
Masque
Quand la peau tendue des tamtams hurlent l’appel, le sol entre en transe en tapant la plante de nos pieds. Nos genoux plient pour garder nos ventres serrés au-dessus de nos hanches molles qui balancent.
La poussière lévite en dessinant les vibrations saccadées a dix centimètres de la latérite rouge sienne, dans l’air sans retomber.
Dicté que par le son, la chair de tout ce qui vit s'agitent en rythme, les poumons décollent du thorax et nos gorges manquent de cesser de s’ouvrir pour respirer. Indépendamment de toute volonté, nos corps se lèvent et se rejoignent les uns derrière les autres, les pieds frappent le sol tremblant en même temps que les mains font battre la peau des tambours.
La chaleur ajoute de la torpeur aux neurones engourdis. Le ciel est blanc rouillé. C’est bon de se sentir porté ainsi sans volonté aucune par cette force commune qui nous lie, nous formons un seul grand animal indestructible.
En face de moi le dos noir de mon amie perle de paillettes de sueur qui scintillent au soleil. Je la sens vibrer davantage cependant que l’odeur musqué des sueurs mêlées inonde nos narines d’un parfum unique, profond qui nous enivre et nous porte, nous poussant à la communion. Ses épaules s'agitent a contretemps en s’arrêtant l’espace d’une respiration pour accompagner les vagues de transe qui la dévorent.
Je sais qu’elle va quitter brusquement la ronde pour se confronter aux musiciens. Son visage s’est crispé pour aider à réunir les forces internes de son corps son essence de vie. Je sens par mes genoux qui touchent ses cuisse à chaque pas à travers les pagnes, sa chaleur et sa force me traverser et par ma chair qui touche par intermittence mon voisin de derrière, je transmets le flux qui a grandi en s’enflant de ma charge… Rien ne peux plus me faire peur nous sommes une unité.
Soudain elle décolle comme un électron libre, se précipite comme happée devant les tambours et part dans une danse en faisant corps avec le rythme endiablé. Sa tête se ballade de haut en bas à faire croire qu’elle va se décrocher. Ses bras agitent les pans de son boubou qui forment des arabesques florales. Elle fait corps avec les tamtams. Je n’ai qu’une envie, c’est de la suivre....et les yeux mi-clos, j’y vais...elle me cède la place en me souriant comme libérée par la danse de toute crispation. Je sais que dans deux minutes je serais comme elle, vidée , épanouie ...
