comme au théâtre.
Ancien défenseur rugueux des années 1970, successivement à l’Olympique Lyonnais, à Strasbourg, au Paris Saint-Germain et aux Girondins de Bordeaux, le patron des bleus a une nouvelle fois taclé la presse. Comme un arrière stoppe un attaquant. Une place qu’il connaît bien. Il est élevé dans un quartier difficile de Lyon, « où il y avait une seule famille d’origine française ». De quoi déjà se préparer aux rencontres internationales. C’est aussi à cette époque qu’il apprend à se défendre.A ceux qui le « traitaient » de sale espagnol, lors d’une bagarre, il répliquait « je ne suis pas espagnol, je suis catalan ».
Ce catalan a longtemps traîné une réputation de mauvais garçon, sur le terrain sportif comme médiatique. Le 14 mai 2006, lorsqu’il communique la liste des 23 joueurs sélectionnés pour la coupe du monde en Allemagne, il s’en tient à quelques propos généraux avant de quitter la salle. Pas de questions de journalistes, donc pas de réponses à donner. Déjà cette originalité médiatique. Mais le lendemain, il s’exprime en exclusivité sur le réseau d’un opérateur téléphonique, partenaire de la Fédération française de football. Et la journaliste qui l’interroge est sa compagne, Estelle Denis, à l’époque animatrice de l’émission 100 % Foot sur M6.
Pourtant, ce jeu médiatique, Raymond Domenech l’a longtemps subi. « Avant, j’avais un débit rapide, analysait-il en 2006. Plus on parle vite plus on risque de lâcher des conneries ». Mais il a ralenti son flot, histoire de mieux se contrôler. « De toute manière, quoi que je dise, les journalistes interprètent ». Il s’en est fait une raison. Et en joue aussi. « Avant une conférence de presse, je me demande si je vais leur raconter une chose ou son contraire », provoquait-il, déjà, en 2006.
Le 28 mai 2008, il a encore hésité sur sa façon d’annoncer aux joueurs la liste des 23 sélectionnés. « J’ai […] réuni les trente joueurs pour leur dire de regagner les chambres et les informer que je viendrais avertir les sept joueurs [écartés] individuellement ».Quelques minutes plus tard, il frappait à la porte des sept malheureux. Comme celui qui frappe au théâtre plusieurs coups avant le début du spectacle.