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Billet de blog 7 mai 2010

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Egypte : polémique autour du livre Mille et une nuits et du film Femmes du Caire

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La question de l’art et de la place que la femme qui y occupe suscitent un débat passionnant et posent un certain nombre d'interrogations dans le monde musulman, il y a déjà longtemps. Depuis quelques années, de nombreux exemples ont crée une véritable agitation menant à une confrontation directe entre deux visions diamétralement opposées. Au Maroc, il y eu une grande polémique autour du film « Amours voilés ou Hijab al hob », il y a quelques mois. Beaucoup d’islamistes avaient demandé carrément d’interdire la sortie du film pour atteinte à la religion et particulièrement pour cette vision dénigrante des femmes qui portent le voile.

Plus récemment, cette fois-ci en Egypte, une polémique identique s’était déclenchée autour du film « Femmes du Caire » réalisé en 2009 par Yousry Nasrallah. Un film qui s'inspire de faits réels et qui dénonce la situation des femmes en Egypte et qui pose encore une fois la question du voile. Le film a rencontré des problèmes dès le lancement de sa bande-annonce où l’on voit un baiser sur le cou de la comédienne principale, Mona Zaki. Des groupes islamistes ont demandé la censure du film, mais après une rude bataille, ils ne l'ont pas obtenue. Au contraire le film a connu un grand succès public, avec 500 000 entrées en Egypte, mais le réalisateur était obligé de couper un plan d’une scène montrant un avortement. Pour distribuer son film dans les pays du Golfe, il était même obligé de couper toutes les scènes d'amour.

Il y a quelques jours, l’Egypte, (encore elle pour être la mère de la planète, comme aiment bien l’appeler les égyptiens) est devenue le théâtre d'ardents débats enflammés non seulement autour du come-back de la dernière chance d’un Hosni Moubarak qui vient de s’attaquer dans un discours fleuve à l’opposition, mais plutôt autour d’une nouvelle édition par un organisme culturel gouvernemental des fabuleux contes Mille et une nuits. Cette publication vient d’attirer les foudres de certains islamistes radicaux, fédérés sous la bannière des « Avocats sans restrictions ». Ces derniers se montrent résolus à ne transiger avec aucune audace littéraire ; ils exigent purement et simplement la confiscation de l’ouvrage et la poursuite de ses éditeurs, au nom de la violation d’un article du code pénal égyptien punissant de deux ans de prison les "offenses à la décence publique". L’objet du délit reste toujours le même, comme pour les films : des références au sexe de nature à « encourager au vice et au péché », selon le prisme inflexible de la vertu du mouvement intégriste. Les intellectuels de gauche et notamment les syndicats des écrivains passent aujourd’hui à la contre-attaque, déterminés à ne plus se laisser intimider par cette terreur intellectuelle obscurantiste et rétrograde.

L’impact de la propagande des islamistes risque sans aucun doute d’inhiber la création des écrivains et des artistes dans les pays musulmans. Contrecarrer cette propagande est certes une responsabilité d’abord des intellectuels eux même. Mais il ne s’agit pas de fuir en avant en cherchant à copier un modernisme réducteur sous le prétexte de la défense de certaines valeurs universelles. On est en droit de se demander pourquoi nos cinéastes et nos écrivains se limitent-ils uniquement à traiter des sujets sensibles, « provocateurs »,qui se vendent bien et où ils accusent gratuitement l’islam d’être contre la beauté, l’amour, la liberté et la vie ? Pourquoi se content-ils de proposer une caricature plutôt qu’une image fidèle de la société dans sa globalité ? Pourquoi n’abordent-ils pas sous le même angle critique des questions aussi importantes et urgentes, sinon plus, comme la question de l’absence de la démocratie, du népotisme politique, de la corruption et des inégalités sociales. Pourquoi ne traitent-ils pas avec la même audace certains éventements qui ont marqué l’histoire ancienne et récente de leurs pays ?

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