La manifestation « pour la démocratie » de samedi à laquelle a appelé le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), s’est vue brutalement réprimé par les forces de sécurité à Alger.
Sans lésiner sur aucun moyen, le pouvoir a déroulé un arsenal répressif digne de « la Bataille d’Alger », cette autre opération coloniale dont a fait œuvre le général Jaques Massu en 1957, pour venir à bout de cette manifestation qui avait comme revendications « la levée de l’Etat d’urgence, en vigueur depuis 1992, la restauration des libertés, et la dissolution des institutions élues ».
Les policiers se comptaient en centaine, on parle de 15 000 hommes, dépêchés pour l'occasion des autres départements pour quadriller la capitale. Des fourgons et forces anti-émeutes, camions à jet d’eau, police en civil et des hélicoptères qui survolaient la ville toute la journée. Impressionnant en effet, samedi, à Alger, on se croirait être en guerre. Une folle agitation s’est emparée de la ville.
« Tout Alger, ses principales artères, ses bâtiments officiels, ses accès, ses venelles étaient sévèrement contrôlés par des dizaines de camions de police (…), Ainsi, à proximité du Palais du gouvernement, de la présidence de la République , de l’Assemblée populaire nationale (APN), de la Cour d’Alger et de nombreuses institutions, différents engins des services de sécurité ainsi que des camions de la Protection civile et des ambulances ont pris place dès les premières heures de la journée, tandis qu’un hélicoptère ne cessait de bourdonner dans le ciel. Un véritable climat de guerre régnait sur la capitale. Outre cet attirail, on pouvait remarquer un cordon de 4x4 Toyota de couleur noire, une vingtaine environ, déployé le long de la rue Didouche Mourad. Il s’agit d’éléments de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI), une unité d’élite de la police spécialisée dans la lutte contre le… crime organisé », note El Watan dans son édition d'hier. Les brigades anti-émeutes ont été aussi installées en nombre important autour des résidences universitaires pour empêcher les étudiants de se rendre à la marche. Tout comme également dans des quartiers de Bab El-Oued et Belcourt. Ce spectaculaire dispositif guerrier fut installé la veille de la manifestation, vendredi soir, pour que dès les premières heures de samedi soit opérationnel.
La place du 1er Mai, d’où devait normalement s’ébranler la marche en direction du siège de l’Assemblée Nationale Populaire (APN), un nombre important de camions des brigades anti-émeutes quadrillait la place. Des barrages de la Police sur les axes entrants à Alger sont installés tôt le matin pour filtrer les véhicules et les passagers leur faisant subir des fouilles assez poussées. Pour les plus jeunes d’entre eux, ils ont été interrogés durant de longues minutes. A l’est d’Alger les navettes des trains ont été purement et simplement suspendues. Sur les routes venants de Boumerdès, Tizi-Ouzou, Béjaïa, et Bouira ont été paralysées par des embouteillages monstres, des heures durant, provoqués par des barrages filtrants des policiers qui ont bloqués centaines de véhicules et bus de manifestants en route vers Alger. Le Soir d’Algérie daté de dimanche souligne que: « Les véhicules immatriculés dans les wilayas de Tizi-Ouzou, Béjaïa, Boumerdès, Bouira, ou encore Bordj- Bou-Arréridj et Sétif sont arrêtés » pour bien sûr leur donner ordre de retourner chez eux.
Plusieurs organes de presse algérienne ont rapporté que des policiers en civils sont même allés dans des gares routières de Blida et Boufarik, à quelques encablures d’Alger, pour les évacuer et expliquer « aux rodeurs » qu’il n’était pas de leur intérêt d’y être. Les gares ferroviaires leurs portes et les guichets ont été fermées. Les quelques agents qui se trouvaient sur place ont reconnu avoir reçus des directives bien précises, note un quotidien. « Aujourd’hui, pas de train pour que personne ne puisse aller à la marche », a confié un fonctionnaire à la gare de Birtouta, à quelques kilomètres d’Alger, au journal El Watan.
