Les hommages pleuvent mercredi, au lendemain de la mort de Pedro Zerolo, activiste né à Caracas, devenu l'un des principaux défenseurs du mariage égalitaire en Espagne au début des années 2000 - bien avant les débats français sur le « mariage pour tous ». Dix ans après le vote de la loi, le sujet fait consensus à Madrid.
Zerolo, né en 1960 au Venezuela, grandi à Tenerife, aux Canaries, est mort d'un cancer du pancréas mardi à Madrid. Il avait présidé de 1998 à 2003 la Fédération de lesbiennes, gays, transsexuels et bisexuels (FELGTB). En 2003, il choisit de passer au PSOE, juste avant l'élection à la tête du pays de José Luis Rodriguez Zapatero, pour qui il a préparé le fameux texte de loi, couronnant un processus que Zerolo qualifiait, dans un entretien accordé à Mediapart en 2012, de « révolutionnaire ».
187 voix pour, 147 contre: ce 30 juin 2005, l'Espagne devient le troisième pays au monde, après les Pays-Bas et la Belgique, à adopter le « mariage pour les personnes de même sexe », comme le rappelle le site d'info Yagg. Ce jour-là, Zerolo était assis sur les bancs des Cortes, l'assemblée espagnole, et savourait sa victoire, se souvient InfoLibre (partenaire de Mediapart en Espagne), qui estime que dix ans plus tard, le sujet fait « consensus au sein de la société » espagnole.
Techniquement, une seule phrase a été ajoutée au code civil: « Le mariage présentera les mêmes conditions, et produira les mêmes effets, que les deux époux soient de même sexe, ou de sexe différent ». Cette formulation, extrêmement simple, avait aussi le mérite de garantir au passage le droit à l'adoption pour les couples du même sexe.
En 2014, retiré de la politique, Zapatero a reconnu que c'est Zerolo qui l'avait convaincu, à l'époque, d'avancer sur le front du mariage égalitaire, par-delà les crispations de certains, au sein de la classe politique et de la société espagnole (voir cette vidéo). Il faut prendre la mesure de cette révolution dans un pays qui, à peine 35 ans plus tôt, durant le franquisme finissant, envoyait encore un millier d'homosexuels en prison ou dans des « centres de réhabilitation », tombés sous le coup de la « loi de dangerosité et de réhabilitation sociale » (en vigueur de 1971 à 1979).
Au moment de son adoption, la loi fut extrêmement contestée, non seulement par l'Eglise catholique, mais aussi par le Parti populaire (PP, revenu au pouvoir en janvier 2012). Des députés du PP avaient déposé un recours, dès 2005, auprès du tribunal constitutionnel pour faire annuler ce texte - ce qui a eu pour effet de faire planer, pendant plusieurs années, la menace d'une rupture des quelque 22.000 mariages homosexuels conclus en Espagne entre 2005 et 2012. Mais le recours a finalement été rejeté fin 2012.
Dans l'entretien accordé à Mediapart, Zerolo enrageait contre l'image d'un PP dirigé par Mariano Rajoy plus progressiste, qui se serait converti aux vertus du mariage de personnes du même sexe: « Que l'on soit clair : le PP continue de représenter en Espagne l'extrême droite et le conservatisme le plus extrême. Je le dis parce que certains, au PP, essaient de réécrire l'histoire aujourd'hui. Mais je n'oublierai jamais ce qu'ils nous ont fait endurer, et ce qu'ils continuent de nous faire endurer. Car le PP nous fait vivre, encore aujourd'hui, un authentique calvaire. Ce parti aurait pu, depuis le temps, décidé de retirer ce recours. Mais ils ne le font pas. Ils ne le veulent pas. Ils disent maintenant que cet avis sera une avancée sociale… ».
Zerolo, qui s'est lui même marié avec son compagnon quatre mois après l'entrée en vigueur de la loi, a ensuite poursuivi une carrière plus classique au sein du PSOE madrilène: il a été élu conseiller municipal de la capitale en 2007 (dans l'opposition), jusqu'à prendre la tête du parti, à l'échelle de Madrid, en février 2015, déjà très diminué par la maladie. En 2012, il avait par exemple participé à ce débat sur la Tuerka (au sujet de la Catalogne), l'émission télé sur internet alors animée par Pablo Iglesias, qui allait devenir, en 2014, leader du parti anti-austérité Podemos:
Pour en lire davantage, notre reportage publié en octobre 2012 sur Mediapart est ici: Sept ans après, la droite espagnole s'accomode du mariage homosexuel.