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Billet de blog 25 février 2010

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Sarkozy au Rwanda: « Une défaite de l'humanité entière »

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Arrivé en provenance du Gabon via le Mali, où il avait effectué une escale nocturne, le président français a entamé, aujourd'hui, une courte visite de 3 heures au Rwanda par ce mémorial où sont inhumés les restes de 280.000 victimes des événements de 1994.

Après s'être incliné devant une fosse collective, il a passé une vingtaine de minutes dans les salles du bâtiment où sont retracés la genèse et le déroulement du massacre de quelque 800.000 Rwandais pour la plupart d'ethnie tutsie, par des milices de la majorité hutue. S'y succèdent des séries de photos sur les atrocités commises dans ce petit pays d'Afrique des Grands Lacs accompagnées de panneaux explicatifs, de portraits de victimes et d'orphelins du conflit.

Nicolas Sarkozy [1] a suivi sans rien dire des explications d'un guide, même quand celui-ci s'est arrêté devant un panneau mettant en cause la France et son dispositif sur place, baptisé Turquoise, accusés par les autorités de Kigali d'avoir aidé le pouvoir hutu alors en place.

« On peut voir là que l'armée française a formé des milices hutues, a dit le guide en montrant une photo de militaires de l'opération Turquoise La France a joué un rôle actif en armant et en entraînant les forces armées rwandaises pendant la guerre civile. » accompagnant en jeep une troupe de civils armés de fusils en bois. Le commentaire qui accompagne le cliché est éloquent : «Dès lors que les rebelles du Front patriotique rwandais, qui forment l'ossature du pouvoir aujourd'hui à Kigali, ont gagné du terrain, l'opération Turquoise aboutit à la création d'une zone hors danger pour les génocidaires (...) et une route d'évasion vers le Zaïre/République Démocratique du Congos » pays voisin, lit-on encore.

La France a toujours contesté ces accusations, sources de graves tensions depuis plusieurs années avec le Rwanda.

Nicolas Sarkozy n'a rien dit non plus quand son guide a souligné que « Kofi Annan, le secrétaire général de l'Onu à l'époque, avait depuis présenté ses excuses en reconnaissant avoir sous-estimé la gravité des événements. »

Devant une photographie montrant un véhicule militaire français passant devant un groupe de civils armés de fusils, accompagné d’une légende indiquant que « la France a joué un rôle en armant et en entraînant les forces armées rwandaises », le guide lui a lancé : « ici, c’est la responsabilité des Français. » Nicolas Sarkozy est resté muet.

Sur le livre d'or du mémorial où gisent les corps de 280.000 victimes le Président Sarkozy écrit: « Au nom du peuple français, je m'incline devant les victimes du génocide des Tutsis. L'Humanité conservera à jamais la mémoire de ces innocents et de leur martyre. »

Dans une conférence de presse commune avec son homologue Paul Kagamé il a reconnu que « Ce qui s'est passé ici a laissé une trace absolument indélébile. Ce qui s'est passé ici est inacceptable et oblige la communauté internationale dont la France à réfléchir à ses erreurs, qui l'ont empêché de prévenir ce crime épouvantable. La France a commis des erreurs d'appréciation, des erreurs politiques aux conséquences absolument dramatiques. »

Prié de dire quelles étaient les erreurs que la France pouvaient se reprocher, le président français a répondu : « Graves erreurs d'appréciation, forme d'aveuglement quand nous n'avons pas vu la dimension génocidaire du gouvernement du président (Juvénal Habyarimana) qui a été assassiné, erreurs dans une opération (militaire) Turquoise engagée trop tardivement et sans doute trop peu. »

A la question de savoir pourquoi la France, à l'image de pays comme la Belgique n'avait pas présenté d'excuses officielles, il a répondu que chaque pays avait son histoire et qu'il n'était pas venu à Kigali « pour une course au vocabulaire. »

Il a juste évoqué « des erreurs d’appréciation, des erreurs politiques au moment du génocide et il a également demandé à ce que tous les responsables soient retrouvés et punis. »

Pas de commentaires en revanche de Nicolas Sarkozy sur les accusations du régime rwandais. L’actuel gouvernement soutien que la France a soutenu les génocidaires.
L’objectif affiché de Nicolas Sarkozy : « se tourner vers l’avenir sans oublier le passé. » Pour explorer ces 16 années d’histoires troubles les délégations françaises et rwandaises devraient discuter de la proposition faite ce week-end par Bernard Kouchner. Le ministre des affaires étrangères, qui a des liens forts avec Paul Kagamé, a proposé dans le Journal du Dimanche de créer « une commission d’historiens pour établir ce qui s’est passé alors. »

Au programme des discussions de demain aussi, les contours d’un nouveau départ bilatéral entre les deux pays. La France n’oublie pas que la région des Grands lacs a un sous-sol minier riche, notamment à la frontière du Kivu congolais. Nicolas Sarkozy devrait ensuite proposer la tenue d’une conférence pour relancer la coopération économique dans la région des Grands lacs. Elle pourrait débuter en mai à l’occasion du sommet Afrique-France à Nice.

[1} Les informations sur le déroulement de la visite guidée de Nicolas Sarkozy

dans le Mémoriel des vicrimes du génocide sont données par l'Agence Reuters

* Pour m'écrire en privé: azallyes@yahoo.fr

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