Les travaux entamés le 21 mai par la commission chargée de conduire les consultations autour des réformes politiques déclinées par le chef de l’État algérien, Abdelaziz Bouteflika, dans son fameux « discours du 15 avril » sont achevés le 21 juin.
Chargée de recueillir les propositions des partis politiques, des personnalités nationales, des partenaires sociaux et des organisations de la société civile, autour des lois que le pouvoir veut réviser (la loi sur les partis, la loi sur les associations, le code de l’information et le code électoral), la commission en question aurait reçu,dit-on, « quelque 250 personnalités et une cinquantaine de mémorandums », selon la presse locale.
Emmenée par le président du Sénat Abdelkader Bensalah (vétéran du FLN) et deux conseillés présidentiels, Mohammed Touati, général à la retraite et Mohamed Boughazi, la commission devra, d'ici début juillet, finaliser son rapport pour le remettre au chef de l’État.
Ce bal de consultations se résume au juste à un tête-à-tête entre-soi auquel la rue algérienne dans son ensemble affiche une indifférence totale sachant précisément le mobile et l'objectif de ce « cirque politique ». Le Maghreb Émergent qui s'est rendu dans les quartiers d'Alger écrit ceci dans son édition du 21 mai: « La rue algérienne semble complètement déconnectée de cette initiative de reformes. Les jeunes en particulier affichent un désintérêt total». "Ce que ces politiciens racontent est le dernier de mes soucis",« nous confie un jeune dans un café au centre d’Alger. Beaucoup d’Algériens, plus intéressés par ce qui se passent en Libye, ne savent pas que Bensalah anime des consultations à la présidence ». Une « opération de maquillage » qui ne trompe personne.
Qualitativement et quantitativement, l'opposition politique du pays voit dans cette initiative de Bouteflika une pure manœuvre politique. Une machination d'autocrate. Une diversion bureaucratique. A qui ferait-on croire un seul instant de la sincérité du projet de changement Institutionnel de surcroît recommandé par un chef d’État qui a osé amender la Constitution, pas au début des années 60, ni dans les années 70, mais le 12 novembre 2008 -abrogation de l'article 74 de la Constitution qui limitait à deux le mandat présidentiel-, rien que pour et essentiellement s'offrir un troisième mandat (1999 avec un score à la saddam hussein de 90,24%), et ouvrir ainsi la porte à la présidence à vie du chef de l’État alors en exercice. Même Vladimir Poutine en Russie a su très justement faire économie d'une telle indécence politique qui nous rappelle désagréablement: Saddam, Ben Ali, Moubarak, Kadhafi...
«Le problème de l’Algérie n’est pas dans les lois mais dans leur application sur le terrain » a clamé le leader du FFS, lors d’un meeting populaire qu’il a animé à El Harrach, banlieue est d’Alger juste après l'annonce de cette mascarade de consultation présidentielle. En critiquant vertement la désignation du président du Sénat à la tète de l’instance des consultations que son parti a boycotté, Karim Tabou, dira qu' « Il est impératif de nettoyer le paysage politique de ces gens, venus dans un contexte d’état d’urgence et de violence ».
Le RCD aussi a rejeté cette consultation, la qualifiant de « monologue contre le changement ». Selon le ME le parti de Saïd Saadi a dénoncé dans un communiqué rendu public le 18 mai, «le fait que les invitations au dialogue soient émises par le ministère de l’Intérieur », et que « Le RCD a considéré que toute participation à des élucubrations serait synonyme de complicité du remaniement et du détournement de la volonté du peuple».
Même refus chez ces militants des droits de l’homme, comme Ali Yahia Abdennour, ancien ministre de la Justice, président d'honneur de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), Me Mustapha Bouchachi, président de la LADDH, deux des initiateurs de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), qui a tenté de mobiliser la rue dans le sillage des révolutions qui secouent la région.
La conviction de ces derniers c'est qu’il n’est pas possible de réformer avec le système en place, par conséquent, ils militent pour un « départ préalable du pouvoir actuel », « l’instauration d’une période de transition » qui serait une représentation par consensus au sein de la classe politique, et enfin, l'élaboration de la nouvelle Constitution qui devrait être « confiée exclusivement à une Assemblée élue au suffrage universel ».
Dos au mur devant un tel échec, l'entreprise de faussaires politique dans ce pays est allée offrir son charme, « de façon informelle » aux anciens militants du MCB pour crédibiliser tant soit peu les travaux de ladite commission. « Outre Mokrane Ait Larbi et Said Khellil, écrit le Quotidien d'Algérie, des émissaires chargés par le général Touati auraient également proposé à Djamel Zenati, Said Hamdani ainsi qu’à d’autres militants du mouvement d’avril 80 de prendre part à ces consultations ». Mais là encore « Les animateurs du défunt MCB [comme leurs ainés...] ont refroidi les ardeurs du général ».
« Il est hors de question pour moi de prendre part à cette « mahzala » initiée par un général qui a commandité de surcroît avec le général L Belkheir l’exécution du MCB », dira l’une des personnes contactée par la commission dont le nom n'est pas cité par le Quotidien.
Selon la même source, même « le frère de Bouteflika, en l’occurrence Said a élu domicile des semaines à Tizi-ouzou [pour] tente[r] de relooker les aarouchs (mouvement citoyens de 2001) en vue de les faire asseoir à la table de la commission Bensalah ».
Quel crédit peut-on donc attribuer aux travaux d'une commission dans cet état des choses, qui n'a bavardé qu'avec elle même, qui n'a trouvé l'écoute que des siens ? Une commission qui n'a su capté pour ainsi dire pas même la quotient ou l'attention d’anciens chefs de gouvernement comme Ali Benflis, Mokdad Sifi, Réda Malek, Mouloud Hamrouche, Ahmed Benbitour qui ont purement et simplement décliné l’invitation. Position à laquelle il faut ajouter, c'est une surprise ! le boycott collectifs des anciens chefs de l’État dont même Ali Kafi qui, à en croire le Soir d'Algérie, il « fera même une déclaration au vitriol contre le… système !».
Alors pour Bouteflika, il ne reste que Ben Bella qui n'a pour le moment pas affirmé ni infirmé son déplacement au Palais présidentiel dont il fut le premier occupant (1962/65) avant de se faire déloger et mis en résidence surveillée (1965/78) par un coup d’État dont l'occupant actuel fut à la fois le mobile et Maître d'ouvrage de ce coup d’État. Histoire qui se mord la queue quand la politique ne sait pas encore agir sur son temps...