Oui, soyons sérieux M. le Député
Dans votre tribune, publiée le 17 janvier dans les médias locaux, vous invitez à faire preuve de sérieux sur le dossier la réforme des retraites.
Les millions de personnes qui ont manifesté les 19 et 31 janvier derniers contre ce projet, semblent avoir saisi l’injustice de cette réforme et le manque de sérieux de ceux qui la réclament. Revenons donc, si c’est encore nécessaire, sur certains de vos arguments.
Par un raisonnement démographique simpliste, vous avancez la nécessité de cette réforme pour sauver dans la durée notre système de retraites. Le Conseil d’Orientation des Retraites, service du Premier Ministre, a au contraire réalisé différentes projections dans son rapport de septembre 2022 et aucune d’entre elles ne correspond à un scénario catastrophe, et ce jusqu’en 2070. Son président l’a à nouveau dit le jeudi 19 janvier : "Les dépenses de retraites ne dérapent pas, elles sont relativement maîtrisées, dans la plupart des hypothèses, elles diminuent plutôt à terme".
Il existe évidemment des mesures susceptibles de renforcer le financement de notre système social, sans obliger l’ensemble de la population à travailler deux ans de plus.
En vrac et au choix :
• fin des exonérations et allègements de cotisations sociales patronales (elle assurerait une rentrée annuelle de 75 milliards d’euros dont 17 directement dans les caisses de retraite)
• mise en place d’une surcotisation sociale patronale équivalente à celle d’un taux plein sur l’emploi à temps partiel et d’une cotisation sociale sur les dividendes, affectées aux caisses de Sécurité Sociale
• augmentation des cotisations sociales patronales (0,8% de cotisation en plus assurerait 12 milliards d’euros en plus chaque année)
• vraie égalité salariale femmes / hommes (la revalorisation des rémunération des métiers féminisés rapporterait 14 milliards d’euros annuels aux caisses de retraites selon la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse)
• augmentation des salaires (qui fait mécaniquement augmenter les rentrées de cotisations sociales)
• réduction du temps de travail hebdomadaire à 32h sans perte de salaire ni flexibilité avec une politique déterminée de création d’emplois dans les services publics (santé, éducation, écologie, culture…)
• rétablissement de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune, vraie lutte contre l’évasion fiscale, taxation des super-profits …
Bien sûr, ces mesures s’inscrivent dans une politique de partage des richesses qui n’est pas celle mise en œuvre par le gouvernement, au service des intérêts capitalistes. Votre laborieuse tentative de « pédagogie » est un bien pauvre enfumage qui ne trompe personne : il s'agit une nouvelle fois de faire des économies sur le dos des travailleuses et travailleurs confronté·es aux plus grands risques.
Chacun·e appréciera enfin le « sérieux » avec lequel vous concluez votre propos : « Ce qui m'a surpris à l'inverse, c'est la dimension sociale de la réforme, ses avancées, son rééquilibrage vers plus de justice […] Ce serait dommage de passer à côté de telles avancées sociales. »
La notion de progrès social semble ici fort mal comprise de votre part. Rappelons qu’elle consiste en des changements d’organisation sociale en vue d’améliorer les conditions de vie de toutes et tous. La « case » n’est définitivement « pas cochée » dans le projet du gouvernement, pour reprendre à nouveau vos propres termes.
Nous sommes parmi celles et ceux qui vont poursuivre et amplifier la lutte contre ce projet antisocial, et notamment lors des prochaines dates de mobilisation nationale les 7 et 11 février prochains.