CRITIQUE RAGING BULL
Raging Bull est un film datant de 1981 de Martin Scorsese. Celui-ci naît en 1942 à Little Italy à New York. Dès son adolescence il passe beaucoup de temps dans les cinémas car il ne peut aller s'amuser avec tous ses amis souffrant d'un gros problème d'asme. Très jeune, fasciné par le monde de la religion, il souhaite devenir prêtre, même s'il en a une vision très particulière car il est entouré d'un monde complexe où se mêle violence et pureté. Il hésite également à devenir gangster comme beaucoup de New Yorkais à cette époque mais finalement il est accepté dans une école de cinéma la New York University et est soutenu par ses parents. Il créé alors ses premiers courts métrages notamment The Big Shave et il est repéré par des cinéastes. Sa carrière prend alors de l'essor et il fait son premier vrai film personnel nommé Mean Street en 1973 avec Robert De Niro qui deviendra son acteur de prédilection. Le succès éclate, remportant de nombreux prix, et fait alors beaucoup de réalisations telles que Taxi Driver 1976, New York New York 1977, Raging Bull 1981, After Hours 1985, Les affranchis 19,... Passant de films de gangsters (Les infiltrés) à films sentimentals (Le Temps de L'innocence), la carrière de Martin Scorsese sera ponctuée de succès et de films très personnels. Son film, Raging Bull est un biopic racontant l'histoire du boxeur américain Jake de la Motta, qui retrace sa carrière. Il est, à ses début, un homme d'origine italienne, issu d'un milieux modeste. Aidé de son frère manager Joey, il se fera un nom dans le milieu de la boxe malgré un début de carrière difficile. Il ira jusqu'à atteindre le sommet en emportant le titre de champion du monde. A côté de cela, il mène sa vie de famille mais, trop impulsif et de nature autodestructrice, il se fera quitter et finira sa vie seul, bouffi en tant que gérant de boite de nuit et comique douteux. A présent je vais vous en livrer ma vision personnelle.
Tout d'abord, nous remarquons le générique de début. Un plan séquence au ralenti merveilleux qui montre un boxeur sur le ring sautillant et se préparant à combattre. Celui-ci est alors emprunt d'une poésie nous mettant face à une tonalité tragique et même presque romantique, mélange incertain, presque imperceptible mais pourtant bien présent. Nous savons alors que nous venons de rentrer dans un film au sujet clair qui nous tiendra en haleine du début à la fin des deux heures et neuf minutes. Le générique est construit de manière graphique, très impressionnante, intégrant à la perfection les écritures des noms qui s’insèrent dans le décors de manière majestueuse. On remarque alors que c'est le premier et seul vrai moment de paix auquel nous aurons droit, nous isolant de tout son, en nous mettant dans la même position que le boxeur, concentré sur sa tâche et sur l'enjeu de son match. Il y aurait presque dans ce début de film une sorte de mise en garde de Scorsese qui nous prévient de manière cachée que c'est le calme avant la tempête. Le film nous plonge alors dans le milieu du sport, de la violence et de la crapulerie nous montrant certes l'endroit mais surtout l'envers du décors avec des paris sur les matchs, de la manipulation maffieuse et une pression sportive importante.
Ensuite, nous remarquons que les scènes de boxe et de combats, sont absolument magistrales, tant au niveau de la réalisation qu'au niveau de leur signification. En effet, elles sont maîtrisées d'une véritable main de maître. Les « chorégraphies » montrant la boxe sont parfaitement exécutées et donnent un rendu très naturel et saisissant tant la rage y est montrée. C'est dans une maîtrise parfaite de sa caméra que Scorsese nous fait virevolter entre travellings et panoramiques montrant la vigueur et la fureur des personnages. Leur but n'étant pourtant pas à des fins particulièrement nobles. Chaque scènes de combat, bien qu'on puisse les rapprocher sur de nombreux points, sont quand même totalement différentes selon l'état d'esprit du personnage, ses attentes,... En effet ces différents enjeux se ressentent fortement à l'écran justement grâce aux effets que le réalisateur donne à sa caméra.
