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Billet de blog 28 avril 2009

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L'homme de la relance américaine, pieds et poings liés à Wall Street?

L'enquête très long format consacrée par le New York Times à Timothy Geithner fait froid dans le dos. Deux journalistes du quotidien ont décortiqué les cinq années passées par l'actuel secrétaire au Trésor américain à la tête de la Réserve fédérale de New York. Bilan des opérations : Geithner a copieusement servi les intérêts de Wall Street.

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L'enquête très long format consacrée par le New York Times à Timothy Geithner fait froid dans le dos. Deux journalistes du quotidien ont décortiqué les cinq années passées par l'actuel secrétaire au Trésor américain à la tête de la Réserve fédérale de New York. Bilan des opérations : Geithner a copieusement servi les intérêts de Wall Street. La thèse n'est pas nouvelle, et les relations entre les précédents secrétaires au Trésor et les milieux économiques américains n'ont jamais été neutres. Mais l'article du 26 avril, cosigné par Jo Becker et Gretchen Morgenson, entre dans le détail et révèle l'ampleur des dégâts.

Interrogation de départ : Geithner, qui enchaîne depuis son arrivée à Washington en janvier dernier les plans de rachat d'actifs toxiques des banques, les fameux bailout plans, à coups de milliards de dollars, n'en ferait-il pas trop ? «Alors que les banques se plaignent des contreparties qui leur ont été imposées en échange des garanties financières apportées par l'Etat, certains critiques - des avocats, des économistes et même d'anciens collègues de Geithner à la Réserve fédérale - estiment, eux, que le plan de rachat d'actifs toxiques des banques, en grande partie conçu par Geithner, s'avère bien trop généreux envers les milieux financiers. Aux dépens des contribuables.» Pendant les presque cinq ans de son mandat à la Fed de New York, Geithner s'est donc forgé de solides relations de confiance avec la poignée de PDG des géants financiers de la place. De Goldman Sachs à Citigroup, dont l'ancien président du conseil d'administration, Sanford I. Weill, avait même proposé à Geithner le poste de directeur général du groupe.

Comme ses collègues économistes, l'ex-conseiller des années Clinton, passé par le Fonds monétaire international, n'a rien vu venir de la crise. Avec le recul, sa gestion fut même lourde de conséquences. Le 15 mai 2007, quelques semaines avant l'éclatement de la crise des «subprime», Geithner se félicitait encore de la vigueur du système financier américain, et des innovations comme les produits dérivés. La titrisation fut pourtant le vecteur de propagation de la crise. Deux jours plus tard, il passait des coups de fil à tout va pour parvenir à faire baisser encore un peu plus le niveau de réserve obligatoire des banques. Sans succès. Quelques mois plus tard, les banques américaines affichaient des pertes démesurées par rapport à leurs réserves obligatoires bien trop faibles.

Quant au dossier Citigroup, sa gestion par la Fed de New York fut pour le moins erratique. En 2006, l'autorité levait les sanctions décidées deux ans plus tôt contre le numéro un bancaire mondial, épinglé pour de mauvaises pratiques en matière de crédit. Explication avancée à l'époque : la banque a accompli des «progrès significatifs» en matière de contrôle du risque. Des efforts qui n'ont pas empêché «Citi» d'investir, au même moment, des sommes considérables dans le segment «subprime» - qui s'avérera particulièrement risqué... A l'été 2007, au moment des premiers craquements, les pouvoirs publics, dont la Réserve de New York, ont multiplié les discours visant à minimiser l'ampleur des risques. Au même moment ou presque, de la mi-mai à la mi-juin 2007, les journalistes du NYT établissent que Geithner a déjeuné ou rencontré, à tour de rôle, trois des principaux dirigeants de Citigroup, dont son directeur général. Sa proximité avec les bosses de Citigroup l'a-t-elle rendu complice ?

Commentaire désappointé du Nobel Joseph Stiglitz : «La seule chose qui préoccupe vraiment Geithner [aujourd'hui], c'est que le système financier soit à nouveau en état de marche». Même verdict énoncé par Willem H. Buiter, prof à la London School of Economics : «Wall Street a eu celui qu'il voulait. [...] Quelqu'un de brillant, d'intelligent, de travailleur. Mais sûrement pas celui pas qui s'essaiera à réformer de fond en comble le système». Le patron de la Réserve fédérale Ben Bernanke, lui, défend le bilan et les méthodes de Geithner coûte que coûte : «Il parlait très fréquemment à de très nombreux acteurs, pour prendre le pouls de la situation». L'article ne dit pas ce qu'en pense le président des Etats-Unis Barack Obama, qui s'est engagé, c'était le 2 avril dernier, au G-20 de Londres, à rénover en profondeur un capitalisme financier désormais moribond.