Après 70 jours de consultations, Saâd Hariri désigné Premier ministre par le Président Libanais , Michel Souleyman, n'arrive toujours pas à mettre en place son gouvernement. L'opposition représentée par le Hezbollah et le Courant patriotique libre (CPL) et le bloc du Changement et de la réforme de Michel Aoun a rejetée cette équipe gouvernementale Hariri.
Cette opposition reproche à Saâd Hariri de n'avoir pas pris en compte leurs revendications et surtout d'avoir nommé lui-même les ministres issus de l'opposition et défini les portefeuilles qui lui sont destinés. Ce rejet est une prémisse, selon de nombreux observateurs, «d'une nouvelle crise politique au Liban, qui en appelle d'autres au cas où Hariri et les forces intérieures et étrangères ne reviendraient pas à des sentiments sains». Le courant patriotique de Aoun a réagi violemment contre «ce comportement de Hariri», jugé «en contradiction avec la constitution et les usages dans la formation du staff gouvernemental».
Pour l'opposition «la majorité au Parlement, Hariri et ses alliés du bloc du 14 mars qui revendique 72 députés a joué sur cette victoire pour imposer ses vues, en réalité dictées par des parties extérieures». Celle-ci, se dit deçue de lui avoir refusé des ministères sollicités comme celui de l'Energie et des Ressources Hydrauliques et les télécoms occupés par Gébran Bassil, qui a été dégommé malgré la confiance dont il jouit dans son bloc. Pour elle, «La mise à l'écart de Bassil serait liée à sa campagne d'assainissement au sein de ce département où il a réussi à écarter des affaires de gros bonnets au service de milieux mafieux. Le chef du courant patriotique libre dit ne pas accepter de «changer les principes démocratiques qui organisent la relation entre les partis et la présidence du cabinet». Michel Aoun a estimé pour sa part que «nul n'a droit de nommer les noms des ministres d'un parti quelconque qui veut participer au gouvernement sans consulter l'avis de ce parti», faisant valoir que «la nomination des ministres sans consulter les partis est un dépassement des normes démocratiques et une volonté d'imposer les choses» et que Hariri, selon Aoun, «ne veut pas former un gouvernement mais il cherche à s'amuser et à jouer avec la structure ministérielle selon son humeur». Plus acéré encore, Michel Aoun a indiqué que «si Hariri veut créer de nouvelles habitudes dans la formation de gouvernement, qu'il cherche quelqu'un d'autre pour le faire avec lui», et il a, à cet attention, appelé les membres du bloc du changement et de la Réforme, présents dans l'équipe ministérielle présentée par Hariri, «à démissionner immédiatement».
Face à ce blocage, les représentants de la majorité, tout comme Hariri, assurent que l'exécutif présenté au chef de l'État est un gouvernement d'union nationale, constitué de 15 ministres de la majorité, 10 de l'opposition et 5 réservés au président de la République. Mais l'opposition sentence de n'avoir bénéficié que de 9 portefeuilles et elle n'en a pas eu la liberté de désigner elle-même ses représentants à ce gouvernement.
Dans ce jeu oriental compliqué, les représentants de la majorité ripostent à l'opposition de «rejeter cette équipe sous la pression de la Syrie et de l'Iran», un de ses député a fait savoir que lors des consultations, «tout le monde a vu les nombreux va-et-vient chez Hariri, des ambassadeurs d'Arabie Saoudite et des États-Unis, assurant que leurs vis-à-vis syrien et iranien qu'on accuse de tous les maux, étaient bien chez eux». «Lors des consultations», insiste la majorité, «Hariri lui-même a affirmé que le Hezbollah allait participer au futur gouvernement d'union, soutenant que le Liban a besoin d'un gouvernement uni afin de régler les problèmes économiques et sociaux du pays et pouvoir lutter contre les menaces israéliennes». Et pour, une fois de plus, tenter de convaincre de sa bonne foi, cette majorité a annoncée que « Hariri a même défié Israël en lui faisant savoir qu'il n'allait pasempêcherr le mouvement chiite à être au gouvernement» .
Une situation aussi confuse que décousue, elle fait dire à un journal proche de l'opposition que « Le pays est entré dans une période très délicate à la lumière de la décision incompréhensible du Premier ministre désigné». Ce même journal rapporte que «cette situation ouvre la voie à de nouvelles crises», appelant le président Souleymane à devoir «désamorcer cette bombe». Du côté du Hezbollah , son leader, Hassan Nasrallah, a estimé que «la manière de faire de Hariri compliquait davantage la situation dans le pays», et on tout état de cause son camp «fera face à cette mesure inadéquate en toute solidarité».