Le ring apparaît comme un élément de catharsis pour le spectateur. C'est le seul endroit où il voit réellement le sang couler sur les visages et gicler sur les mains des adversaires ne nous épargnant pas toute cette violence. Ici, le spectateur peut en effet se libérer de ses passions en regardant ces scènes si réalistes. Dans le premier combat, on remarque plutôt un enchaînement de coups classiques, déjà vu auparavant aussi bien dans la mise en scène que dans les effets de caméra, où l'on voit vraiment les attentes et les réactions du public qui est alors très présent. Ensuite, dans le premier combat qui oppose Jake à Sugar Ray, l'action est beaucoup plus resserrée et Scorsese joue alors sur des travellings, latéraux notamment, sur un effet de vitesse d'images ralenties, qui montre en majeur partie les coups, et d'images accélérées, en particulier aux moments des chutes. On remarquera aussi dans ce combat de titans un montage très rapide qui apporte de la vitesse, un rythme effréné et une puissance aux actions. Le réalisateur commence alors à donner un style très personnel à ses combats pour notre plus grande joie. Il ferra grandir cette liberté qu'il acquiert lors du second combat opposant Sugar Ray à La Motta. En effet, leurs rivalités se ferra ressentir nous incitant à nous identifier à l'un ou l'autre des personnages. Celle-ci apparaîtra alors aussi bien dans la mise en scène, avec une arrivée très remarquée de Jake sur le ring faisant monter la pression, que dans le montage frénétique. Les plans sont alors rapprochés au niveau de la taille ou des épaules et le cadrage est serré lorsque les coups sont portés à l'encontre des adversaire. On note alors qu'il y a de la fumée qui donne d'un côté très artificiel mais à tout de même un rendu très réaliste. Ici encore, Scorsese alterne son rythme, enchaînant les différents ralentis, comme lors de la chute de Ray qui est montrée deux fois successivement : l'une en allure normale, et l'autre au ralenti. Cet effet montre vraiment la rareté de la chose que de le voir tomber au tapis (Sugar Ray) et insiste sur le désespoir que peut ressentir le boxeur en cet instant au vu de la défaites que ça peut engendrer.
De plus il y a des effets sonores très intéressants et très influents dans ce que le spectateur va ressentir. La bande son est alors très importante et elle le sera désormais à chaque combat. On entend alors constamment des flashs nous rappelant que les spectateurs sont présent bien qu'on ne les voit pas vraiment à cause du cadrage des plans qui enferment les protagonistes dans une sorte de cage invisible mais pourtant bien présente. Après les flashs, ce sont les coups que l'on remarques. Certes ceux-ci apparaissent beaucoup à l'image mais, si on tend l'oreille, on entend alors très distinctement les poings qui cognent sur les mâchoires et autres parties du corps. Ils apportent extrêmement de violence à la scène la rendant encore plus réaliste quand il y a le bruit des os qui craquent, du sang qui gicle où de la peau qui s'ouvre.
Par ailleurs, on observe parmi toute cette agitation des instants, pourtant très artificiels, de silences lourds, pesants et puissants rajoutant encore à la tension en la faisant montée d'un cran, sans pour autant en faire trop dans le mélo-dramatique. Puis la cruauté des combats est montrée sans concession filmant parfois comme l'on pourrait filmer une mise à mort animale. Ceux-ci sont alors en public, à la vue de tous, mais pourtant, de par sa manière de filmer les rends très intimes. Ensuite, nous remarquons que le sang ne nous est pas épargné et, bien au contraire, il nous est montré sans concession de manière ostensible, insistant sur la bestialité des combats. Pour son dernier combat contre Sugar Ray Robinson, Scorsese réalise une performance extraordinaire. Celle-ci encore une fois est sauvage, sanglante et d'une violence sans limite. Dans cette séquence, on remarque un plan où Scorsese fait un travelling avant mêlé d'un zoom arrière. Cette merveilleuse idée du réalisateur permet d'extraire Robinson de l'image laissant Jake seul à l'écran, sur le ring face à son combat est ses enjeux. Ce qui nous fait comprendre ici que Robinson est son plus grand ennemi en nous faisant pénétrer dans l'esprit sombre de Jake. Le son de la séquence est alors sourd, nous faisant surtout entendre les respirations des protagonistes. Nous sommes alors seuls avec eux, il n'y a plus la voix du commentateur. Les coups s'abattent alors les uns après les autres dans des plans que l'on qualifiera plutôt de brefs. Il alterne encore les plans de ralentis et de vitesses normale, en faisant la signature du film, ce qui permettra de rallonger la scène et surtout d'amplifier la violence. Les coups portés sont filmés en plans rapprochés ce qui nous permet d'être avec eux dans leur intimité. Le dernier plan de la scène est très beau et très significatif : Robinson est déclaré vainqueur du combat mais pendant l'annonce de sa victoire, Scorsese prend la décision de ne pas le montrer dans tout sa joie de sa victoire mais il nous montre la corde du ring pleine de sang de La Motta. Le plan est alors très beau esthétiquement, en effet la couleur rouge n'a pas besoin d’apparaître pour être quand même présente, et au niveau de la signification également car la voie du présentateur est toujours présente et les sauts de joie de Sugar Ray sont implicites. Ce plan nous permet de nous mettre à la place de Jake, dans sa défaite observant son échec et la victoire de son adversaire. Scorsese avait alors comprit qu'il n'était absolument pas nécessaire de nous montrer la victoire adverse de manière commune mais que la subjectivité pouvait être de mise, étant finalement beaucoup plus éloquente et plus forte. On se demandera même si le plan où Jake est sur la corde du ring en train de se faire frapper sans réagir n'a pas une dimension presque religieuse. Ce serait alors comme une sorte de scène de punition que Jake s'inflige à lui même pour tout le mal qu'il a fait. Il se « lave » en quelque sorte de ses pêchés. On remarque alors, à la suite de cette scène que plus la vie de Jake est sombre, plus ses combats seront durs, rudes et violents.
