Ah, que n’aurais-je donné pour être hier dans ma ville natale d’Alhoceima, dans mon quartier de Barrio en particulier, afin de jeter un dernier regard sur mon ami Ahmed qui vient nous quitter, d’embrasser son fils Nasser, de serrer son épouse Zoulikha, ma voisine d’enfance, et de partager les larmes de mes amis et voisins restés fidèles au temps.
Même à travers un petit écran, j’ai revu des visages familiers, entendu des voix anciennes, reconnu ces ruelles étroites où j’avais jadis couru enfant, et jusqu’à la mosquée de mon quartier, où mes premiers pas d’écolier m’avaient conduit au msid. Comme j’aurais voulu être parmi eux pour partager leur deuil, leur chagrin, leur colère, mais aussi leurs espoirs. Et si j’étais absent de corps, j’étais présent de tout mon être, avec mes émotions et ma nostalgie.
Tous, à commencer par Nasser, ont rappelé que ma ville, que mon quartier, méritent cet attachement, cet amour, cette tendresse. Il est désormais évident, au Maroc comme ailleurs, que les habitants de cette cité paisible et de ce Rif indomptable ne réclament rien d’autre que la liberté et la dignité, pour que s’éteignent enfin les ténèbres des prisons et s’ouvrent les horizons de l’espérance.
Mais ce court instant de grâce, où Nasser a pu retrouver les siens pour dire adieu à son père, fut vite assombri par les incidents de la fin. Ils m’ont arraché à mon rêve éveillé, me rappelant combien la situation demeure fragile. La liberté dont nous rêvons n’est pas encore à portée de main. Elle reste un horizon à conquérir, pas à pas, avec lucidité et réalisme, dans l’engagement de tous.