Empêchée, du coup, ce qui devait être une manifestation, initiative d'un Parti institutionnel de surcroît avec de nombreux élus locaux: municipaux, régionaux et départementaux avec même un groupe à l'APN , elle s'est transformé en un rassemblement de 35 camions de police et pas moins de 300 policiers équipés de boucliers et de bâtons installés tôt le matin Avenue Didouche Mourad où se trouve le siège de la fédération d'Alger du RCD, en bouclant à l'asphyxie l'entrée du site où se trouvaient quelques militants et sympathisants du Parti. Impossible de se frayer un chemin pour sortir, un rideau bleu infranchissable devant la porte d'entrée bouchée par des légionnaires manifestement qui ont reçu l'ordre de réprimer toute tentative d'occupation de la rue où se trouve même le local du Parti.
Ainsi à l'intérieur du siège sont retenus en otages par des policiers une centaine d'étudiants, de militants, des syndicalistes, même des journalistes venus couvrir l'événement. Face à cette situation dans laquelle se trouvaient toutes ces personnes, certaines d'entre-elles, du balcon du siège, ont balancés sur les forces de l'ordre, des chaises, des pieds de tables, des pierres et des bouteilles; il y a eu même celles qui ont nargué ce barrage humain de policiers et qui ont pu sortir dans la rue brandissant le drapeau national et le drapeau tunisien en scandant «Pouvoir assassin», «Pouvoir dégage» ou encore «Djazair Hourra Democratia » (Algérie libre et démocratique).
Cependant cette réprimande a tout de suite tourné à l'affrontement général. Le face-à-face a duré une trentaine de minutes. Plusieurs blessés sont signalés du côté des manifestants tout comme de celui de la police.
Le ministère de l'intérieur, dans un communiqué, a indiqué dans la soirée que « ces évènements ont entraîné un bilan de 8 blessés parmi les policiers, dont 2 grièvement, et 11 autres parmi les manifestants et les passants, tous traités sur place », soulignant également que des militants du RCD ont été blessés à l’intérieur du siège du Parti suite à des bousculades, sans donner de chiffre, que le RCD dénombre de 42 blessés dans 2 graves. Et les 9 personnes arrêtées pour « voies de fait » ou encore pour « port d’armes blanches prohibées » ont toutes été relâché dans la soirée.
Une démonstration de force qui en dit long, et à travers cette folle armada sécuritaire déroulée samedi à Alger, le pouvoir, en fait, cache très mal son profond malaise, et une trouille froide et qu'un soulèvement populaire comme celui en Tunisie hante le régime. C'est pourquoi, aussi, d'ailleurs, pour faire baisser toute cette tension perceptible dans toutes les villes du pays, et après avoir baisser certains prix de produits de large consommations, le pouvoir songe, semble-t-il, à un changement de gouvernement, murmure-t-il en tout. Une startégie de l'opium et le bâton ! Ecoutons Said Saadi, Président du RCD: « Je n’ai jamais vu un tel déploiement des forces de sécurité à Alger. Cela me rappelle deux événements. La Bataille d’Alger au cours de laquelle le général Massu a déployé un arsenal militaire pour boucler la capitale et mater l’insurrection algérienne. L’autre événement est le Coup d’Etat du 19 juin 1965 où l’armée de Boumediene s’est déployée pour renverser le président Ben Bella. Même durant les années de terrorisme des années 1990, le pouvoir n’a pas étalé en une seule journée autant de policiers et de gendarmes », a-t-il déclaré au DNA à qui il a donné une interview suite à cet événement d'Alger la blanche.
Une autre marche est encours de préparation pour le 9 février, à Alger, à laquelle se sont associés plusieurs Partis politiques, des syndicats autonomes, la Ligue pour la Défense des droits de l'Homme, etc,.