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Billet de blog 25 novembre 2010

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Portugal: la rue dit massivement non à Socrates !

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Plus de 3 millions de manifestants sont descendues dans les rues, hier, au Portugal, pour protester contre le projet de budget 2011 du Chef du gouvernement socialiste José Socrates. Après la Grèce, l'Espagne passons par la France de ces derniers jours, c'est à nouveau au Portugal où l'on dénonce « la politique d'appauvrissement, récession et chômage », mobilisation initiée par les syndicats unis pour la première fois depuis 1988 qui a paralysé tout le pays par une grève générale réussie.

Cette première dans le pays depuis 22 ans est l'œuvre des enseignants, cheminots, pompiers, artistes, médecins qui se sont soulever contre l'austérité que le gouvernement socialiste veut imposer au pays. Grève générale à laquelle se sont associés également des employés de banques, gardiens de prison, fonctionnaires de justice. Le mouvement était également massif dans le secteur de la construction automobile, avec plus de 90% de grévistes à Autoeuropa ou Sakhti, idem dans l'industrie de la chaussure, du papier et du liège. En revanche dans les dispensaires et hôpitaux les urgences étaient assurées. D'après les syndicats cette mobilisation a remporté la plus forte adhésion jamais enregistrée dans l'histoire du pays, la mobilisation a touché même les policiers et gendarmes qui ont observé une grève des procès-verbaux.

Dans les transports, plus de 500 vols ont été annulés dans les différents aéroports portugais. Les ports, notamment de Lisbonne et Setubal ont été également paralysés. Et dans la capitale portugaise, Lisbonne, aucun service minimum n'a été assuré dans les transports. Le réseau du métro est resté fermé toute la journée, seul un bus sur quatre était en circulation. Le transport fluvial entre les deux rives du Tage était également interrompu. Les chemins de fer ont observé un suivi de grève de 75% des trains.

« Nous n'avons eu aucun incident. Les gens comprennent que ce n'est pas une grève pour réclamer des hausses salariales, c'est pour défendre les droits de tout le monde, les allocations familiales... », déclarait à l'AFP José Marques, conducteur de métro à Lisbonne depuis 16 ans.

Au-delà de la satisfaction générale, les syndicats se sont félicités surtout de la forte mobilisation dans le secteur privé, « C'est la plus grande grève jamais réalisée, plus importante que celle de 1988 », a déclaré le dirigeant de L'Union Génarale des Travailleurs (UGT) Joao Proença, tandis que son collègue de la Confédération Générale des Travailleurs Portuguais (CGTP) Manuel Carvalho da Silva faisait état de « plus de trois millions de grévistes ».

Alors que la ministre du travail Helena André a qualifiée cette mobilisation de « très réduite », estimant que « la grève affectait surtout l'administration publique et les transports ». Même affirmative du côté de l'union patronales de ces secteurs qui, eux, ont fait état de perturbations « résiduelles », annonçant inférieurs à 5% les taux de grévistes au niveau national.

C'est à cet esprit et détermination du gouvernement minoritaire dirigé par le socialiste José Socrates que le mouvement de grève se heurte. Sous la pression des investisseurs qui désignent le Portugal comme le prochain pays de la zone euro qui sera contraint de solliciter un soutien extérieur pour rétablir ses comptes. José Socrates entre le marteau et l'enclume compte et insiste garder son cap. Il a d'ores et déjà prévenu qu'il maintiendrait ses projets de baisse des salaires et de hausse de la fiscalité « pour ne pas faire subir au Portugal le même sort que ceux de l'Irlande et de la Grèce qui ont réclamé l'aide à l'Union européenne et au Fonds monétaire international ».


Après un déficit public record de 9,3 % du PIB en 2009, le gouvernement socialiste portugais s'est engagé à le ramener à 7,3 % cette année et 4,6 % l'an prochain, au prix de mesures d'austérité sans précédent, cumulant suppression de prestations sociales, hausses d'impôts, baisses des salaires (au-dessus de 1 500 euros) et coupes budgétaires.

Mardi, le Premier ministre Socrates avait réaffirmé que « le budget qui va être approuvé vendredi (demain) défend l'emploi et l'économie », se disant convaincu que « les travailleurs en sont parfaitement conscients ». Poudre aux yeux. Ces mesures en fait n'objectivent que pour apaiser les marchés financiers. Or, selon de nombreux analystes, le Portugal serait contraint de faire appel à l’aide du FMI et de l’Union européenne pour se financer tout comme la Grèce et l’Irlande.