Aussi, il réalise ici un film très populaire des années 1940-50, mais il le fait d'une telle manière qu'il innove beaucoup de par son style d'écriture, de réalisation mais surtout de mise en scène et de montage. C'est en effet un film en noir et blanc qui à ses propres codes, qui contient peu de références cinéphiles. Il ira même jusqu'à détourner les conventions, en s'inspirant du « film de boxe » classique pour finalement le détourner et l'emmener dans un univers plus que personnel. En effet, on remarquera que lors des combats, la caméra est toujours sur le ring. De plus il filme pratiquement toutes ces scène en copiant la trajectoire du poing pour rendre la chose plus horrible, plus saisissante, et beaucoup plus dure. Enfin, il alterne beaucoup de plans entre ralentis et accélérés créant un caractère onirique au film en faisant une sorte de ballet où la violence est toujours maîtresse.
Martin Scorsese axe son film sur Jake La Motta « le boxeur », mais également et surtout sur Jake La Motta « la personne ». En effet, en se posant vraiment la question, on se rend compte que ce film n'est pas qu'un film de boxe mais qu'il compte plus sur la boxe pour avoir une sorte de prétexte à raconter une histoire exceptionnelle. En effet, c'est les matchs qui rythment la vie de La Motta ponctuant le récit de sa jeunesse et non l'inverse. Les scènes de combats ne durent, toutes ensembles, qu'une douzaine de minutes sur deux heures de film. On remarque d'abord dans ce film une famille d'immigrés d'où le personnage principal est issu. Le film nous raconte alors leur vision des choses face à ses ambitions et ensuite ce que ça provoque parmi eux quand tout à coup un des leur effectue une ascension sociale qui sera connue et reconnue par la société New Yorkaise, insistants sur les répercutions que cela va avoir. Mais, bien que le film tourne autour de Jake et de sa carrière, on pourrait croire que Scorsese veut que l'on éprouve de la sympathie pour lui et son entourage, qu'on comprenne ses geste, ses paroles,etc... Seulement il n'y a pas d’héroïsme dans ce film. Les personnages rencontrés n’inspirent pas la sympathie, bien au contraire. Le sport, lui, y est représenté à sa juste valeur, un lieu où règne violence, où la mafia fait sa loi. Un milieu corrompu. De cette manière, avec ce thème de la mafia très récurent chez Scorsese, il nous montre de quelle manière ce n'était pas les boxeurs qui décidaient de leur destin de joueur mais ils devaient tremper dans ces manipulation louches pour espérer arriver au sommet Ainsi, Jake est comme un pantin et vivait vraiment aux dépends de ces mafieux. On le remarque notamment quand il s'est fâché avec ceux qui tirent les ficelles il ne gagne plus aucun combat même s'il est meilleur. De cette manière Scorsese insiste sur cette notion de manipulation intense, et de « collaborations douteuses » sans quoi personnes n'existait dans ce monde de la boxe.
Ce qui frappera le spectateur par la suite, c'est que Scorsese jouera sur une style très réaliste ou même naturaliste en réalisant son film. On note effectivement, un noir et blanc très contrasté qui se manifeste très souvent. Nous avons par exemple la séquence de prison, où Jake est enfermé. Alors, la pièce sera plongé dans un noir total. La seule lumière qui filtrera, et qui sera très éblouissante, sortira de deux petites lucarnes sur le mur dos a la caméra. Le contraste entre ce noir total et cette lumière éblouissante sera alors très vive, forte et expressive, jouant su la beauté des deux couleurs alors très nuancées. Au niveau de la justification de ce choix, on se demandera si Scorsese n'a pas voulu représenter le côté très sombre de Jake tout en mettant la lueur d'espoir ou la lueur de bonté restante de Jake en la lumière qui filtre par les lucarnes. Alors, la scène fera apparaître Jake, dévasté par ce qu'il est devenu, s'écriant « Je ne veux pas être cet homme là ». Le boxeur, tombé alors au plus bas cherche la rédemption, dans sa prison. C'est une séquence extrêmement pathétique d'un homme raté, oublié par ses confrère, qui a raté lamentablement sa vie en pensant sa gloire éternelle. A se moment du film il se ment a lui même se disant encore exister alors qu'il n'en est rien. Le caractère naturaliste s'inscrit alors dans cette séquence comme si c'était une évidence de style, nous livrant une scène poignante, pleine de rage, très impressionnante et qui couple la souffle tellement la tension qui s'en échappe est forte. Nous retrouverons ce caractère naturaliste dans beaucoup d'autres séquences notamment dans les scènes du quotidien qui sont parfois maladroites de par leur cadrage. Ou encore dans certains plans basiques (champs/contre champs, plans fixes,...) qui portent une histoire déjà lourde dans le sens. Ainsi, Scorsese à compri qu'il n'avait pas à en faire trop dans la réalisation ce qui créait un équilibre parfait avec le récit.
