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Billet de blog 15 juillet 2009

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Algérie: tristesse sur tristesse...

Ce qui est triste, aussi triste que le sort réservé aux moines de Tibérihine, c'est la position dans laquelle s'est tenue la presse algérienne

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce qui est triste, aussi triste que le sort réservé aux moines de Tibérihine, c'est la position dans laquelle s'est tenue la presse algérienne dans cette affaire depuis son rebondissement il y a maintenant deux semaines. Elle s’est installée confortablement dans une espèce d'union nationale sacrée à croire que nous sommes revenus aux temps des hostilités froides et de guerre larvée face à cette histoire qui ne cherche que vérité.

Une presse, faut-il le souligner, complètement en déphasage avec l’opinion public algérienne, l'opinion à laquelle elle s'adresse, que ce soit sur cette affaire des moines ou sur bien d’autres de même nature qui caractérisent cette fameuse «décennie noir» en Algérie. Bref !

En effet, la majorité des algériens pense que ce n'est pas impensable que l'armée algérienne ne soit responsable de cette énième «bavure». Comme, bien entendu, il y a ceux et celles qui sont dans l'expectative et suivent calmement le déroulement et l'évolution de cette enquête lancée à Paris puisque maintenant l’affaire des moines de Tibérinne est entre les mains de la justice. Tout en espérant, souhaitant de part et d'autre, car il faut le dire, et le marteler, qu’au moins, sur celle-là, sur ce cas, nous allons savoir clairement les choses, comment elles se sont produites et qui sont les égorgeurs des moines trappistes de Médéa.

En revanche, pour la presse algérienne: le doute il n’y a pas ! Les moines sont assassinés par le GIA. Le GIA, auteur de cet assassinat, avait assumé et il avait revendiqué son acte… il en a même publié un communiqué… c’est dans son 44è communiqué. Par conséquent, circulez il n y a rien à voir. C’est une affaire classée bien classée depuis longtemps.

Pour la presse algérienne, tout le reste, c’est des agressions verbales, des provocations et agaceries de la part de la presse française, de la part des militaires en mal être, complètement déglingués, ratés, pommés qui tentent de déstabiliser le pays à peine il commence à panser ses blessures.

La presse algérienne voit dans cette enquête une opération de fourberies de l'ancienne puissance coloniale.

Ainsi est l’esprit de la presse dans ce pays. Ainsi que la presse écrite et sans exception, procède t-elle en remplissant pages sur pages pour souffler sur les braises des réflexes et instincts archaïques afin de rendre ce chemin de la vérité encore plus sinueux.

Ainsi est le journalisme en Algérie. Un journalisme figé, glacé, coagulé, aveuglement partisan, aveuglement conspirateur.

Dans cet état-là est la presse de ce pays même depuis les «années de braises» de cette «guerre contre les civiles» en se laissant séduire par des liens, d'aller retour, de va-et-vient, et de proximité complaisante avec les décideurs. Avec, d'une part, des journalistes dans les casernes pour écrire billets et articles et, d'autre part, des militaires dans des rédactions pour répandre et prodiguer et roueries et finasseries. Ceci n’est un secret pour personne.

Aujourd’hui,13 ans après, sur cette funeste affaire de Tibérinne, la presse algérienne persiste et signe, pour elle, il y a aucune vérité à rechercher, à savoir, à déterrer, à montrer, à démontrer à l’opinion public.

Aucun assassinat, aucune «bavure», aucune faute ne pouvait venir des militaires algériens

Pathétique ...!

Cependant, faut-il rappeler, que les doutes, qui recommencent depuis quelques jours «dieu merci», à prendre une sérieuse tournure à Paris sur la thèse officielle des assassins des moines sont aussi des doutes du Président Boutéflika.

Bouteflika, ne fut-il pas le premier personnage politique important des deux pays concernés par cette affaire, à dire publiquement ses doutes, bien avant le Général « raté...», bien avant le Président Sarkosy qui « provoque...».

Qu'avait répondu Bouteflika le 24 mars 2004 alors candidat à sa propre succession, au journal continu de tf1, lci, à la question concernant justement les moines de Tibérinne, il avait dit ceci, citons-le: "Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire". «C'est flou pour l'instant». «Lorsque j'aurai toutes les informations je les dirai».

