Dans la première partie de Mythologies, Roland Barthes explore un à un des mythes qui surnagent à fleur de médias et c'est avec intérêt qu'on découvre que les mythes de l'époque (1956-1959) ne sont guère différents de ceux d'aujourd'hui: il y décrit les stars de cinéma, les histoires de couple parfait, les politiques, les critiques littéraires le sport (catch et tour de France). Avec une belle acuité, il montre comment les valeurs bourgeoises consuméristes de cette période d'après-guerre sont en train de prendre de l'ampleur et se formalisent dans le signifié des médias d'alors.
Dans la deuxième partie plus dense mais passionnante, il entreprend d'analyser ce qu'est le mythe. Tout d'abord dans une visée définitoire, il explique que le mythe, n'est pas une chose, mais un système de communication. C'est un système signifiant ouvert qui peut englober tout thème pour le réifier et en faire un mythe, un signifié unique porteur de valeurs. On comprend ce que de nombreux autres diront dix ans plus tard notamment sur la façon avec laquelle le capitalisme trouve, par la voix des médias, une occasion incomparable de faire vivre ses valeurs et d'intégrer ses systèmes de communication au sens large à la société dans son ensemble. Dans ce système, la télévision en est l'outil idéal à plusieurs titres et nous y reviendrons sans aucun doute plus longuement au sein de ce blog.
La télévision est communication. Elle développe des mythes dans une forme idéale: diffusée en continu, elle impose un rythme et provoque de l'émotion, fixateur indispensable à l'assimilation des valeurs dans la société.
Alors que l'on sait que la planète se réchauffe à cause de l'activité et de la surconsommation humaine, alors que l'on sait que le capitalisme tel qu'il est aujourd'hui pratiqué, provoque des dysfonctionnements sociaux conséquents auxquels on pourrait encore remédier, il semble que la société démocratique n'arrive pas à se modifier, se trouvant comme enraillée dans un temps cyclique et perpétuel.
La communication à l'attention de la société sous couvert d'information et qui s'exprime aujourd'hui par le biais principal de la télévision accuse tour à tour le gouvernement trop faible, le gouvernement trop fort, les "jeunes" trop violents, les patrons voyous, les Eric Zemmour, les Edwy Plenel, les patrons, les serial killers.... Il utilise depuis des décennies le même système démonstratif fantoche qui fonctionne par blocs de pensée superficiels et se renforce à mesure qu'il est asséné.
Un seul exemple suffira à le démontrer : il est de notoriété télévisuelle que Bernard-Henri Lévy est un faux philosophe. Mais en réalité, combien de ceux qui le jugent en bien ou en mal devant leur télévision l'ont jamais lu ? BHL est le jouet d'une communication extrêmement traditionnelle que l'on nomme "format" en télévision et qui fait que vous en êtes "bon ou mauvais client". L'intérêt est de créer de l'émotion. BHL pose et cela passe mal en télévision indépendamment de toute autre considération (imposture de son travail, cela n'est pas le sujet, le sujet étant bien sa posture au moment où il apparaît à la caméra).
Ce que Barthes a fait en 1956 est donc fondamental. En décrivant le système mythique, il a permis de le mettre à nu. Et ce n'est que par une description précise de ces thèmes qu'il nous sera possible d'en comprendre le fonctionnement et ses fins. Ce n'est que par la décomposition de ce système qui nous enrôle malgré nous que nous pourrons peut-être enfin contribuer à réveiller nos consciences et parvenir à faire naître un mouvement de changement. C'est la tâche que nous souhaitons nous imposer ici : décrire les phénomènes télévisuels à caractère mythologique et tenter de les mettre en perspective.