Faut-il rappeler que le Liban avait été ainsi paralysé durant plus d'une année faute d'entente sur un gouvernement d’union nationale, en 2007, avant que cette crise d'alors ne débouche sur des affrontements armés et sanglants entre les deux camps en mai 2008 justement entre les partisans de M.Hariri et ceux du Hezbollah..
Ces menaces plutôt réelles, ont fait en effet réagir le chef de l'État libanais, on déclarant face à ce probable chaos il voudrait mieux «sauver le Liban», et il avait mis l'accent sur «la nécessité de former un cabinet équilibré puisqu'un gouvernement extrémiste sera probablement déclencheur de crise qui ouvrira à son tour le chemin aux ingérences étrangères», avait-il indiqué. Mais entre temps, devant cette impasse à former un gouvernement, Saâd Hariri, a renoncé à être Premier ministre jeudi dernier, c'est-à-dire 4 jours après avoir présenté son équipe au Président que l'opposition a ajournée. Ce qui a évidement embarrassé et aggravé encore un peu plus la situation politique au Liban et qui fait voir de nouveau le retour des violences à de nombreux observateurs dans ce pays. Car à la suite de la décision de M.Hariri, la crainte pour la sécurité est palpable. «Des barrages de l’armée, chargée du maintien de l’ordre, étaient visibles jeudi soir sur la route de l’aéroport international de Beyrouth» écrit le quotidien proche de la minorité As Safir qui mettait en garde contre «des discours extrémistes à caractère confessionnel qui auraient un impact négatif dans la rue». Tout en poursuivant, «Il y a des signes de tension dans la région qui se répercutent sur la scène libanaise. Il y aura certainement une escalade car personne ne semble être prêt à faire des compromis. Il y a une sorte d’immobilisme régional, et tant qu’il n’y a pas un grand événement qui fait basculer la situation (...), rien ne sera résolu au Liban». En revanche, pour certains analystes libanais, «il n'y aura pas de violences car il n'y a pas de feu vert régional pour que l'instabilité règne au Liban». Qui ajoutent qu'«aucune partie n'a intérêt à ce que les choses explosent et les deux camps se contenteront de manœuvres politiques locales pour un temps indéfini».
Même sérénité chez Karim Makdessi, professeur de sciences politiques à l’Université américaine de Beyrouth (AUB) qui affirme que «Personne, ni au Liban, ni à l’étranger, n’a intérêt à ce que les combats reprennent dans la rue», souligne le professeur de l’AUB, en référence bien entendu aux heurts sanglants qui ont éclaté en mai 2008. Saâd Hariri «veut être renommé chef du gouvernement.» poursuit Karim Makdessi, «la minorité ne prendra pas le risque de proposer un leader sunnite de son camp», il ajoute qu' «il reviendra également avec plus de soutien international et, notamment des États-Unis, car il y a une peur que la crise ne s’aggrave», en dépit de la confiance affichée jeudi par Washington, conclut-il.
Certes, d'abord que pendant que Saâd Hariri jette l'éponge, le Président Souleyman consulte l'opposition pour trouver un terrain d'entente aux différents litiges qui bloquent. Et la presse, les hommes politiques et les analystes, de leur côté, disent unanimement ou presque que «le chef de la majorité devrait être reconduit à ce poste réservé aux sunnites, à l’issue des consultations que doit entamer rapidement le président de la République avec les députés». Le journal Al Akhbar, dit même que M.Hariri «va être désigné de nouveau mardi». Sans que ce quotidien proche de la minorité ne donne toutefois ses sources.
Ensuite, il est vrai, que Hariri et son camp doivent veiller à leurs intérêts au Liban. «Le pouvoir au Liban lui permet d'assurer le fonctionnement de ses entreprises installées sur tout le territoire libanais et qui lui génèrent des milliards (Solidaire, Ogéro, Sukleen…)», relèvent les observateurs.
Et enfin, est-ce que le Hezbollah se veut de cet avis ? Qui déjà, commence à dévoiler «les intentions de Hariri qui chercherait, à mettre à exécution avec l'aide de parties étrangères influentes, la décision de désarmer notre mouvement de résistance comme le veulent les puissances occidentales et Israël».