Diable ! Ne veut-il pas dire sans ambages que tout ce qu’on nous raconte sur l’assassinat des moines depuis 1996, paraît peu crédible sinon pas crédible du tout ?

«C’est flou…»: il y a des zones d’ombres …

«Pour l'instant.»: ne mérite pas, ne nécessite pas, n’introduit pas, n’implique pas forcément d’autres recherches, d’autres questions, d’autres pistes, curiosités, investigations.

Pour dépasser «pour l'instant.» et aller trouver «toutes les informations…» ce n’est pas avec de nouvelles recherches, de nouvelles questions, de nouvelles pistes, de nouvelles curiosités toutes permises, de nouvelles investigations pour lesquelles toutes les portes doivent être ouvertes, entrouvertes pour qu’enfin une enquête aille sereinement à son terme et qu'un procès ait lieu. Un procès de l'importance de l'événement ! un procès de hauteur !

Pour qu’à ce point aucun journal, un seul, un seul article ne s'arrête afin de prendre du recul, distance et méditer ces doutes et questions qui entourent l'assassinat des moines suite même aux propos de bouteflika rend bien compte évidemment, de la réalité clanique du Pouvoir en Algréie. Toutesfois, soulignons au passage, que le but de cet écrit n'est pas de rentrer dans le détail des raisons objectives ou subjectives qui ont mené Bouteflika à faire cette déclaration aussi brûlante en 2004 à ce sujet, à savoir le bras droit que lui faisaient certains généraux pour l'empêcher de briguer un deuxième mandat à cette époque là, ni à rentrer non plus dans le détail des raisons pouvant mener le Président Sarkozy à promettre d'ouvrir «le secret défense» à savoir «l'affaireKarachi» à laquelle il serait lié.

Mais qu'attendent ces journaux algériens pour traîner Boutef dans la boue, de le rouler dans la haine et ignominie comme ils le font, ces jours-ci, de ceux qui osent dire: non ! Non, sur les moines trappistes de Tibérinne nous savons pas encore, ergo nous devons aller et marcher pour savoir. Chercher à savoir. Chercher les preuves. Trouver les preuves. Creuser creuser pour que la vérité éclate, pour que la vérité vive... Pour qu'une telle chose ne recommence.

Ne désespérant pas !

Aucune sainte famille, aucune alliance sacrée, nationale ou internationale ne doit perturber, troubler ou brouiller la recherche de la vérité sur quelque soit l’affaire quand elle nous concerne tous, quand elle nous implique tous. Cette injustice faites aux moines de Tibériennes est belle et bien une injustice faite à nous tous, en dehors même de leur croyance religieuse, de leur origine, en dehors des convictions et idéaux pour lesquelles ils œuvraient et pour lesquelles ils se sont sacrifiés. La justice que l’on peut, que l’on doit leur rendre est avant tout de savoir, de connaître et de comprendre par les faits que par des faits vérifiés et revérifiés, pour qu'ensuite en finir avec ces suppositions d’opinions ou de convictions diverses et variées et pour qu'enfin, enfin ils seront et nous serons tranquilles...

Autre salut de Devoir que celui-là, il n' y a pas. Faire grandir ce pays et faire grandir sa démocratie commence d’abord par faire grandir son parler reposant sur des actes et faits dont, entre vos mains et votre conscience, vous avez la plus grande et prestigieuse responsabilité.

Nous savons que votre tache est loin d’être mince, ou sans embûches, nous mesurons aussi combien que ça coûte ce métier dans ce pays, comme dans tant d’autres, seulement, sachez que dans les moindres recoins de ce pays, en Algérie, il y a des millions et des millions d’humains et de lecteurs qui ont soif de cette plume qui nuance, de cette plume qui prend du recul face aux événements complexes ou aux dires de camouflage, donc, d’une plume qui ne fait pas plaisir quand aucune raison de transparence ne le permet. Une plume qui ne cache pas, qui ne cache rien à l’opinion, de ce dont elle doit prendre connaissance. Une plume sans complaisance ni connivence.

Le monde aussi vous lit, vous regarde souvent avec admiration et confiance, il attend à ce que vous élevez ce pays, ses libertés, sa démocratie, ce, est un devoir et raison professionnelle de la presse digne de ce nom.

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