De Bruxelles à Ahènes la contestation se généralise. Dans toute l'Europe les syndicats donnent dors et déjà de la voix pour protester contre les mesures de rigueur imposées par les gouvernements nationaux pour réduire leurs déficits publics.
A Bruxelles, la Confédération européenne des syndicats (CES) et les trois principales organisations syndicales belges ont symboliquement réuni, hier, environ 300 manifestants devant le siège de la Commission européenne à l'occasion d'une « journée européenne d'action contre la rigueur ».
« Ces plans d'austérité sont injustes, ils frappent les victimes de la crise et pas les responsables, Les banquiers continuent à empocher les bénéfices et à mutualiser les pertes » a déclaré hier Claude Rolin, secrétaire général de la CSC, premier syndicat belge.Même constat pour le secrétaire général de la CES, John Monks, « Les bonus pleuvent en cette fin d'année, et le contraste entre richesse privée et austérité publique n'en est que plus évident » regrette-il, avant d'ajouter: « La solution que nous devons chercher n'est pas l'austérité, mais la voie de la croissance. »
La CES organise aussi aujourd'hui une autre action de protestation à la même place et même lieu, où se réuniront les chefs d'État et de gouvernement de l'UE pour discuter de cette crise qui ébranle les pays de la zone euro. Des syndicalistes comptent former une sorte de ceinture humaine, symbole de la rigueur budgétaire, autour de l'entrée du bâtiment de la Commission européenne « pour dire non à l'austérité pour tous et aux bonus pour quelques-uns ».
En France, la CFDT, CGT, FSU, Solidaires et Unsa-autonome organisent, aujourd'hui des initiatives unitaires dans plusieurs dizaines de localités. À Strasbourg, les manifestants se rendront devant le Parlement européen. À Paris, ils iront devant le ministère de l'Economie et des finances. En République tchèque, c'est les policiers pompiers qui organisent une manifestation aujourd'hui à Prague pour dénoncer un projet de budget d'austérité pour 2011. D'après la CES, d'autres actions sont également programmées au Danemark. En Espagne le mouvement se poursuit avec de nouvelles manifestations le samedi prochain.
Hier, c'est en Grèce, que les syndicats ont une nouvelle fois fortement mobilisé pour une grève générale de 24 h. La septième en un an, a donc de nouveau paralysé le pays. Une foule massive, colorée, déterminée, où chaque syndicat avait son cortège, a rejoint le centre d’Athènes, avec une banderole de tête: « Ca suffit, ce n’est plus supportable ».
En revanche, quelques affrontements ont eu lieu tout de même dans le centre d’Athènes, près du Parlement, entre les forces antiémeutes et des groupes de jeunes encagoulés et armés de barres en bois, qui jetaient des cocktails Molotov, au milieu de nuages de gaz lacrymogènes et de jets de fragments du marbre utilisé pour paver les trottoirs. Un député et ancien ministre de droite, Costis Hadzidakis, a été molesté toujours à Athènes par des manifestants, avant d’être mis à l’abri par les forces de l’ordre, tandis que certaines personnes criaient « voleurs ! Voleurs ! ».
Mais le mécontentement est profond dans le pays. Tellement profond que le vote régional et municipal de novembre dernier s'est vu sanctionné par une abstention sans précédent. Elle a dépassé les 50% au niveau national et 75% dans la région d’Athènes. Tout simplement du jamais vu pour un pays où le vote est obligatoire.
Les Grecs s’interrogent sur l’efficacité de ces réformes en cascade et sans fin. Culpabilisés sur leur mode de vie et leur mode de production « farniente », ils veulent bien participer à « l’effort » du gouvernement pour « une Grèce nouvelle », en acceptant certains sacrifices, mais ils veulent aussi que tout cela n'épargnent personne. Or, ce sont que les salariés et les retraités de façon générale qui sont particulièrement mis au régime et au pain sec. Le gouvernement ne s’attaque pas à la corruption au plus haut niveau politique et économique et le clientélisme comme le scandaient hier les manifestants: « Ce n’est pas nous qui avons volé, ce n’est pas à nous de payer ».
Sous le titre de « Mesures urgentes d'application du plan de redressement », cinq lois précarisant considérablement le marché du travail dans le secteur privé ont encore été votées, mardi. Avec les nouveaux contrats de travail spéciaux d'entreprise (EESSE) qui priment désormais sur les conventions collectives de branche, la baisse de salaires institutionnalisée pour les jeunes avec un SMIC au rabais de 740 euros, les heures supplémentaires désormais payées comme les heures normales, les samedi ne sont plus fériés, la période d’essai passe à 12 mois, le préavis de licenciement est limité à 1 mois. Un « Retour au Moyen-âge », titraient hier les journaux du pays.
Ces réformes, entre autre, sont réclamées par l'Union européenne et le FMI en préalable au déblocage, en février, de la quatrième tranche du prêt consenti à la Grèce (15 milliards sur 110 milliards d'euros au total).
A noter enfin qu'au moment où « Les syndicats européens demandent aux gouvernements de ne plus démanteler notre Europe sociale », comme l'avait soulignéle secrétaire général de la CES, John Monks, le patron du FMI, DominiqueStrauss Kahn, lui, a plaidé de son côté pour une poursuite, en Grèce, des réformes entamées en 2010, dans une interview publiée en anglais par le quotidien Khathimerini.