Je suis mère d’un enfant porteur de troubles du neurodéveloppement (TDAH et troubles dys). Je suis aussi professionnelle de l’Éducation nationale. À ce double titre, je me sens aujourd’hui tenue de prendre la parole.
Mon fils est reconnu en situation de handicap. Il bénéficie d’un projet personnalisé de scolarisation, d’un accompagnement par une AESH et d’aménagements pédagogiques. Sur le papier, tout est en place. Dans la réalité, il est en souffrance. L’école, censée être un lieu d’émancipation et de confiance, est devenue pour lui une source d’angoisse, de découragement et de perte d’estime de soi. Il ne croit plus en l’institution scolaire, alors même qu’il a des ambitions, des capacités et un profond désir de réussir.
Cette situation n’est pas un cas isolé. Elle est le symptôme d’un système qui peine encore à accompagner les enfants dont le fonctionnement cognitif ne correspond pas au modèle scolaire dominant.
L’accès à des classes réellement adaptées aux enfants TDAH et multi-dys est aujourd’hui extrêmement restreint. Les structures existantes sont, pour la plupart, soit hors contrat et financièrement inaccessibles pour de nombreuses familles, soit éloignées géographiquement, avec des listes d’attente interminables. De fait, ce type de scolarisation reste réservé à une minorité de parents disposant de moyens financiers importants. Les autres doivent composer, bricoler, tenir bon, souvent au prix de la santé psychique de leur enfant.
Les dispositifs de type ULIS ou SEGPA, souvent évoqués comme seules alternatives, ne correspondent pas à tous les profils. De nombreux enfants présentant des troubles spécifiques des apprentissages, sans déficience intellectuelle, se retrouvent ainsi sans solution réellement adaptée. Trop « scolaires » pour certains dispositifs, mais pas suffisamment accompagnés dans les classes ordinaires, ils restent invisibles dans les politiques éducatives.
À défaut de réponses adaptées, ces enfants sont aussi trop souvent orientés vers des voies scolaires qui ne correspondent ni à leurs capacités ni à leur potentiel. Par manque de connaissance des troubles du neurodéveloppement, leurs difficultés sont confondues avec un manque de motivation, de travail ou d’aptitudes. Des choix d’orientation sont alors posés davantage pour « sécuriser » le parcours que pour respecter le profil réel de l’élève. Cette méconnaissance enferme certains enfants dans des trajectoires par défaut, éloignées de leurs aspirations, alors même qu’un accompagnement adapté leur permettrait de réussir autrement.
À cela s’ajoute un autre constat, largement partagé sur le terrain : les enseignants, malgré leur engagement et leur bonne volonté, ne sont pas suffisamment formés aux troubles du neurodéveloppement. Les aménagements existent dans les textes, mais leur mise en œuvre dépend trop souvent des moyens disponibles localement et de l’initiative individuelle, plutôt que d’une politique structurée et cohérente.
En tant que professionnelle de l’Éducation nationale, je reçois régulièrement des parents et des élèves confrontés aux mêmes difficultés, au même sentiment d’injustice et d’impuissance. Le parcours scolaire de ces enfants devient rapidement un parcours du combattant dès lors qu’ils sortent du moule. C’est ainsi que se construisent l’échec scolaire, le décrochage, le découragement, et parfois une rupture durable avec l’école.
Peut-on encore parler d’égalité des chances lorsque les moyens ne permettent pas à tous les élèves d’apprendre selon leurs besoins ? Peut-on se satisfaire d’une école dite inclusive lorsque l’inclusion reste largement théorique pour une partie des enfants en situation de handicap ?
Je n’écris pas pour accuser, mais pour alerter. Pour rappeler que ces enfants ne demandent ni passe-droit ni privilège, mais simplement le respect de leurs besoins et de leurs droits. Ils méritent de pouvoir apprendre sans être constamment mis en échec, de se projeter dans l’avenir sans perdre confiance en eux.
Aujourd’hui, je parle comme une mère qui voit son enfant perdre pied, mais aussi comme une professionnelle qui sait que d’autres choix sont possibles. Créer davantage de classes adaptées, former réellement les enseignants, penser des parcours souples et cohérents pour les élèves TDAH et multi-dys : ce ne sont pas des demandes excessives, mais des nécessités éducatives et sociales.
Aider ces enfants, c’est leur permettre de relever la tête, de croire à nouveau en l’école, et de devenir les adultes de demain. Les ignorer, c’est accepter que l’échec scolaire continue de se fabriquer là où l’accompagnement aurait dû être la règle.
Une mère d’un enfant TDAH et multi-dys