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Billet de blog 20 juin 2010

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Angela Merkel propage-t-elle des rumeurs contre l'Espagne?

Dans son édition de dimanche, le quotidien espagnol El Pais accuse la chancelière allemande de vouloir déstabiliser l'Espagne, pour mieux cacher les faiblesses de sa propre économie. Nouvel épisode d'une crise européenne à l'un de ses pics d'hystérie.

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Dans son édition de dimanche, le quotidien espagnol El Pais accuse la chancelière allemande de vouloir déstabiliser l'Espagne, pour mieux cacher les faiblesses de sa propre économie. Nouvel épisode d'une crise européenne à l'un de ses pics d'hystérie. La double page, titrée «Pourquoi Berlin attaque-t-il l'Espagne?», décortique en détail le psychodrame de la semaine.

D'après plusieurs journaux européens (le Financial Times Deutschland dès le 11 juin, et dans la foulée, le Frankfurter Allgemeine Zeitung et un titre espagnol, El Economista), Madrid est sur le point de solliciter l'aide du méga-fonds de 750 milliards d'euros mis sur pied début mai par l'Europe et le Fonds monétaire international (FMI). Une information de taille, propice à faire trembler une fois de plus les marchés de la dette, d'autant que Dominique Strauss-Kahn, le patron du FMI, était attendu à Madrid le vendredi. Mediapart l'a relayée dès jeudi soir. L'exécutif espagnol dément en bloc.

C'est l'agence de presse Reuters qui avait eu vent de l'«information» dès le 7 juin, via «deux fonctionnaires allemands». Mais elle n'a pu la vérifier, se heurtant au démenti catégorique des autorités espagnoles. L'agence a décidé de ne pas la publier. Les trois titres à l'origine de la publication se sont eux, contentés de sources allemandes. Le FAZ cite une source «gouvernementale». Pour El Pais, quotidien proche du pouvoir socialiste espagnol, la manœuvre ne fait pas l'ombre d'un doute: «L'Allemagne camoufle la faiblesse de ses banques en attaquant l'économie espagnole».

La démonstration s'appuie sur l'idée selon lesquelles les bilans des banques espagnoles, Santander et BBVA en tête, sont bien plus sains que ceux des établissements financiers outre-Rhin. «Le système financier espagnol est confronté à des difficultés, mais reste parmi les moins touchés d'Europe». Pour El Pais, le problème de l'Espagne, ce ne sont pas ses banques, mais les perspectives calamiteuses de la croissance à moyen terme. Alors que Madrid doit lancer, avec des années de retard, la semaine prochaine, un douloureux processus de fusion de ses fragiles caisses d'épargne, on peut juger l'analyse au minimum gonflée.

Le journal espagnol revient en particulier sur l'affaire des «stress tests», ces mécanismes censés tester la résistance des banques à des chocs. José Luis Rodriguez Zapatero y est favorable depuis des lustres, quand Angela Merkel, longtemps réticente, vient d'y consentir à demi-mots sous la pression de ses voisins. Preuve ultime de la sûreté des positions bancaires ibères, selon le quotidien.

Après Athènes, et Paris dans une moindre mesure, Berlin est donc en train de dresser Madrid contre sa politique. Merkel, politiquement à bout de souffle dans son pays, six mois seulement après sa facile réélection (elle est «exhausted», écrit le Guardian de samedi), a l'air prête à tout tenter pour redorer son blason aux yeux des Allemands.