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Billet de blog 11 octobre 2010

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Activisme mémoriel ou la Raison devant l’Histoire ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens Combattants, Hubert Falco, vient d’annoncer dans un communiqué de presse, daté du 12 septembre, la création officielle de « La Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc, une Fondation au service de l’histoire. »

Et c’est à Paris, aux Invalides, au Musée de l’Armée et sous les yeux de Napoléon, que cette Fondation « reconnue d’utilité publique par un décret du 3 août 2010, sera installée le mardi 19 octobre prochain par Hubert Falco [...] à cette occasion, son premier conseil d’administration se réunira et élira son président.»

Le communiqué ministériel se veut familier, tranquille et serein, indiquant qu’« En France, plusieurs Fondations mémorielles, consacrées notamment à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, existent déjà [1]. Leur travail, unanimement reconnu, permet l’accès d’un large public à la compréhension d’une époque douloureuse. Et que c’est en s’inspirant de leur modèle qu’a été conçue la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats de Tunisie et du Maroc. Au service de l’histoire, elle aura pour mission de faciliter l’accès du public aux archives, de favoriser les travaux scientifiques français et internationaux, et de transmettre la mémoire d’une période souvent mal connue. »

Faut-il rappeler d’abord, que cette Fondation « pour la mémoire » et «au service de l'histoire », termes de H. Falco, a été inscrite précisément dans la loi controversée du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés », voulue à l'époque par l’ancien président Jacques Chirac. Projet qu’il avait freiné ensuite en raison des tensions soulevées, en France comme en Algérie par les dispositions de l’article 4 de la loi (abrogées depuis), qui recommandaient aux enseignants de vanter auprès de leurs élèves « les aspects positifs de la colonisation ». Sans parler bien entendu de nombreux historiens qui ont dès le départ récusé une telle entreprise, notamment Jean-Charles Jauffret, spécialiste de l’histoire militaire coloniale qui a déclaré à Telerama.fr[2] : « Gilbert Meynier, Benjamin Stora, Jean-Pierre Rioux… nombre d’historiens sérieux, dont le travail sur cette période est reconnu, ont refusé, comme moi, d’entrer au conseil scientifique de cette fondation ».

Il a fallut donc attendre le samedi 31 mars 2007, quand Nicolas Sarkozy, avait reçu une centaine de représentants de harkis à son QG de campagne pour remettre ce projet à l’ordre du jour, déclarant que s’il était élu, il souhaitait « la création rapide » de cette fondation en précisant qu’elle serait « dirigée par les rapatriés pour les rapatriés ».

Une fois élu, le Président de la République relance cette fois concrètement ce projet en décembre 2007 au Palais de l'Élysée devant les associations d’anciens combattants d’Afrique du Nord et de rapatriés harkis auxquelles il avait alors assigné « « cette fondation devra aider à la réconciliation des mémoires : mémoire des anciens combattants, mémoire des rapatriés, mémoire des harkis, mémoire des Algériens, mémoire des historiens ».

C’est ainsi donc, à travers ce processus, et obstination de plus 5 ans durant que ce projet s’est matérialisé. Bref !

L’officialisation maintenant dans quelques jours de cette fondation dont Pierre Nora pense que « La mémoire divise, l'histoire rassemble», elle ne manquerait certainement pas de faire réagir et de faire couler beaucoup d’encre.

Néanmoins, à présent, c’est la Ligue des droits de l'Homme(Toulon) qui s'interroge sur son site internet écrivant que: « L’actualité amène à formuler de nouvelles questions» sur ce projet déterré et qui se demande également sur: « Quel crédit accorder à une fondation créée par un État qui a été incapable à ce jour de reconnaître son implication première et essentielle dans les traumatismes engendrés par la colonisation en Algérie, de dire la vérité sur la disparition de Maurice Audin en 1957, ou de reconnaître sa responsabilité dans le traitement infligé aux harkis ? Et, surtout, souligne la LDHT : « Quel crédit accorder à une fondation dont la mise en place est confiée à un homme politique qui n’hésite pas à faire régulièrement fleurir un monument d’hommage aux Martyrs de l’Algérie française ?

Kateb Yacine, grand écrivain algérien, aimait souvent dire : « Paris est le Balcon du monde » pour illustrer son amour et son admiration pour cette France faite d’une certaine grandeur de vue politique au sens le plus large du terme; il pensait sans doute aux Lumières, à Voltaire, Rousseau et bien d’autre certainement. Jusqu’à la fin de sa vie cet amour et cette admiration sont restés intactes et n'ont pris à aucun moment ride chez Kateb Yacine, dont à contrario, il pouvait trouver moult raisons pour s'en déjuger.

Comme par exemple, lorsqu’il se trouvait incarcéré à Sétif encore tout jeune collégien (15ans) par l’Armée française suite aux manifestations de 1945 en Algérie et que sa mère ne le voyant pas rentrer à la maison familiale, le croyant mort dans les affrontements, elle devint folle, elle perdit la raison pour toujours.

Une douleur vive/ Constamment tenace/ Elle fut pour le jeune Yacine/ Une plaie toujours béante/ Ouverte en permanence/ Sur laquelle Kateb/Avait écrit de fantastiques poèmes/ Dessinés mélodieusement/ Dans son « butin de guerre »/ La langue française…

Le petit Yacine a perdu sa mère qui a perdue la raison, mais Kateb Yacine n'avait pas perdu son Horizon…

[1] Fondations pour la Mémoire de la Shoah, Charles de Gaulle ou de la France Libre

[2] Telerama.fr du 22 septembre 2010

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