Entretien avec Manuel Carvalho Da Silva, secrétaire générale de la CGTP *

« Au Portugal aussi, nous sommes dans une phase de mobilisation du peuple »

Pour Manuel Carvalho Da Silva, la principale centrale syndicale du pays, l’appel à la grève générale d’aujourd’hui contre la politique d’austérité constitue le début d’un vaste processus de lutte.

Comment se présente la mobilisation, à quelques heures du déclenchement de la grève générale ?

Manuel Carvalho da Silva. Toute l’année a été émaillée par des actions de résistance à la politique d’austérité. Je parcours le pays depuis plusieurs semaines, je rencontre des milliers de personnes, salariés, jeunes et moins jeunes, des retraités, je constate une grande sensibilisation à l’appel à la grève dans toute la société. Après la CGTP et l’UGT, de nombreux syndicats ont annoncé leur ralliement, notamment dans la banque, la presse, mais aussi dans le secteur pétrolier, les transports, l’automobile. La mobilisation est très forte dans la fonction publique bien sûr, on l’a vu avec la manifestation du 6 novembre qui a rassemblé plus de 100 000 personnes à Lisbonne, mais aussi dans le secteur privé en dépit des pressions du patronat et en dépit du fait que 30 % des salariés sont en situation précaire. Ce sont surtout des jeunes tout juste au smic.

Pour cette raison, cette grève est un grand défi pour les jeunes générations, pour qu’elles réagissent aux injustices qui leur sont faites. Nous sommes dans une situation que l’on peut malheureusement qualifier d’historique: pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, les jeunes n’ont pas de perspectives, leurs conditions de vie seront plus mauvaises que celles de leurs parents. C’est un problème qui touche toute l’Europe. De plus, sous prétexte de mauvaise conjoncture économique, les gouvernements mettent en cause les droits fondamentaux, l’éducation, la santé et le droit du travail. On porte atteinte à la démocratie.

Qu’attendez-vous du gouvernement alors que le Parlement doit définitivement adopter, vendredi, son budget, d’une rigueur sans précédent, qui a provoqué la grève ?

Manuel Carvalho da Silva. Nous appelons le gouvernement socialiste de José Socrates à refuser le chantage des usuriers internationaux et leurs recettes faites de sacrifices. Nous savons que, pour le moment, des réponses positives sont très difficiles. Nous sommes dans une crise politique très significative. Le gouvernement socialiste et son opposition de droite s’accordent pour affirmer qu’ils ne sont pas responsables des sacrifices demandés aux Portugais. Nous n’attendons pas de grands résultats dans l’immédiat. Le lendemain de la grève, nous demandons la reprise du dialogue social avec le gouvernement et nous allons présenter nos revendications.

Aujourd’hui, tout est bloqué, même les négociations collectives dans les entreprises et au niveau du Conseil économique et social. Par exemple, la hausse prévue du smic au 1er janvier, qui devait passer de 475 euros à 500 euros, est suspendue. Le gouvernement veut réduire, en trois ans, le déficit de l’État en pressurant les salariés mais il dispense les grandes entreprises de payer leurs impôts. Le déficit serait de 500 millions d’euros. Or, si seulement deux grandes compagnies, la Porto CEL (secteur papier) et l’APT (téléphone et communications), payaient les 300 millions de taxes qu’elles doivent au pays, les choses changeraient. L’obsession de combler le déficit et d’accélérer les privatisations ne va pas relancer la croissance dans notre pays, bien au contraire.

Quelles peuvent être les évolutions après la grève ?

Manuel Carvalho da Silva. Cette grève a un sens. Elle vise à combattre la résignation, à faire comprendre que la résistance organisée peut conduire à d’autres voies de sortie. Ce n’est pas l’UE ou le FMI qui nous donneront la solution. Celle-ci est du ressort de la mobilisation et de la responsabilité des Portugais. À nous de construire une alternative de projet de développement qui relance nos activités économiques, notre appareil productif, revalorise le travail, redonne une dignité aux salariés et à la jeunesse.

Cette grève est une lutte pour les nouvelles générations et ouvre un processus. Il faut non seulement enrayer l’offensive actuelle mais nous projeter dans l’avenir, créer les conditions pour pousser notre gouvernement à changer de politique. Ce sera très long et je crois que ce ne sera pas seulement vrai pour le Portugal mais aussi pour toute l’Europe. Mais les conditions de la dynamique sociale existent, nous sommes dans une phase de mobilisation des peuples. À nous tous d’en rechercher toutes les formes pour que le mouvement gagne en puissance.

* Entretien réalisé par l'Humanité du 24/11/10

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