De violents affrontements se sont déroulés samedi à Dacca, capitale du Bangladesh, entre des ouvriers du textile et la police. Après des mois de grèves et de manifestations pour réclamer l’augmentation de leurs salaires, ces ouvriers, les moins payés du monde dans leur secteur, et qui travaillent pour des grandes marques occidentales, le gouvernement, après une longue sourde oreille, a fini par leur proposer une légère augmentation qu’ils refusent d’emblée.
Sous la pression d’un conflit qui dure et des manifestations violentes qui commencent à s'étendre à l'extérieur de Dacca, le gouvernement, patronat et syndicats ont décidé, à l’issue d’une négociation, de faire passer le salaire mensuel de ces ouvriers du textile de 1.662 takas par mois (19,1 euros) , salaire le plus bas du monde encore une fois, à 3.000 takas (34,5 euros). Décision jugé insuffisante à la fois par les ouvriers et les syndicats, et ils réclament 5.000 takas par mois (55,9 euros) pour «faire face à l'augmentation du coût de la vie». Et ils menacent d’appeler à une grève générale dans pays.
Durant les manifestations de samedi, des milliers d'ouvriers, principalement des ouvrières, ont bloqué les autoroutes, attaqué des usines et saccagé des commerces de Dacca. La police, qui a fait usage de gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc pour disperser les manifestants a fait au moins 50 blessés et plus de 100 manifestants arrêtés, selon les syndicats.
«Plus de 20.000 ouvriers ont quitté leur travail et nombre d'entre eux ont affronté la police à coups de pierres. Nous avons tiré des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes pour les disperser» a indiqué à l'AFP un responsable de la police Nasir Ahmed. «Les manifestants ont également brûlé des pneus, bloqué la route une importante route reliant Dacca au nord du pays, s'en sont pris à des usines et ont contraint des policiers à reculer, au moins 10.000 ouvriers ont bloqué une route au sud de Dacca à Narayanganj». Les propriétaires d'usines étaient obligés de fermer leurs portes, expliquant que «la violence était quelque peu retombée mais que la situation était toujours tendue».
«Le gouvernement a simplement fait ce que les propriétaires des usines veulent, déclare Mosherafa Mishu, représentante du Forum des ouvriers du textile, cette offre n'est pas acceptable» indique la même source.
«Ces chaînes occidentales comme Wal-Mart, Tesco, H&M, Zara, Carrefour, Gap, Marks & Spencer, Levi Strauss, importent l'essentiel de leurs produits textiles du Bangladesh, où l'industrie emploie 3,5 millions de personnes, tout en bénéficiant d'incitations fiscales extrêmement généreuses du coût de production très bas et seul un très faible pourcentage du capital investi profite finalement au pays», constate l'association humanitaire Action Aid. «Le seul chiffre d'affaires d'H&M est supérieur au budget annuel total du gouvernement bangladais» souligne encore cette ONG.
La pauvreté et les conditions sociales déplorables dans ce pays qui compte parmi les plus pauvres du monde expliquent en effet cette attraction des grandes marques internationales qui font fabriquer leurs vêtements dans certaines des 4.000 fabriques textiles au Bangladesh. Coût du travail très bas va de fait avec une rentabilité très haute.
Et comme pour le Bangladesh le travail du textile représente 80% des ses devises, environ 12 milliards de dollars (9,1 milliards d’euros) ce qui est une quasi sinon une totale dépendance économique du pays, étant donné qu’il n’a pas une autre ressource équivalente, alors, des industriels du textile «branché», se permettent en toute conscience d’exploiter des ouvriers, la majorité des ouvrières, à 19 euros par mois, sous le prétexte que la concurrence entre multinationales est très rude dans ce secteur.
En juin dernier uniquement, même si la machine bien rodée de la mondialisation s’est quelque-peu affaiblie ces temps-ci avec «la crise», qui en réalité, il n’y a que les rouages périphériques qui ont cessé de chauffer comme avant, les exportations ont battu un record, en atteignant 1,72 milliard de dollars, un niveau jamais réalisé depuis quarante ans.