Cette manière de réaliser son film est encore une fois très réaliste et à même un caractère documentaire biographique car Scorsese est très subjectif dans ce qu'il nous montre. On le remarque grâce à des effets de style tels que le noir et blanc, les ralentis, mise en place de sons fort ou plus étouffés,... Il y a également énormément de mouvements de caméra faisant parfois rentrer les personnages dans un angle incongru ou même en les faisant apparaître à l'aide de mouvement de grue, de panoramiques latéraux ou horizontaux,etc cachant ainsi son point de vue personnel. On note enfin que la caméra frôle toujours le front des personnage. Ainsi on ne voit pas beaucoup de ciel et il restreint les possibilités d’échappatoire de ses personnages en réduisant leurs libertés à travers la caméra
On note également une dimension onirique. En effet, Scorsese peut passer d'une séquence ultra réaliste avec beaucoup de tension, de la violence contenue, de la séduction,... à une séquence totalement inattendue et déroutante constituée pour la plupart de séquences de boxe donnant une dimension presque mythique.
Aussi, nous avons un film qui nous peint une relation de famille impressionnante et surtout celle de deux frères. Deux scènes nous montrent alors cette relation très étroite et très particulière qu'ils ont. Premièrement, nous avons celle de l'appartement au début du film. En effet, Jake est alors chez lui, avec sa femme avec qui il est en train de se fâcher. Alors son frère arrive tente de le calmer et au final il s'installent tous deux à table. Jake demande alors à son frère de le frapper fort au visage. Celui-ci, dans un premier temps refuse, déconcerté, mais il finit par le faire. Cette scène montre bien leur relation assez amicales, franche ainsi que le caractère autodestructeur de Jake. Elle amorce les failles psychologique chez La Motta. La deuxième séquence notable est la scène ou Jake s'énerve contre son frère car il est persuadé que sa femme et lui ont couché ensemble.Alors très connu pour la phrase « You fuck my wife ? », celle-ci, bien que particulièrement éloquente dans ses propos et dans le dialogue, est également très simple dans la réalisation. Nous sommes uniquement dans un champ contre champ très simple mais de par la force des acteurs qui portent l'action véritablement, la violence est exacerbée montrant toute la paranoïa du personnage prêt à se fâcher définitivement avec son frère pour des choses aussi stupides et infondées que des soupçons.
Cette séquence signe le début d'une grande dispute avec son frère qu'il adore à cause d'une simple jalousie, ce qui nous montre encore une fois son caractère autodestructeur car il fait fuir tous ses proches. Une relation fraternelle est montrée tout au long du film donc car les deux compte l'un pour l'autre.
Nous noterons évidemment les performances exceptionnelles que nous proposent les acteurs et en particulier Robert de Niro. Il est un superbe interprète et a même remporté l'oscar du meilleur acteur en 1980 pour ce film. Il se donne beaucoup pour réussir et incarner le mieux son personnage prenant des cours avec les meilleurs boxeurs du mondes et prenant 20 kilos pour jouer le joueur déchu. On note également beaucoup d'improvisation de sa part ce qui rend son jeu hyper réaliste, naturel et renforce vraiment le caractère impulsif du personnage.
Pour conclure, nous diront que le film Raging Bull est un film de boxe. Les scènes qui le montrent sont très éloquentes et très belles au niveau de la réalisation et de la signification. Seulement Raging Bull peut être également considéré comme un film réaliste, presque comme un documentaire, comme un biopic qui raconte avant tout l'histoire d'un homme, boxeur, impulsif qui aime sa famille mais qui, à cause d'un comportement paranoïaque et autodestructeur va finir par tout perde, jusqu'à sa fortune et son prestige. On pourra le rapprocher de La Rage Au Ventre, film de 2015 de Antoine Fuqua avec Jake Gyllenhaal. Celui-ci tourne autour de l'histoire d'un champion de boxe qui se bat pour arriver au sommet. On peut les rapprocher car les deux tourne autour d'une thématique identique, la boxe, mais aussi parce qu'ils racontent avant tout l'histoire d'un homme qui a des convictions et qui a la hargne pour vaincre et arriver au sommet.
Blanche Lèques.